Conte du temps des fétes INNOCENT XIV! (Premiére de trois parties) Un rang de Val-Paradis, au fond de l'Abitibi (région miniére de l'Ouest du Québec), vers le milieu de ce siécle. Noble maison ancestrale a l’abri d’un énorme sapin enneigé plusieurs fois centenaire. La scéne se passe dans une grande salle a manger- scuisine peinte en jaune pdle défraichi. «C'est bin ef- frayant, c'est bin ef- frayant comme c'est épouvantable! A cha- que année, apra I'mariage, faut agran- dir la table...» - Ensemble, une der- niére fois, les enfants. @) «C'est bin ef- frayant, c'est bin ef- frayant...» La vieille ri- tournelle terminée, Jérémie dépose son accordéon musette sur 1’immense tapis brum natté, et bourre a nouveau sa pipe de tabac hollandais. Marguerite, sa gra- cieuse et non moins grasse «créa- ture» surnommée Maro®, seretire de table les mains dans les poches rouges et vertes de son tablier de Noél, pour dissimuler sa nervo- sité, en langant : - C'est pas croyable! Noél qui est déja passé! Pis on n'est quasiment rendu au jour del’ An! Ca se peut- tu? Y reste au moins les Rois avec le pois pis la «bean» pour se con- soler. Je me demande bien pour- quoi faire que dans la vie toutes les meilleures affaires passent toujours trop vite. Déja le 28 décembre, en effet. L’obscurité enveloppececoin isolé du pays depuis des heures. La pendule du palier semble s’étre tue tant l’atmosphére électrisante est ala féte. Le souper achéve. . Taille bien corsetée, aussi raide que la pipe de son Jérémie, Maro retourne 4 son «bon poéle a bois Bélanger» (son propre nom de famille, justement) en répétant d’une voix forte, comme si, au lieu d’avoir encore |’impression de parler aux murs, elle tenaita ce que son gros matou Grison, lui, réa- gisse : - Noél qui est déja passé! C'est bin épouvantable! C'ti effrayant! - On! méman, tu viens de dire «astien ©, s’écrit le deuxiéme de ses sept garcons. T’as pas honte? - Voyons donc, tit-Toine... Elle ajoute, l’oeil rieur: Y est-tu ta- quin, celui-la, rien quin peu! - Laisse-le donc faire, méman. Apratout, c'est sa féte aujourd”hui, renchérit Nicolas rouge comme un coq, le mouton noir de la famille. - Comment ga, c'est sa féte? de- mande Maro sur un ton ferme. - C'est la féte des Innocents, non? Approbation générale. - Bin tant qu'a ¢a, mon gars, c’est taféte a toi aussi. Pis tusauras que les saints Innocents, la, bin c'est la féte’ a tout le monde. ' Brisebois, 1’intellec- revenu Un rang de Val-Paradis, au fond de l’Abitibi Gene miniére del’ Quest du Québec), vers le milieu de ce siécle. Ca y est, le diable est aux vaches (populaire régionalisme)! Toute la tablée se donne le mot, dirait-on, pour se livrer a un petit jeu de société innocent, dont le vainqueur se verra offrir rien de «s’immersionner» (néologisme dont il est fier) dans le Nord de 1’Ontario. - De quossé qusé ¢a (qu'est-ce que c'est ga), une «grippée gicienne»? demande la mére, fort intri- guée. Joseph, sérieux comme un pape (il est accompagnée de sa «blonde», génée a l’excés), lui pose alors la question : - Vas-tu redevenir «mummy»? la tablée s’esclaffe... Les autres, n’ayant jamais sortis du vil- lage, donc incapables de saisir le calembour anglais, qualifient les questions de l'ainé de «maudites platitudes niaiseuses»). - Eh! quej‘hais donc ga, Joseph, se lamente Maro pour tenter de se moins que le «prix donner bonne con- Nobel val- tenance, quej‘hais paradisiaque de]’In- donc ga quand ce nocence», pour re- que tu nous sors prendre ici le mot du des affaires de grand Augustin méme, toi. J’voué tuel de la famille. Cascades de rires Boutades, mo- queries, plaisanteries piquantes, fines et vois pas du tout) ce qu'il y adedrdéle la-dedans. nent d’autres moins fines, a double allure» - au dire de sens, hasardées, salées | 5 vicitle ritournelleter- la mere. C’est méme «au cotom, lé- minée, Jérémie dépose maintenant au tour géres ou carrément gon accordéon musette. de Monique la ti- lourdes fusent de part mide, qui n’aime etd’autredelatableagrandieason pas voir sa yaaman contrariée, maximum. L’ambiance évoque bien vite un amoncellement de pop- corn tout chaud bombardant sa cage vitrée. Les grosses blagues vont parfois jusqu'a se chevaucher, sans méme qu’on attende ni entende les répliques. Seul le va-et-vient de la vieille pendule, visible d’un bout de la table, rythme le temps qui passe. Avec sa bonhommie habi- tuelle, Jérémie ne tarde pas, lui non plus, a entrer dans le jeu. - Dis-moi donc, sa mére. (a fait- 1u30 ans, 40 ans ou bindonc 50 ans qu’on s’est mis la corde au cou? - Innocent XIV, va! répond-elle en éclatant de rire. Tu sauras que pour moi, entéka (en tous les cas), ca fa méme pas la moitié d'une _ étarnité! - Méman, penses-tu que tu vas finir par attraper une autre grippe égyptienne? demande a brile- pourpoint Joseph, son plus vieux, récemment de d’oser prendre la parole : - Ca me fait penser. Vous avez vous-tu vu la créche des Saint-Cyr dans le cinquiéme rang, vous autres? C'est bin simple, l’Enfant- Jésus y est tellement plus gros que le taureau qu’on dira, c'est pas mélant, que c'est comme si c'était Jonas qui pourrait se rentrer la baleine dans la bédaine! Tourbillon de rigolades... Jean-Claude Boyer ® Le joual qu'impose le contexte dans les passages en discours direct a été réduit au minimum pour faciliter la lecture. ® Ce.sumom lui a été attribué peu de temps aprés son mariage afin d’éviter ok la prendre pour |’autre, la belle- soeur rousse jalouse, envieuse, fran- chement détestable, dite «Margot» ou «da Rougette». En passant, ce denier . sobriquet a toujours été donné, depuis, ala plus «vache» des vaches de la fame familiale. ® «Stien: contraction de chostien, Au Québec, juron commun, particuliére- ment chez les jeunes. NFORMATION S Profil A peine la moitié de - pas pantoute(jene _ Et s'enchai-— «patarafes sans - Le SoLeiL, VENDRED! 9 pEcemBRE 1994 - 3 «Grand-mere Valentine fabriquait des tapis et des descentes de lit avec de vieux manteaux de fourrure sur notre petite tle de Lameque au Nouveau-Brunswick. Pour moi, tout a commencé vers 12-13 ans lorsqu’avec mes soeurs et mes voisines nous habillions nos chats de robes, les installions dans des carrosses et en avant la parade! C’est ce que tous - Jes enfants font, n’est-ce-pas? » explique Lise Haché en fixant la téte étonnée de son interlocuteur. D’ autres témoignages nous renseignent que des petits garcons vétissent leurs chats de casseroles ficelées a la queue ou de pinces a linge a cette méme extrémité souffrante. Ensuite, elle se trouve naturellement dans des groupes de son Age qui _ font des costumes. Mais sous la pression de ses proches affirmant «qu'on ne peut en vivre», elle bifurque, devient esthéticienne et ouvre un salon. Un peu lasse du réle de confidente qu’exige ce métier, elle quitte l’ile et part étudier, comme par hasard, le dessin de mode a Montréal durant trois ans. «Un jour, il faisait -17, j'attendais l’autobus, j'ai décidé de déménager a Vancouver». Pas aussi surprenant que cela puisqu’a cinq ans déja elle disait 4 sa mére : «Moman, quand je serai grande, j ‘irai la oi le soleil brille tout le temps». A Vancouver, elle fonde son entreprise Mascarade costums et, en contemplant ses créations, on reste admiratif devant leur variété et leur richesse, qu’il s’agisse de costumes ou d’ accessoires. Elle vous confectionne des selles de cheval, des robes, des harnais de sécurité de cascadeurs, des combinaisons de ski, des chapeaux, des canes, et tant et tant. Elle soumet a sa volonté ou a sa fantaisie des matériaux aussi divers que le cuir, la fourrure, les tissus naturels (laine, lin, coton), les tissus naturels de luxe (soie, organsin de soie, laine de cachemire), les tissus de performance (lycra). Elle parle avec assurance de larelation sensuelle qu’entretient le corps avec le tissu: douceur de la soie, moulant du jersey, chaleur de la laine, onctuosité du cachemire. Elle colore son exposé de couleurs, de brillance, de reflets de tissus. Elle enfante du moulant, du tombé évasé, du tombé évasé en corolle. Son art consiste 4 «deviner le corps d’une personne en lavoyant». Ensuite, le miracle est de donner une illusion d’ optique. Ainsi peut-elle vous redresser un dos, rallonger ou raccourcir des bras par une coupe savante. Mais elle, qui habille les autres de réve, a-t-elle pour elle- méme des réves? Unréve professionnel : «Je voudrais me consacrer davantage ala conception de costumes et d'accessoires pour des films d’époque et diminuer la partie strictement couture de mon travail». Unréve personnel aussi : «J ‘aimerais acheter une église de bois blanche avec vue sur lamer sur lle de Miscou en Acadie, atelier et maison a la fois. Je placerais mon lit dans le jubé. » Et l’affiche de Tatie Danielle au mur dans ton atelier, que signifie-t-elle, Lise? «Je souhaiterais vieillir pour étre comme Tatie Danielle, une vieille chipie difficile, car on ne peut pas étre obéissante et créatrice. » Lise Hache Jean-Claude Lemonnier +] CARREFOUR <= CHRETIEN EVANGELIQUE Expérimentezladifférence ! Contactez Pasteur Robert Lapointe au 525-1705 Ecole Elémentaire Millside, 1432 Brunette, Coquitlam. Service tous les dimanchesa 10h Ecole du dimanche pour enfants de0a!l4ansalth Cours biblique tous les jeudis a 1 9h30 Ptisserie Bordeaux Biches, croquembouches, tourtiéres, petits fours, pains, croissants, etc. Nous acceptons . vos commandes pour le temps des Féles 3675, |0éme Avenue Quest (Alma Place) Vancouver 731-6551