16- Le Soleil de Colombie, vendredi 22 juillet 1988

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Etats d’ame...

Marie de France |

Par Roger Dufrane

Dans ma _ prime enfance,
j’adorais les illustrés. Les Pieds
Nickelés, Bibi Fricotin, la
Semaine de Suzette pour les
filles, (Intrépide. pour les
garcons, je dévorais tout. Plus
tard j’ai suivi les aventures de
Zig et Puce et leur pingouin
Alfred, Tintin et Milou, Astérix
et Lucky Luke.

Auplus loindemamémoire, je
me rappelle Bibi Fricotin, de
Louis Forton. C’était un petit
rouquin, spirituel, gouailleur et
parisien, et qui, comme Zig et

Puce et Tintin, aurait pu chanter
«ai fait trois fois le tour du
monde».

Un jour (j’avais douze ans), j’ai
déniché, dans «Les Histoires en
Images», Bibi Lolo de Saint-
Malo. J’ai oubliél’odyssée de ce
moussaillon imaginaire. Tout
ca pour vous dire que cet éclair
fugage m’a incité a me rendre a
Saint-Malo.

Je traverse le Saint-Malo
d'aujourd’hui. Le rivage est
bordé de gros pieux enfoncés
dans le sable pour protéger les
murs contre la houle. Les villas

qui longent la promenade sont
cossues et lourdes de pierre. Le
casino est animé. J’emprunte la
grand-rue bordée de restaurants
et magasins souvenirs. Je
franchis la porte massive de la
ville fortifiée et 1a je me trouve
place Chateaubriand d’ou ray-
onne la vieille ville ceinte de
ramparts si larges que les
voitures y  circulent sans
encombre. Aprés une bréve
visite je regagne le nouveau
Saint-Malo et j’entre aux
«Embruns», restaurant renom-
mé de fruits de mer. Je ne vois

qu'une place libre en face d’une
jolie femme. Le gargon alors
murmure queiques mots a la
jeune femme qui acquiesce et je
me présente. Je vous en prie,
me dit-elle.

La jeune femme était belle,
fine et brune, plus élégante que
les quelques convives féminins,
je la croyais parisienne et du
plus haut parage. Je le lui dis et
ellle se mit a rire.

-Vous ne vous trompez pas de
beaucoup m’apprit-elle. Je suis
née a Compiégne, a quelque
vingt lieues au nord de Paris.

enfants de votre age.

Si vous avez entre 5 et 12 ans, vous aurez
l'occasion de conduire un mini-vehicule au
cours des Vélos-spectacles. Vous
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Vous verrez un vidéo sur la sécurité avant
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Petro-Canada et du corps policier
municipal seront sur la piste pour vous
signaler les divers aspects de la sécurité.
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Vous connaissez? La statue de
Jeanne d’Are, les picantins au
clocher de |’hétel de ville, le
musée de la figurine historique,
ou on voit en diorama, labataille
de Waterloo, avec des milliers
de soldats de plomb d'une
finesse bien francaise?

-Jem’appelle Marie, ajoutait la
jolie femme. Vous connaissez
ma parole célébre:«Marie ai
nom, Si suis de France!»

-C’est tout ce qu'on sait de
moi. Les Anglais, qui veulent
tout ramener a eux, jusqu’a la
Manche, qu’ils appellent «En-
glish Channel» a@ grands
renforts de bésicles m’imagi-
nent finissant mes jours
abbesse en Grande Bretagne.
Voyez-vous ¢a! Ai-je |’air d’une
abbesse, et encore moins d’une
Anglaise? J’ai vécu a la cour de
la reine Aliénor, en Grande
Bretagne, ol la cour était
francaise. J’ai conté de la Table
Ronde, et j’ai compose des
fables, dont «Le Corbeau et le
Goupil» dont s’est souvenu le
bonhomme de la Fontaine, ce
pasticheur sublime culbuteur
de soubrettes, a défauts de
marquises.

Avant de gagner Paris, je suis
retournée au Mont Saint-Mi-
chel. Il faut y aller. C’est un
bastion francais. Savez-vous
que sous Charles VII et Jeanne
la Lorraine, Saint Michel était le
patron de la France. Celui de
|'Angleterre Saint-Georges. Le
Mont Saint-Michel est la
merveille des merveilles. Allez-y
a cing heures du soir peut-étre
que la vision sera la méme pour
vous. Dans les nuées dorées qui
émanaient des sables mouvants
enjambait le
Mont. Tournant autour du
rocher d’étage en étage je
cottoyais les pierres séculaires
encore la aujourd’hui dominées
par |’église abbatiale.

J’avais déja bu beaucoup de
cidre et ma vue se troublait,
Marie de France reprenait :

-ll faut absolument que vous
alliez au Mont Saint-Michel, je
sais qu’aprés vous retournerez a
Vancouver ou vous _habitez,
dans votre pays. prétendu
démocratique. ._ Vous vous
croyez en démocratie. quelle
foutaise! Déja sous Guillaume
de Normandie le moindre
cueilleur de pommes était plus
libre. Vos dirigenats vous font
tourner comme des totons. Par
exemple, vous roulez dans une
jolie Volkdwagen, vous la garer
dans le mauvais sens en
bordure de votre propre maison,
et un agent sournois qui
cherche la petite béte (tant pis
pour la coccinelle) vous colle
une amende. Libre? C’est a voir!
Au premier tournant, des
signaux rouges ou verts aboient
en saxon sous vos yeux: Walk!
et vous. continuez... Stop! et
vous vous arrétez. Un toton! que
jevous dis. Vous vous imaginez
citoyen libre dans un pays libre.
Quelle rigolade!

Un peu pompette, n’aperce-
vant plus ma belle compagne, je
décide de me rendre au Mont
Saint-Michel.