Le pendentif Maria admirait la fine chaine d’or. Un petit coeur, en or lui aussi, y était suspendu, serti d'un minuscule diamant. Elle caressait son bijou comme un aveugle explorerait un visage inconnu. Elle voulait s’imprégner de chaque maillon. Maria se souvenait de la joaillerie ou elle l’avait vu pour la premiére fois. Rentrant du boulot, elle longeait l'avenue Louise dans le tram 94 et descendait a deux arréts avant le sien. Le coeur lui battait A tout rompre lorsqu’elle approchait la vitrine. II était toujours la. La jeune Polonaise regardait le prix et, les yeux vers le haut, effectuait des calculs. Parfois elle s'éloignait dépitée, et d'autres fois elle avait le coeur lé- ger, sire qu’elle aurait les moyens de se I’offrir. Selon son humeur, le bijoutier observait la jeune femme d’un sourire indulgent ou la chassait d’un regard hargneux. C’étaient ces jours-la qu’elle s’en allait le coeur broyé. Le ri- tuel quotidien persista quatre ans. Maria avait di laisser son gargon Josef avec sa mére en Pologne. Une copine habitait déja Bruxelles, en Belgique, et s'y était facilement trouvé du travail. Elle invita donc Maria a venir s'installer chez elle, le temps de prendre ses repéres. Son enfant lui manquait terriblement mais elle devait absolu- ment quitter son mari violent. Et donner a son fils une vie meilleure. Maria avait également quitté son travail : une coiffeuse en Pologne gagnait moins qu’une femme de ménage en Bel- gique. Elle était toujours coquette malgré ses maigres moyens. Elle épargnait ses ongles, longs, bien soignés et vernis, contre les nettoyants agressifs en enduisant ses mains de créme bon marché, matin et soir. Maria se procu- rait les produits cosmétiques et les chaussures a I’hypermar- ché. 4