Te ee ee ee ee Le Soleil. de Colomhie, vendredi 14 Octobre 1977, 5 Un choix national — SECTION 4 Chapitre 2 La langue et |'interprétation fe l'histoire = Les Canadiens de langue francaise et les Canadiens de langue anglaise ont sou- vent interprété différem- ment les événements de leur histoire. Ce chapitre n’est en aucune facon un résumé de l'histoire du Canada. | cherche plutdot a faire prendre conscience aux Canadiens que la dif- férence de point de vue et de réactions émotives a \’égard de leur passé a une incidence sur leur fagon de concevoir les problémes de langue et les rapports entre les deux groupes linguisti- ques. : Le début de la colonisa- tion par tes Européens de ce qui est aujourd’hui le Canada remonte aux sta- ' tions de péche établies au XVle siécle par les Francais et les Anglais sur les cétes de Terre-Neuve et de I’lle ~~ du Cap Breton:ke premier - établissement frangais permanent a été fondé a Québec, en 1608, par Samuel de Champlain; deux ans plus tard, les Anglais créaient a leur tour leur premier poste permanent a Cupids, sur I'fle de Terre- Neuve. Québec fut le point de départ des expéditions des trafiquants. de four- rures et des explorateurs francais qui se sont rendus jusqu’a la riviére Sas- katchewan vers |’ouest, la baie d’Hudson au nord et le golfe du Mexique au sud. Une tension a toujours subsisté au sein de la colo- nie de la Nouvelle-France établie sur les bords du Saint-Laurent ‘aprés la _fondation de Québec. D’une part, il fallait con- solider et accroftre population; d’autre part, \‘attrait du commerce des fourrures détournait les aventuriers de la vie au foyer. L’accroissement démographique de la Nou- velle-France n’‘a jamais suivi celui des colonies anglai- ses du sud dont la popu- lation était beaucoup plus nombreuse. _A_ |’époque de la guerre de Sept Ans qui dura de 1755 a 1762 et mit fin a la domination frangaise en Amérique du Nord, on ne_ comptait pas plus de 80,000 Fran- cais dans toute |’Amérique du Nord, concentrés sur- ~ tout dans la vallée du Saint-Laurent. La popula- tion des colonies anglai- ses s‘élevait 4 environ deux millions d’‘habitants a la méme époque. _En septembre 1759, les Anglais ont vaincu les Fran- cais a la bataille des Plaines d’Abraham. Mais au prin- temps de |’année suivante, les Francais contre-attaqueé- rent les troupes anglaises qui avaient passé I’hiver a Québec et remportérent la bataille de Sainte-Foy. Les deux armées attendirent ensuite l’arrivée du premier navire en provenance d’Eu- rope. La premiére voile qui apparut battait pavillon anglais. Grace a ces ren- forts, les Anglais purent consolider eur victoire remportée 4 Québec et foncer sur Montréal. Au cours des négociations qui suivirent, le gouvernement francais préféra céder la Nouvelle-France aux An- glais, plutét que la Guade- loupe. La Conquéte est une force agissante dans la vie cana- dienne. Son importance his- torique est sans doute moindre que celle qui lui fut attribuée par la suite. Elle n’a\pas procuré aux Anglais un sentiment de victoire totale, ni entrafné |’anéan- tissement des Frangais. On peut dire cependant qu’elle est a l’origine des difficul- tés que n’ont cessé de connaftre les générations suivantes. Toutefois, nous nous rendons mieux compte combien notre perception de cet événement peut o- rienter notre interprétation du présent et de I’avenir. Au cours du siécle qui suivit, les Anglais adopteé- rent tour a tour deux at- titudes pour administrer le Québec. L’une était une politique de générosité et de tolérance a !’égard des 65,000 Frangais de la val- lée du Saint-Laurent, l’au- tre une politique d’assimi- lation. common law et le régime L’esprit de tolérance des Britanniques s‘est surtout manifesté par l‘adoption de l'Acte de Québec de 1774 qui accordait aux Fran¢cais le droit de conserver leur religion et leurs institu- tions civiles, et de !’Acte constitutionnel de 1791 qui créait le Haut et la Bas- Canada. Grace 4a l’as- semblée législative du Bas- Canada, les Frangais pou- vaient désormais expri- mer leurs aspirations. La volonté d’assimilation, par ailleurs, ressort claire- ment de la Proclamation royale de 1763 et de |’Acte _d‘Union de 1840. Dans le -présenté par Lord Durham Ce gouvernement aurait eu a la_ suite des rébellions des pouvoirs trés étendus, qui éclatérent en 1837 et particuligrement dans le do- 1838. dans le ‘Haut et le Bas-Canada. Constatant que les - Canadiens frangais » é- taient “sans instruction; Passifs et conservateurs”, Lord Durham: jugea qu’on avait trop cédé a leurs revendications et que le moment était venu de mettre en oeuvre une poli- tique ‘d’assimilation. Dé- sormais, ne seraient recon- nues que les lois, la langue et les institutions anglaises. En 1840, |’Acte d’Union ques; dans le second, ils unifiait le Haut et le Bas- unifiaient le Haut et le Canada (dénommés respec- Bas-Canada. La déporta- tivement Canada-Ouest et tion des Acadiens d’ex- Canada-Est), créant ainsi pression francaise de la.des conditions favorables a Nouvelle-Ecosse, en 1755, I’assimilation de la. minorité laissait déja prévoir l’appli- francophone. cation d’une telle politique. Les francophones réagi- Toutefois, I’esprit de to- rent avec vigueur et ténaci- lérance a finalement préva- té et demeurérent ferme- lu et les mesures particu- ment attachés a4 leur droit ligrement..- répressives de civil. et a, -leur._ religion... 1840 furent abandonnées. En: | outre,-. au nouveau’ Les. Anglais avaient choisi parlement, ~ ils réussirent, la générosité a |’égard des avec l'aide de leurs alliés Francais du Québec. Une du Canada-Ouest, 4 rendre telle attitude était inapplicables les mesures de remarquable pour |’époque, répression a |’égard de la et elle fut maintenue mal- langue et des institutions gré l’opposition des mar- frangaises contenues dans premier cas, les Anglais voulaient imposer au Qué- bec le protestantisme et les institutions civiles britanni- chands anglais venus s‘é- |’Acte d’Union. Si bien tablir a Montréal et aqu’a l’ouverture de la Québec aprés la Conquéte; législature de 1849, ceux-ci voulaient étre Lord ,Elgin lut le discours régis’ par les: institutions’ du-tréne en™francais~et en britanniques de cette nou- anglais, symbolisant par ce velle possession anglaise. Ils geste la dualité fondamen- préféraient ces institutions tale de la Province du Ca- qu’ils connaissaient bien; ils estimaient y avoir droit et dans leur intérét de les réclamer. Aussi con- sidéraient-ils tout 4a fait inacceptable le maintien, dans ce pays conquis, des lois frangaises en matié- re de propriété, du droit Ce fut la derniére fois que le gouvernement britan- nique édictait des mesures concernant I’avenir du fran- en 1849, permit aux Fran- nada et de ses institutions. . maine économique, leur principal sujet d’intérét. Les Anglais*ne voulaient plus é- tre “dominés” par une mi- norité. ‘Les Frangais ont vu la un danger d’anéantissement et d‘assimilation. Ils désiraient un systéme de gouverne- ment ou ils seraient ma- joritaires et pourraient dé- cider eux-mémes des ques- tions. ‘relatives a la_ reli- gion, a I’éducation et aux institutions civiles. Ils vou- laient par’ce moyen conser- ver et protéger leur singu- ‘larité. ; : ’ _ La -Confédération n’avait Pas.‘ pour but unique de résoudre ce litige. Ii faut aussi mentionner une yolon- té de croissance économi- que et d’expansion territo- riale, la nécessité de doter le pays de réseaux de trans- ‘port, la croissance démogra- phique, le début de la guer- re de Sécession et les ris- ques. d’invasion américaine. Mais, pour réaliser ces am- bitions, il fallait au préala- ble sortir la Province du Ca- nada de |’impasse: politique ot elle se trouvait. La solution de compromis adoptée fut un régime fédé- ratif.dans lequel | locales, éducation comprise, relevaient. des=<»gouverne- ments provinciaux, tandis que celles qui revétaient un intérét général étaient de la conpétence d’un gouvernement central. Cette formule devait permettre de tenir efficacement compte des besoins locaux et régio- diens de langué francaise et les affaires in es civil et du régime seigneu- rial francais. Ils souhai- taient voir s’appliquer par- tout au pays la common law et. le systéme anglais de propriété fonciére li- bre... G tes Loyalistes qui im- migrérent au Québec 4a la suite de la révolution amé- ricaine les appuyérent. dans leurs revendications. Ces pressions aboutirent en 1791 a la création du Haut Province du Canada de ré- Maritimes . Elle devrait per- gler eux-mémes leurs diffé- mettre aussi au gouverne- rends linguistiques, religieux ment central de concevoir et scolaires. Mais ces pro- des politiques cohérentes blémes. rendirent de plus en en matiére de défense, de plus difficile |’administra- transport et de développe- tion de la Province. || de- ment du vaste territoire s’é- venait presque impossible tendant de la Province du d‘arriver a un consensus Canada jusqu’a la jeune co- quel que soit Ilobjet du lonie de la Colombie-Bri- débat, en raison des par- tannique sur la céte du Paci- ticularismes régionaux et fique. Les modalités de des oppositions entre Fran- cette solution —_— sont cais et Anglais. Cette situa- contenues dans l’Acte de des droits en matiére d’é- ducation. Cette solution voulait mettre un terme a une si- tuation de conflit. Fondée sur la bonne volonté et Ja bonne foi des Francais et des Anglais de la Province » du Canada, elle était le fruit de la concertation. Elle s‘inspirait du désir d’éviter la majorité d’imposer ses volontés a la minorité de langue francaise. Les nom- breux €vénements qui se sont succédé entre |’Acte ‘de Québec de 1774 et la Confédération de 1867, et les régimes de gouvernement adaptés des institutions par- lementaires britanniques par les Francais et les Anglais, ne laissaient aucun doute sur la volonté des Francais de résister a |’assimilation. La Confédération a déter- miné les conditions de la survie et de I’essor de la population de langue fran- Gaise-- Plus encore, elle a mis;-en place les structu- res essentielles pour que se réalise toujours davanta- ge l’égalité entre les deux groupes. Ce concept d’égalité ap- parait dans la Loi de 1870 créant le Manitoba. Cette loi. garantissait, d’une part, TuSage du frangais et de l‘anglais..au. .parlement et dans les tribunaux de la nouvelle province et, d’au- tre part, l’ouverture d’écoles confessionnelles, pour pro- téger les droits des franco- phones 4a |’instruction dans ~ leur langue. Au moment de la création de la province, cais au Canada. Le gouver- naux, et particuliérement tout le territoire qui avait nement responsable, institué des aspirations des .Cana--appartenu a la Compagnie “dé “la baie d’Hudson et cais et aux Anglais de la des Anglais-des colonies.des celui ‘s’étendant au nord- ~ouest du Canada hors des li- mites de la province, recut le nom de ‘’Territoires du Nord-Ouest’”. La popula- tion. de ces territoires se répartissait presque égale- ment entre francophones et anglophones; des disposi- tions législatives _ garantis- saient I’usage des deux lan- gues et |’existence d’écoles confessionnelles. Cette notion d’égalité de statut des francophones et et du Bas-Canada. Dans le Haut-Canada, aujourd’hui l'Ontario, s’appliquaient la tion atteignit son paroxys- me .au début des années 1860. Les partisans d’une nou- anglais de propriété foncié- velle structure constitution- re, tandis que le Québec nelle plus fonctionnelle in- conservait le droit civil et voquaient le fait que les le régime seigneurial. Ce Frangais de l'Est et les An- compromis constitutionnel glais de |‘Quest avaient, les traduisait concrétement, uns et les autres, un nombre dans une structure institu- égal de représentants au par- tionnelle, la dualité fonda- lement de la Province du Ca- mentale du Canada, dualité nada. Bon nombre de Cana. qui demeure encore au- diens de langue anglaise te- jourd’hui sa principale: ca- naient le Canada pour un ractéristique. =~ pays anglais et jugeaient Aprés la Conquéte, Mon- inacceptable et tréal_devint le foyer de hensible que la minorité I'activité économique du francophone puisse nuire pays. Les commergants aux intéréts et aux aspira- anglais qui s‘y étaient é- tions de la majorité. Beau- tablis jugeaient nécessaire coup d’entre eux préféraient ‘assimilation des Francais. un régime unitaire fondé sur -Leur point de vue a beau- la “représentation propor- coup influencé le rapport tionnelle a la population’. incompre- ‘Amérique du Nord britan- des anglophones au sein de nique qui. accorde pour la la Confédération n‘est nulle premiére fois des garanties part ailleurs mieux expri- constitutionnelles explicites mée que dans un discours concernant l’usage du fran- prononcé, en 1890, par le cais et. de l’anglais au Par- premier Canadien 4 occuper lement et dans les tribu- le poste de Premier minis- naux du Canada et du Qué- tre, Sir John A. Macdonald: bec, o la minorité pro- Je suis en désaccord avec le testante se voyait garantir ( a suivre en page 6) ins is Compte tenu de |’importance que revét actuellement la question linguistique dans le contexte dela politique canadienne, voici le texte intégral du Livre Blanc sur les Langues, présenté aux Communes ‘le 21 juin 1977 par le secrétaire d’Etat, John Roberts. Cet espace est acheté par le Secrétariat d’Etat. Les textes qui s’y trouvent sont publiés dans les journaux membres de l’Association de la presse francophone hors Québec, APFHQ. tiga lial,