6— __ Le Soleil de Colombie, vendredi 30 mars 1984 Un peintre et un mécéne Pablo Picasso - Sergei Stchoukine Par Alexandre Spagnolo Le dernier programme de VAlliance francaise annonce la prochaine conférence de M.: Jacques Jarry, conférencier officiel de cette institution culturelle, de Paris, dont le titre est «La vie de Picasso, source d’interrogations». Etant Espagnol de naissance, ce prestigieux Catalan, né a Malaga en: 1881, m’a vive- ment intéressé, surtout depuis' 25 ans, début de l’amitié de ma famille avec un Russe exilé a Beytouth (Liban) du nom de Ivan Stchoukine, dont le pére Sergei Stchoukine fut« un contemporain et admira- teur tout azimut de Picasso. Notre longue amitié, nos con- versations au cours de réu- nions d'un cercle d’amis fran-. ¢ais, portaient Ivan 4 évoquer d'innombrables souvenirs des, relations de son pére avec cet artiste qui marqua si pro- fondément le monde de l'art pictural- sous ses — divers aspects. La relation entre un fougueux Catalan, de 1’épo- que monarchique espagnole' et un Russe de l’€poque des Tsars, peut paraitre parado- xale, et pourtant? Sergei Stchoukine . Né a Moscou en 1853, un trés riche industriel (habits de confection) , décrit comme un homme ayant une grosse téte, un visage un tantinet porcin, bégue sur les bords, sobre et végétarien, fidéle croyant au rite de l’Eglise Russe Ortho- doxe, un homme sensible, . connaisseur éclairé d’oeuvres - dart dans la Russie de Yépo- que, son palais contenait des trésors inestimables. Voyageant souvent a Paris, se lia d’amitié avec Henri Matisse, ce chef du Fauvisme. Jusqu’en 1914, S.S. était con- sidéré le mécéne de son ami, il lui procura une source de revenus substantiels, puisqu’il Vinvita 4 Moscou et lui ache- ta 37 oeuvres, allant méme a inciter son ami et également’ connaisseur, Ivan Morossov, le magnat du sucre, d’en acheter une douzaine. __ En 1907, Matisse ame- na S.S. en Espagne, afin de rencontrer Picasso, qui était a ses débuts, il n’avait que 27 ans, il lui acheta deux oeu- vres grassement. Picasso entra dans le décor ou bien l'inverse, Stchoukine? De 1908 4 1914, S.S. s’enri- chit de cinquante autres oeu- vres de Picasso, dont celle sujette depuis 4 une masse de controverses «Les Demoiselles d’Avignon», dont le nom: fut donné, on ne sait comment, par André Salmon. L’achat comprit «Les trois femmes» et «La Dryade» (déesse grecque des foréts) . Ladite oeuvre controversée inaugura la période du cubis- me de Picasso, aprés celles des périodes, bleue, rose, etc. _ Ivan S. Stchoukine (fils) me confia que son pére en voyant «Les Demoiselles d’Avignon» pleura, de quoi? Admiration ou déception? Ces cing femmes. monstrueuses, un des nombreux biographes de Picasso, Patrick O'Brian (Editions G.P. Putman’s Sons, New-York [1976]), mentionne comme une oeuvre voulant une rupture décisive avec les notions de la tra- dition de la beauté et de Vharmonie, avec des masques tenant lieu de visages. Picasso: cacha bien longtemps cette’ oeuvre, ne l’exposant qu’a un: cercle de quelques amis con-; naisseurs. Peinture itinérante, | elle finit au Musée de New- York, offerte par la riche américaine Lily P. Bliss. | 31. Pablo Picasso: Les Demoiselles d’Avignon, 1907. New York, Museum of Sergei Stchoukine, suivant des notes en ma possession de son fils Ivan, mon ainé de dix ans, je reléve qu'il débuta sa collection vers la fin du 19¢me siécle, par _ d’importants achats de Claude Monnet, de Renoir, De Gas (dit Degas), puis de Cézanne. Au début du 20eme siécle, ce fut les achats des de Gauguin et en 1904 des Matisse. Plongé jusqu’au cou dans son hobby, S.S. entraina son sillage, son ami I.A. Morosov, et ce fut une razzia sur le marché des peintres de la Ville lumiére. Pablo Picasso De son vrai nom, Pablo. Ruiz, fils de José Ruiz y Blanco, peintre, professeur d'art, curateur du Musée de Malaga, Catalan pure laine et de Maria Picasso y Lopez. Tout compte fait, Pablo ne vécut en Espagne que 23 années, en France 69 ans jusqu’a sa mort en 1973. Dés son jeune age, se décla- ra membre du Parti commu- niste, absorba des pilules de haschich> avec l’écrivain Max Jacob, Guillaume Appolinai- re, Marie Laurencin, peintre de renom, Paul Fort, le prince des poétes de l’Epoque, dont le frére Marcel Fort, mon Pro- viseur a la Mission laique. francaise (Lycée francais d’Alexandrie) lors de mes études de 1914—1918. La guerre 1914-1918 Elle arréta toutes les acqui- sitions de S.S. et de son ami richissime I. Morosov. En 1917, la Révolution bolché- vique éclate, il s'exile 4 Paris, juste a temps, avec sa fille, emportant quoi? Rien ... Les collections Stchoukine- Morosov sont nationalisées par décret spécial : en 1923, placées dans le Musée d'art moderne occidental a peine inauguré, mais auparavant. exposées, une partie au Palais: et Musée de _ 1’Ermitage (Léningrad) et l'autre au Musée Moscovite Pouchkine. . _ Exposition 1954 Une rétrospective qui a eu lieu a Paris a la maison de la Pensée francaise, a laquelle l'U.R.S.S. a voulu donner un certaim éclat en y partici francais notamment, qu’elle détenait dans ses musées, dont. 37 ayant appartenu a feu Sergei Stchoukine. Mauvaise idée. Madame Keller, fille du défunt industriel, résidant 4 Paris, se prévalant du fait qu'elle était bel et bien héri- tiére de S.S. entama une action judiciaire pour une saisie conservatoire sur les 37 tableaux exposés. Réaction du Gouvernement francais Mme Keller pas d’histoires avec les Soviets, pas d’action judiciaire s'il vous plait. Elle s’éxécuta la mort dans l’ame, suivant son frére Ivan. Les Soviets, toujours 4 la pointe des nouvelles, avaient déja retiré des cimaises les - tableaux incriminés, et les envoyérent 4 Léningrad et Moscou. Picasso, quoique du Parti communiste, ne chercha pas a s'y rendre a cette expo- sition, ne pouvant supporter les avatars de son vieil ami, protecteur et surtout le mécé- | ne de ses premiéres heures. Les postulats De Picasso Un homme appartient sa vie durant a sa propre patrie. Soixante-neuf années_ en France, il fut toujours Catalan. Une peinture n’est pas exac- tement pour décorer des murs d’un appartement, c’est une lutte offensive et défensive contre l’ennemi ... Recevant. des amateurs étrangers, des acheteurs en puissance, il devenait furieux lorsqu’on lui demandait la signification de ses oeuvres. Que diable disait- il, demande-t-on de compren- dre le chant des oiseaux? Le parfum des fleurs? Tout ce qui nous entoure? Pourquoi chercher de comprendre I’art? Quand il s’agit de l'art, les gens _ s‘obstinent a vouloir. odern Art comprendre ... A son médecin, 4 son lit de mort, un célibataire, il lui dit «Docteur, vous avez tort de ne pas vous marier, c’est trés wtile dans la vie. Il en a eu l’expérience par ses nombreu- ses unions. __ Il avait une sainte peur de ‘la maldie et de la mort, il vécut 93 ans, pas mal n’est-ce pas? Ivan Stchoukine Les destin de réfugié le rendit 4 Téhéran, seul, plein d’amertume, s’occupa de l'étude et des recherches sur les miniatures persanes, sur les icéne russes, il publia avec succés ses travaux. Dé Téhéran passa 4 Damas (Syrie) - ot il enseigna au Lycée francais de cette ville. La la fléche de Cupidon entra dans le décor rencontra. et €pousa une jeune Hongroise, lui un homme d’un 4ge assez avancé, il eut sa Yolande, qui ne connaissant que sa langue dés bords du Danube : des années plus tard, lisait de L’Albert Camus. Aprés Damas, le long et dernier séjour 4 Beyrouth (Liban). Il fut pris en charge par l’ins- titut francais d’Archéologie, ou il oeuvra et publia les peintures turques d’aprés les manuscrits illustrés (Edition G. Owen Meredith [1968]). Obtint la nationalité francaise a plusieurs titres et mérite, cela se concoit, avec tous les priviléges que cela comporte. Un des directeurs fut Henri Seyrig, un archéologue réputé au Liban, dont la fille Del- phine, née 4 Beyrouth, a eu des succés éclatants au -théa- tre et cinéma en France, comme dans |’An prochain a Marienbad, au troisiéme con- certo de Ravel (qui n’a com- posé que deux ...) tout autantque les- succés de sa camarade Olga Georges-Picot fille du Consul de France au Liban, ‘vers 1913, co- signataire du fameux Accord Sykes-Picot, de 1916, que j’aie pu voir les deux sur le petit écran. Ivan et Yolande tenaient salon avec des intimes, des pionniers francais au Liban, com.me les Portalis, des magnaneries de Bteter, actuellement région ravagée par les Milices Druzes, les Gaillardot, dont le grand- pére le médecin Charles Arvould Gaillardot était le délégué auprés de la Mission de Phénicie en 1840 conduite par Ernest ‘Renan, Maitre Charles, Fabia, juriste a l’Ecole de droit de Beyrouth, attachée a celle de Lyon etc. | Chez eux, on «égrenait» des vieux souvenirs, du vieux Sergei, de la Russie d’antan. Leur demeure, un véritable etit musée. Ivan répétait: Si Javais _ encore quelques Picasso, Matisse, j'aurais 4 ma porte une Rolls-Royce avec chauffeur. Le couple prenait l'autobus ... Anti-communiste dans lame, il refusait toujours d’accompagner sa femme a Budapest, voir sa famille, DU CANADA méme s'il vivait aisément, la Hongrie jouissant de certaines libertés. Au bout de «x» voyages, il se décida a son corps défendant. Excellent séjour. Retour le 3 septembre 1974, Vavion piqua du nez dans la méditerranée a quel- ques encablures de I’Aéroport international de Beyrouth. Ce fut, il y a dix ans, la fin de notre couple ami, Ivan et Yolande, lui 83 ans, elle vingt ans de moins. Les écrivains laissent par- fois des oeuvres posthumes ; les peintres laissent presque toujours des oeuvres ... apo- cryphes. Léo Larguier, «L’A prés-midi chez L’Antiquaire» Un type, éberlué, re- garde trois hommes en train de jouer au poker avec un chien. A- hurissant... La partie se déroule normale- ment et, a la fin, le type s’adresse a |‘hom- me qui semble 6tre le propriétaire de |’ani- mal et lui demande: — C’est incroyable. Le chien, la, c’est votre chien? == Oui, chien. — Mais... it joue au poker : — Ben oui, il joue au poker. — Non... mais... atten- tion: il joue vraiment - aupoker? ee eee a ae “— Oui, que je vous dis. — Ah, ¢a alors! C’est c’est mon unique. tl joue vrai- ment au poker. Et il joue bien? — Mais non! A chaque fois qu’il a du jeu, cet imbécile remue fa queue. Jeune homme a sa fiancée: — Petite, cette bague? Qu’est-ce que tu ourals dit, si tu avais vu celle qui était a la mesure de ma bourse! LA CHAMBRE DES COMMUNES COMITE SPECIAL SUR LES MINORITES VISIBLES SEANCE PUBLIQUE D’INFORMATION Les organismes et les particuliers intéressés sont invités a assister.& une séance publique d'information Sur le rapport du Comité, séance qui se tiendra le vendredi 30 mars 1984 a 15h00. ’ Hétel Hyatt Regency Salle Regency West Des exemplaires du rapport seront disponibles. Pour tout renseignement supplémentaire, veuillez contacter le Greffier du Comité, en composant le Norm Kelly (613) 992-3150, poste 210. Bob Daudlin Président Gary McCauley Laverne Lewycky Gus Mitges Membres du Comité Steve Paproski Michel Veillette ’