Le Soleil de Colombie-Britannique, vendredi 15 septembre 1995 - 6 Québec : trente-neuf mots pour un destin Enfin! Aprés des mois d’atermoiements, le 30 octobre prochain plus de 4.9 millions d’électeurs québécois seront appellés 4 voter oui ou non au référendum qui devrait sceller leur destin. Souveraineté ou pas ? La question tient en trente neuf mots exactement. Trop, selon les opposants a la sécession du Québec qui s’inquiétent de la complexité de la phrase offerte a l’entendement des Québécois. La n’est pas la question. Les Québécois savent lire ; le dernier sondage effectué les 8 et 9 septembre derniers reprenait les mots dela question du référendum : 50, 2 pour cent des sondés seraient pour le oui.. Voici le temps de la moisson dans les champs de l’histoire. I] est enfin venu le temps de récolter ce que semaient pour nous quatre cents ans de femmes et d’hommes et de courage, enracinés au sol et dedans retournés. Voici que nait pour nous, ancétres de demain, le temps de pré- parer pour notre descendance des moissons dignes des travaux du pas- sé. Que nos travaux leur ressem- blent et nous rassemblent enfin. Al’aube du XVIle siécle, les pionniers de ce quiallait devenir une nation, puis un peuple, se sont im- plantés en terre québécoise. Venus d’une grande civilisation, enrichis par celle des Premiéres Nations, ils ont tissé des solidarités nouvelles et maintenu |’héritage frangais. La conquéte de 1760 n’a pas brisé la ténacité de leurs descen- dants 4 demeurer fidéles 4 un destin original en Amérique. Dés 1774, par l’Acte de Québec, le conquérant re- connaissait le caractére distinct de leurs institutions. Ni les tentatives d’assimilation, ni 1’ Acte d’union de 1840 ne sont parvenus 4 mater leur endurance. La communauté anglaise qui s’est établie 4 leurs cétés, les immi- grants qui se sont joints 4 eux ont contribué 4 former ce peuple qui, en 1867, est devenu 1’un des deux fon- dateurs de la fédération canadienne. Nous, peuple d’ici, Par que nous habitons les territoires délimités par nos ancé- tres, de l’Abitibi aux fles-de-la- Madeleine, de 1’ Ungava aux frontié- tes américaines, parce que depuis quatre cents ans, nous avons défri- ché, arpenté, creusé, péché, cons- truit, recommencé, discuté, protégé et aimé cette terre que le Saint- Laurent traverse et abreuve; Parce que cette terre bat en frangais et que cette pulsation signi- fie autant que les saisons qui la régissent, que les vents qui la plient, que les gens qui la fagonnent; Parce que nous y avons créé une maniére de vivre, de croire et de travailler originale; Parce que dés 1791, nous y avons instauré une des premiéres démocraties parlementaires au mon- de et que nous n’avons cessé de la parfaire; Parce que |’héritage des lut- tes et du courage passés nous in- combe et doit aboutir 4 la prise en charge irrévocable de notre destin; Parce que ce pays est notre fierté et notre seul recours, notre unique chance de nous dire dans l’entiéreté de nos natures individuel- les et de notre coeur collectif; Parce que ce pays sera tous ceux, hommes et femmes, qui |’habi- tent, le défendent et le définissent, et que ceux-la, c’est nous, Nous, peuple du Québec, dé- clarons que nous sommes libres de choisir notre avenir. ate oe oe 2h 2c ate ae L’hiver nous est connu. Nous savons ses frimas, ses solitu- des, sa fausse éternité et ses morts apparentes. Nous avons bien con- nu ses morsures. Nous sommes entrés dans la fédération sur la foi d’une promesse d’égalité dans une entreprise com- mune et de respect de notre autorité en plusieurs matiéres pour nous vi- tales. Mais la suite a démenti les espoirs du début. L’ Etat canadien a transgressé le pacte fédératif en envahissant de mille maniéres le do- maine de notre autonomie et en nous signifiant que notre croyance sécu- laire dans |’égalité des partenaires était une illusion. Nous avons été trompés en 1982, quand les gouvernements du Canada et des provinces anglopho- nes ont modifié la Constitution en profondeur et 4 notre détriment, pas- sant outre 4 l’opposition catégori- que de notre Assemblée nationale. Deux fois depuis, on a tenté de réparerce tort. En 1990, l’échecde l’accord du lac Meech a révélé le refus de reconnaitre jusqu’a notre caractére distinct. En 1992, le rejetde l’accord de Charlottetown, et par les Canadiens et par les Québécois, a consacré l’impossibilité de tout raccommodement. Parce que nous avons perduré en dépit des tractations et des marchandages dont nous avons été l’ objet; Parce que le Canada, loin de s’enorgueillir de l’alliance entre ses deux peuples et de la clamer aumon- de, n’a eu de cesse de la banaliser et de consacrer le principe d’une éga- lité factice entre provinces; Parce que depuis la Révolu- tion tranquille, nous avons pris le parti de ne plus nous cantonner dans la survivance mais, désormais, de construire sur notre différence; Parce que nous avons !’inti- me conviction que persister a |’inté- rieur du Canada signifierait s’étioler et dénaturer notre identité méme; Parce que le respect que nous nous devons 4 nous-mémes doit guider nos actes; Nous, peuple du Québec, af- firmons notre volonté de détenir la plénitude des pouvoirs d’un Etat : prélever tous nos imp6ts, voter tou- tes nos lois, signer tous nos traités et exercer la compétence des com- pétences en concevant et maitri- sant, seuls, notre loi fondamentale. ae ie ee Pour les gens de ce pays qui en sont la trame et le fil et l’usure, pour ceux et celles de demain que nous voyons grandir, l’étre précéde avoir. Nous faisons de ce principe le coeur de notre projet. Notre langue scande nos amours, nos croyances et nos réves pour cette terre et pour ce pays. Afin que le profond sentiment d’apparte- nance a un peuple distinct demeure a jamais le rempart de notre identité, nous proclamons notre volonté de vivre dans une société de langue frangaise. Notre culture nous chante, nous écrit etnous nomme 4 la face du monde. Elle se colore et s’accroit de plusieurs apports. I] nous importe de les accueillir, pour que jamais ces différences ne soient considérées comme menaces ou objets d’intolé- rance. Ensemble, nous célébrerons” les joies, nous éprouverons les cha- grins que la vie mettra sur notre route. Surtout, nous assumerons nos succés et nos échecs, car dans l’abondance comme dans |’infortu- ne nous aurons fait nos propres choix. Nous savons de quelles vaillances se sont construites les réussites de ce pays. Ceux et celles qui ont bati le dynamisme du Québec tiennent 4 léguer leurs efforts aux vaillances de demain. Notre capaci- té d’entraide et notre goit d’entre- prendre sont une force. Nous nous engageons 4 reconnaitre et a encourager ce «coeur 4 l’ouvra- ge» qui fait de nous des batisseurs. Nous partageons avec les pays de méme taille que le nétre cette vertu particuliére de s’adap- ter vite et bien aux défis mou- vants du travail et des échanges. Notre aptitude au consensus et 4 l’invention nous permettra de prendre bonne place 4 la table des nations. Nous entendons soutenir l’imagination et la capacité des collectivités locales et régionales dans leur volonté de développe- ment économique, social et cul- turel. Gardiens de la terre, de 1’eau et de !’air, nous agirons avec le souci de Ja suite du monde. _Gens de ce nouveau pays, nous nous reconnaissons des de- voirs moraux de respect, de toléran- ce et de solidarité les uns envers les autres. Réfractaires 41’ autoritarisme et 4 la violence, respectueux de la volonté populaire, nous nous enga- geons 4 garantir la démocratie et la primauté du droit. Le respect de la dignité des femmes, des hommes et des enfants et la reconnaissance de leurs droits et libertés constituent le fondement de notre société. Nous nous enga- geons 4 garantir les droits civils et politiques des individus, notamment le droit a la justice, le droit a l’égalité et le droit a la liberté. Le combat contre la misére et la pauvreté, le soutien aux jeunes et aux ainés, sont essentiels 4 notre projet. Les plus démunis .d’entre nous peuvent compter sur notre solidarité et sur notre sens des res- ponsabilités. Le partage équitable des richesses étant notre objectif, nous nous engageons 4 promou- voir le plein emploi et a garantir les droits sociaux et économiques : no- tamment le droit a 1’éducation, le droit aux services de santé ainsi qu’aux autres services sociaux. Notre avenir commun est entre les mains de tous ceux pour qui le Québec est une patrie. Parce que nous avons 4 coeur de conforter les alliances et les amitiés du passé, nous préserverons les droits des Premiéres Nations et nous comp- tons définir avec elles une alliance nouvelle. De méme, la communauté anglophone établie historiquement au Québec jouit de droits qui seront préservés. Indépendants, donc pleinement présents au monde, nous entendons oeuvrer pour la coopéra- tion, l’action humanitaire, la toléran- ce et la paix. Nous souscrirons 4 la Déclaration universelle des droits de!’hommeet aux autres instruments internationaux de protection des droits. Sans jamais renoncer 4 nos valeurs, nous nous emploierons 4 tisser par ententes et par traités des liens mutuellement bénéfiques avec les peuples de la terre. Nous vou- drons en particulier inventer avec le peuple canadien, notre partenaire historique, de nouvelles relations nous permettant de maintenir nos rapports économiques et de redéfinir nos échanges politiques. Nous dé- ‘ploierons aussi un effort singulier pour resserrer nos liens avec les peuples des Etats-Unis et de la Fran- ce et ceux des autres pays des Amériques et de la Francophonie. Pour accomplir ce projet, maintenir la ferveur qui nous habite et nous anime, puisque le temps est enfin venu de mettre en train la vaste entreprise de ce pays, Nous, peuple du Québec, par Ja voix de notre Assemblée nationa- le, proclamons ce quisuit: | Le Québec est un pays sou- verain. Si vous souhaitez obtenir le texte de La déclaration de souveraineté sur feuillet spécial, contactez le bureau du Québec a Vancouver 844-2833. Appul financier eu projet de théatre francophone a Sudbury Le ministre du Patrimoine, Michel Dupuys, de passage 4 Sudbury, a annoncé une contribution de 1 million de dollars pour la création d’un théatre francophone dans la région. Fruit d’un partenariat entre le Collége Boréal et le Théatre du Nouvel Ontario, le projet de construction d’un centre théatral francophone facilitera la diffusion et le rayonnement de la langue et de la culture frangaises dans le Nord de I’Ontario. Le financement de ce projet est prévu dans le budget fédéral proposé en février 1995 et s’inscrit dans le cadre financier déja en place. Participation de la SRC aux essais de la puce anti-violence La SRC participe a un projet pilote visant a faire l’essai d’une puce informatique qui permet aux téléspectateurs de filtrer les émissions qu’ils jugent trop violentes. Connue sous le nom de «V-Chip», la puce a été mise au point par le professeur Tim Collings de 1’Université Simon Fraser. La technologie proposée, qui s’apparente au sous-titrage codé, opére un filtrage a partir d’une céte de violence intégrée au signal vidéo des émissions. Les résultats des essais seront soumis au CRTC, qui étudie la possibilité de bannir des ondes les émissions violentes. Expo 2006 : Calgary pose sa candidature Le gouvernement du Canada vient d’annoncer que le comité d’organisation de Calgary a obtenu |’autorisation de poser sa candidature au niveau international afin de devenir I’héte d’Expo 2005. Le ministre du Patrimoine, Michel Dupuys, a indiqué que Calgary répondait a toutes les exigences, y compris une garantie irrévocable de la province de l’Alberta d’éponger tout déficit pouvant résulter de cette exposition, contrairement a l’autre candidate, Ottawa-Hull. Un cahier spécial de la Fédération canadienne. pour l'alphabétisation La Fédération canadienne pour Valphabétisation célébre la Journée internationale pour |’alphabétisation en lancant «L’Alphabétisation, une force nouvelle», un cahier d’information spécial qui sera distribué 4 55 000 exemplaires dans tous les secteurs éducatifs francophones du Canada. Fruit d’une collaboration entre la FCAF, la Société Postes Canada et le Secrétariat national | a l’alphabétisation, il portera notamment sur les pratiques actuelles d’alphabétisation et sur les nouvelles philosophies de pensée et d’action pour le financement de projets. Des sous pour les dessinateurs Michel Dupuys, le ministre du Patrimoine canadien, et Bill Barlee, le ministre Britanno-Colombien de la Petite entreprise, du Tourisme et de la Culture ont annoncé que l'Association of British Columbia Animation Producers recevra une somme de 10 300$ dans le cadre de I'Entente Canada Colombie-Britannique sur les industries de la culture et des communications, afin de promouvoir les talents de ses membres. L'association qui est un organisme sans but lucratif représente 14 compagnies de production. Une commission franco- québécoise? Une coalition formée de 15 grandes organisations québécoises propose la création d’une commission bilatérale canado-québécoise qui aurait pour mandat de s’assurer du respect des droits des communautés francophones et acadienne et de la communauté anglophone du Québec. «Partenaires pour la souveraineté» qui regroupe presque tout ce que la société civile québécoise compte d’organismes favorables a la souveraineté, comprend entre autres I’ Union des artistes et l'Union des écrivains québécois.