a we 10 Le Soleil de Colombie, Vendredi 23 Juin 1978 Parlant de la St-Jean par Blanche LAMBERT Saviez-vous qu'il y avait une Société St-Jean-Baptiste A Dawson City du Yukon au retour du siécle, et que l'on célébrait la St-Jean par des pique-niques sur la monta- zne, ou par des excursions en bateaux (paddlewheller) iu village des Indiens a Moosehide. Il y avait un bon rassem- blement de Canadiens-Fran- cais a Dawson a cette épo- que et on ne manquait pas loecasion de se rencontrer souvent, et vivre plus ou moins en famille. On organi- sait des parties de cartes et danses ou on rencontrait des gens avec de bons noms canadiens comme Létour- neau, Séguin, Lamarre, Bail- largeon, Lemieux, Albert, Fortier, Dubois, Bilodeau, Thibodeau, Pépin, Genest, Fortin, Lafortune, Granger, Svivestre et Mainville. Saviez-vous que les Soeurs de St-Anne, religieu- ses missionnaires de l'Ouest Canadien avaient un hépital et une école catholique a Dawson? Et aussi une église, St-Mary’s, dirigée par des péres Oblats, dont plusieurs canadiens, notamment le Rév. Pére Bunoz, plus tard Péche en par Keith Spicer VANCOUVER- Jusqu’a tout. récémment, la guerre américano-canadienne __n’a- vait pour moi ni queue _ ni. téte. C'est Dédé-des-Tuyaux qui m’a permis d’y voir clair en m’envoyant une copie du code secret des négociations des Affaires Extérieures. Dédé-des-Tuyaux (DDT pour ses amis) est un (ou une?) fonctionnaire des Af- faires Extérieures canadien- nes patriote et possédant un sens superbe des priorités. Tromper le bon peuple avec des parlottes sur lOTAN ou les bombes au neutron, pas- se encore, se dit DDT; escamoter des évidences sur le saumon, la morue ou le flétan, c'est une tout autre paire de tanches. (CSL: sic) Il faut, me confia DDT, remonter fort loin pour trou- ver une question diplomati- que si limpide entourée a dessein d'un si épais myste- re, plus exactement a I’épo- que ot Lord Palmerston dit, A propos de la question du Schleswig-Holstein: “II n’y a que trois personnes qui com- prennent ce probléme. L’un, le Prince consort, est mort. L’autre, un professeur, a perdu la raison. Le dernier, c'est moi-méme, et j'ai oublié”. Donec, bravant les risques de censure, de jugement a archevéque de Prince Ru- pert; le pere Lefebvre pra- tiquant son ministére parmi les mineurs, sur les “Creek”, tel que Dominion et Bonanza et aussi les peres Rivest, Corbeil et Gendron de Daw- son. Il y avait aussi des gens de »rofession; notamment les juges Noél et,Dugas, les docteurs Lachapelle et Ba- rette, l'avocat Fortin, le photographe Duclos en plus des musiciens comme Gé- déon Pépin de la Beauce, pianiste-compositeur et or- xaniste de la paroisse St- Mary de 1901 a 1912, un excellent baryton, Napoléon Laliberté, un bel homme et Vidol du jour, surtout de la section féminine! I] y avait aussi un violoniste du nom de Phalenpin, et une canta- trice du nom de Paméla Joyale. Et parlant des “dance-hall girls”, dont plu- sieurs fameuses, notamment Klondyke Kate, il y avait aussi les “filles de joie” de l'autre cété de la riviére, entre elles, les quatre soeurs Lamarre. Durant la ruée vers I’or, il y avait environ 35,000 habi- tants 4 Dawson, mais il y eut un déclin rapide au retour du siécle; mais il y avait encore environ 8 410,000 personnes en 1901. Comme le gouvernement de Wilfrid Laurier était au pouvoir en ce temps, il y avait plu- sieurs employés canadiens dans le bureau de |’Admi- nistration. A part du Com- missaire d’Or, un nommé Gosselin il y avait Aimé Dugas, M. Finnie, Gus ]’'Heu- reux et M. Pépin, enregis- treur des mines. Un des premiers pionniers de Dawson fut Joe Ladue qui maintenait un “trading post” sur l’emplacement de la future ville. Au lieu d’in- vestir son argent dans les mines, il hasardat un “claim” sur ce terrain et fit fortune par la suite, vendant des lots pour $20,000. On voit encore son nom sur une vieille batisse. Le nom d'une autre pion- niére se voit encore sur une de ces reliques du passé, c'est celui de Madame Trem- blay, couturiére de renom, qui travaillait pour la classe élite. Dans une édition du “Klondyke Nugget” journal de ce temps, on peut y lire un rapport d'une Messe de eaux troubles huit-clos et d’exil en Islande, DDT et moi allons sur-le- champ révéler, mot par mot, le sens véritable et confi- dentiel du ‘baratin de la Grande Guerre du Poisson version 1978. --Poisson: Parfois, il s’agit vraiment de poisson, mais la moitié du temps au moins, il faut entendre en réalité qu’il y a du.cuivre, du nickel, du pétrole ou du gaz naturel sous les fonds marins. Com- me les enjeux économiques et stratégiques des miné- raux et du pétrole consti- tuent une menace catastro- phique pour l’entente nord- américaine, la rivalité Cana- da-USA doit chastement se dissimuler derriére une bé- belle qui, pour huit Cana- diens sur dix, est une bonne blague. Pour Québécois, On- tariens ou gens des Prai- ries, y a-t’il rien de plus insignifiant qu’une sardine? --Pécheur amateur: Cana- dien péchant dans les eaux *américaines. --Pécheur commercial: A- méricain péchant dans les eaux canadiennes. Traité de péche a bénéfi- ces réciproques: Permet au Canada d’appliquer la loi sur les mesures de guerre - avec une pleine demi-heure de préavis - a l’encontre des pécheurs américains; _ per- met aussi aux Etats-Unis de répliquer en arrétant des pécheurs au lancer cana- dien en Alaska, au beau milieu d'un concours de pé- che au saumon du dimanche. --Regrets, remords et réti- cences: La joie féroce avec laquelle les. représentants officiels des deux pays as- somment les pécheurs de l'autre nation via les vexa- tions cocardiéres sus-men- tionnées. --Accord a long terme: Modus vivendi qui nous per- met de vivre en paix jus- qu’au jour oU, au Canada, les Libéraux auront besoin d’u- ne nouvelle bruyante échauf- fourée de frontiére pour que nous ne regardions pas de trop prés les résultats du dernier sondage Gallup ou jusqu’a ce qu’aux Etats-Unis des sénateurs des Etats de péche aient besoin d'une bonne image d’Epinal (du genre Vive l'Amérique Pure et Dure) pour les remor- quer a travers les écueils de leurs élections de mi-mandat présidentiel; prochaine éché- ance: novembre 1978. --Accord intérimaire: Mot- camouflage pour pas d’ac- cord du tout. Modestement utile quand méme car il maintient la diplomatie de canonniére des deux partis au niveau de l’insulte gros- siére par haut-parleurs. --Ferme mais flexible: Opi- nion que chaque pays se fait de sa propre ligne de négo- ciations. “Ferme” signifie vouloir a tout prix gagner .chaque point en litige et du méme coup le vote de cha- que pécheur de son pays. “Flexible” veut dire étre disposé 4 ramasser n’impor- te quel argument qui traine (histoire, logique, géogra- phie, droit, pile ou face) pour damer le pion a un adver- saire également retors. --Etroitement _légaliste: Raccourci automatique pour qualifier la ligne de conduite du parti adverse. Dans l’an- née écoulée chacun a plu- sieurs fois pris l'autre en flagrant délit de “légalisme étroit” (respect de la lettre et de l'esprit des traités en vigueur), prouvant ainsi que, au fin fond, les gars d’en face sont des chercheurs de poux. Minuit a l’Eglise St-Mary en 1901, quand Mgr Breynat précha le sermon d’occasion. Une magnifique chorale a laquelle s’étaient joints d’au- tres artistes d'autres déno- minations, chanta la Messe de St-Joseph de Weigand, sous la direction de l’orga- niste, M. Pépin. L’église était bondée de catholiques et de non-catholiques, y com- pris le Gouverneur de Dawson. Une fraternité incompara- ble existait parmi les ci- toyens de cette ville frontie- re, et il y avait beaucoup d'activités sociales et sporti- ves. Et comme divertisse- ments: l’Opéra, des “Mines- trel Show, des musicales, en plus de nombreuses “Dance- Hall” et “Saloon” ot les mineurs passaient des nuits a danser et perdre leurs fortunes durement acquises, pour recommencer le lende- main, leurs recherches pour “les paillettes d’or”. Aujourd’hui, Dawson n'est plus qu'un “Ghost Town” touristique, sommeil- lant doucement sur les rives de la belle et tortueuse Riviere Yukon. © --Réduire au minimum: AI- lusion discrétement flatteu- se a l’exploit du ministre des Affaires Extérieures Don Jamieson, qui a perdu 47 livres pendant les négocia- tions. Détail strictement ré- servé a nos lecteurs de la GRC: avant que M. Jamie- _ son mette au rencart un diplomate de carriére expé- rimenté pour s’occuper lui- méme des pourparlers, les problémes qu’on réduisait se situaient plus haut: autour des cétes et non autour du ventre. --Plateau continental: L’endroit ot depuis une folle petite quinzaine les diplo- mates américains et cana- diens ont égaré bons sens et intéréts communs. --Conservation écologique: Tout poisson que l'autre coté convoite est par definition une espéce en voie de dispa- rition, et doit bénéficier d’un programme immédiat de protection. --Participation régionale: Jeu préélectoral (la Colom- bie-Britannique y excelle) qui consiste a tolérer en douce les fuites a la presse des documents confidentiels provinciaux afin d’épater au maximum les pécheurs et les politicologues de la place. --Equidistance: Etalon uti- lisé pour revendiquer des eaux territoriales, quand on ne peut se servir de méri- diens, de lignes de traités ou de “circonstances spéciales”’. Le Canada s’est jusqu’a pré- sent retenu d’affirmer que les poissons figuraient parmi les premiers convertis des missionnaires jésuites du Québec; on est cependant en train de triturer sérieuse- ment la question au cas ot les Yankees s’aviseraient dinsinuer que les Quakers Minute papillon! par Roger DUFRANE Samedi matin. Temps radieux. Je viens d’ouvrir les tentures sur l’avenue ot dorment les autos. Des ombres mauves s’étendent sous les arbres. On sonne a ma porte: - Tiens, Francois! Quel bon vent t’améne? - Je vais au village. Accompagne-moi. Un coup de peigne, cravate, chaussures, blouson, et me voila cheminant au c6té de mon copain. Nous traversons de biais l’étendue verte du parc. De coquettes maisons ' lentourent. Au loin, les montagnes bleuatres, envoilées, moutonnent doucement. Brume des matins de juin, si limpide aujourd’hui que les choses familiéres, la balancoire, la piscine, un pigeon qui s’abreuve a la fontaine, ressortent avec des couleurs nettes, et que les rires d’enfants dans les jardins arrivent clairs, sonores, comme des chansons d’oiseaux sur le calme d’un étang. Nous franchissons un seuil si peu gardé que sans nous en rendre bien compte, un peu comme l’enchanteur “empiégé” par la fée Viviane en Brocéliande, nous nous trouvons transportés d’un site ouvert en un paysage clos. Nous longeons les pelouses et “cottages” de la cité-jardin. Des massifs rouges, bleus, oranges, éclatent de couleurs et de parfums. Un papillon blanc, double pétale a la dérive, voléte dans l'azur. Francois me le désigne: - Une longue vie de chenille et deux jours d'amour. Et quel amour! Immatériel! Impondérable! La cour intérieure de la cité s’animait de jolies passantes. Un sexagénaire en tenue de golf marchait d'un pas leste vers le magasin des vins et liqueurs. Un arbre au feuillage léger, debout sur son ombre, frissonnait a la lumiére. J’ai accompagné Francois, d’abord a la banque, ou, aprés avoir parlementé au guichet il a glissé un chéque dans une enveloppe, puis au “drugstore” ou il s’est adressé a la préposée au bureau de poste, une roussaude aux yeux d’écureuil: - I want to send this “registered mail” to Paris. Sur la missive que Francois déposait sur le comptoir se lisait, lettres capitales: A.D.P.D.L.F. L'employée, lui tendant un stylo a bille et un papier, a demandé a mon ami de libeller le nom du destinataire en entier. Il s'est mis a écrire: Association des philatélistes de langue frangaise. - Trop long! dit la jeune fille. Dites-le en anglais. Francois, estomaqué, lui a jeté: Association of philatelists of french language! La jeune fille sourit avec condescendance, écrivit dans un registre, donna un coup de tampon sur l’enveloppe et un autre sur un recu qu'elle tendit, de ses doigts aux ongles carminés, 4 mon copain. Nous sommes sortis. Deux gamins, qui foncaient sur la patinette, nous ont évité en s’esclaffant. Francois a ouvert son porte-feuille. - C'est trop fort. Regarde. Elle a marqué “Association of stamp collectors”, ce qui ne veut rien dire. Retournons. La jeune fille comptait des timbres dans un album. Elle observait, d’un oeil inquiet, Francois qui. lui indignation. Sile chéque se perd, va-t-elle le lui rembourser? “You got a point”! dit-elle et elle a redemandé a Francois de récrire l’adresse intégrale. - Are you French? a-t-elle demandé en tendant le papillon de papier. - Oui, Mademoiselle, dit Francois. Nice to see you. “Aurevoir! Devant le jardin au papillon blanc, deux maintenant, |’un de couleur amarante, zigzaguait. Francois les a longuement observés, comme s'il cherchait a déchiffrer le message d'amour qu’ils tragaient dans lair vibrant. Puis, brusque- ment: - Tu sais, me dit-il, je vais te laisser rentrer. Tu m'excuseras. Je retourne au “drugstore”. Je crois avoir gagné unevadepte a la francophonie. ou les Mormons ont fait des prosélytes chez certains poissons. --Compétence constitu- tionnelle: Connu dans le - monde des poissons sous le nom “d’impératif territorial” il s’agit du meilleur projet jamais inventé pour justifier Vexistence des hommes poli- tiques, des bureaucrates et, bien sar, des diplomates. La, les Yankees gagnent haut la main: ils en ont quatre a nous déballer (au niveau de Etat fédéral, des Etats, du Congres et des tribunaux), et nous n’en avons qu'une et demi (le gouvernement fédé- cal plus le grain de sel des provinces). --Modération: Pour les Ca- nadiens, la politique cana- dienne; pour les Américains, la politique américaine. --Intransigeance: L’inver- . se, ou peut-étre le mutatis mutandis. --La Convention du Flétan . de 1923: Le premier traité international sur quoi que ce - soit signé par le Canada tout seul est bien plus qu'une petite curiosité de manuel scolaire. Traduit du code secret diplomatique, son ti- tre méme résume le pour- quoi - chez Américains et Canadiens - de toute cette futile guerre du poisson 1978: tout simplement, nous empoissonner. clamait son ; ;