Ce n'est pas le style qui le sauve. Aucun souffle n'anime cette longue divagation bourrée de digressions, dont certaines sont amenées avec bon- heur, il faut le reconnaitre, mais qui sont le plus souvent faciles et finis- sent par agacer. Ainsi, quand un des Frangois prend le train pour Greno- ble, inévitablement cette ville le fait penser 4 Stendhal.(163), d'ot quel- ques lignes anecdotiques sur cet écrivain. Le jour de la Saint-Juste, sa pensée dérive sur Bouvard et Pécuchet. Pourquoi ? A cause du prénom: « Je ne sais plus si Juste est le prénom de Bouvard ou de Pécuchet. L'au- tre s'appelle Francois. Ils ont quarante-sept ans tous les deux. De ce livre, je ne connais que la premiére phrase » (76). Pas vraiment passionnant ! De ces digressions, une fois le livre refermé, que retient le lecteur ? Une impression d’agacement. L'érudition, qui est ici une autre forme de digression, est pesante : aprés Virgile, sont mentionnés en une seule page (139) Moliére, Racine, Dide- rot et Diogéne. On a envie de rappeler a Frangois Weyergans que Moliére avait pourtant ridiculisé le pédantisme. Ce livre se vend parait-il trés bien, déja quatre cent mille exemplaires d'écoulés, de nombreuses traductions prévues. Pourtant, ceux qui ont eu le courage de persévérer jusqu'au bout - car j'en connais qui ont abandonné en cours de route - ont trouvé franchement ennuyeux les actions et les élucubrations de ces personnages qui semblent étre le résultat d’un croisement entre adolescents attardés et gateux précoces. Pourquoi lui avoir attribué le prix le plus convoité de la littérature en France? Est-ce a cause des ingrédients qui entrent dans sa composition? Un mélange d'états d'ame divagants, d'histoires de fesses a répétition, obsessives, mais des plus minables, trés éloignées de l’impertinence d’un Houellebecq, d’épate (il cite philosophes, musiciens, artistes en tout genre, souvent sans raison et sans rien en dire) et du nombrilisme habituel a la littérature parisienne. Recette éprouvée sans doute pour plaire aux adeptes du « déclinisme » en vogue ces temps-ci. Les commentateurs se sont sentis forcés — Goncourt oblige — de saluer ce roman en Il’encensant. Ils affirment qu’il est drdéle, vibrant d’humour, profond et autres adjectifs louangeurs. Mais ils ne donnent aucun exemple, aucune citation. Personne pour s’écrier que le roi est nu! S’il y a de la drélerie dans ce livre, elle devrait étre signalée par une note au bas des pages, sinon elle risque de passer inaper¢ue. 22