| ? wae a ee Se ¢ Education post secondaire RACHELLE Propriétaire de son commerce, Rachelle fait de la couture depuis |’age de 7 ans. Attirée par le domaine de la mode, elle a décidé de combiner son savoir-faire en ouvrant sa propre boutique de vétements originaux. ee eee Faire preuve d’initiative | est facile d’établir un paralléle entre la situation des femmes en général, dans le domaine scientifique et la participation des Franco-ontariens et des Franco-onta- riennes aux études postsecondaires. Les femmes sont peu présentes dans les sciences et les mathématiques, alors que les francophones de l'Ontario se retrouvent en petit nombre dans les institutions post- secondaires; ils sont presque absent-e-s des programmes scientifiques. En ce sens, le statut de minoritaire des Franco-onta- riens se rapproche de cette majorité que sont les femmes.Quant aux Franco-onta- riennes, elles sont par le fait méme double- ment minoritaires. Au cours des derniéres années, plu- sieurs rapports ont démontré le faible taux de participation des francophones de I'On- ~=-~tario aux études postsecondaires (Chur- chill Frenette Quazi, Carrier, et Cachon).. En effet les Franco-Ontariens et les Fran- ~ Co-Ontariennes ont généralement 50 % des chances de leurs concitoyen-ne-s an- glophones de poursuivre des études post- secondaires. Cela signifie également que le niveau de scolarisation de ce groupe est nettement inférieur a la moyenne provin- ciale. Ces études ont également illustré le fait que les jeunes francophones, qui entre- prennent des études universitaires, s'ins- crivent généralement dans des domaines ou ils et elles peuvent poursuivre des _ études dans leur langue maternelle. C'est pourquoi on les retrouve d’abord dans les humanités et les sciences sociales ainsi qu’enéducation. Trés peus'inscrivent dans les sciences et les mathématiques et pour cause, la majorité de ces programmes ne sont a peu prés pas disponibles en francais en Ontario. En regardant certaines données du rapport Churchill, nous constatons égale- ment que les jeunes Franco-Ontariennes poursuivent des études postsecondaires enplus grand nombre que les jeunes Fran- co-Ontariens.(1) Plusieurs facteurs entrent en ligne de compte lorsque |’on tente d’ex- | pliquer ce phénoméne. Notonstoutd’abord quiil est plus difficile pour une femme que pour un homme d'obtenir un emploi raison- nablement rémunéré. En effet des études de toutes sortes indiquent clairement qu’a qualifications égales, les femmes au Cana- da recoivent des salaires nettement infé- rieurs et rien ne laisse supposer que la situation soit meilleure pour les Franco-On- tariennes. D’autre part dans le nord de l'Ontario, ot l'on retrouve prés du tiers de la popula- tion francophone de Ia province, la struc- ture économique basée sur le développement des ressources naturelles fait trés peu de place aux femmes. Pourtant l'industrie forestiére et le secteur minier offrent des salaires fort intéressants, sans quill soit nécessaire de posséder de di- pléme postsecondaire. Dans une commu- nauté ol! la tradition universitaire est presqu’inexistante, on comprend que ces emplois attirent plusieurs jeunes hommes, au sortir du secondaire. Les jeunes filles n’ayant pas accés a ce genre d’emplois, s'inscrivent en plus grand nombre dans les institutions postsecondaires. Pour elles la fagon la plus certaine d’assurer leur avenir économique, c'est par l'obtention d'un di- pléme. Par ailleurs, lorsque l'on examine le genre de formation que les femmes regoi- vent en général au Canada, on constate qu'elles sont beaucoup moins présentes dans les sciences et les mathématiques que dans les humanités et les sciences sociales. Les sciences et la technologie demeurent encore aujourd'hui des forte- resses masculines, que le mouvement fé- ministe n’a que faiblement ébranlé. Les femmes qui se dirigent vers les sciences ont surtout tendance a choisir des do- ‘maines dits féminins c’est-a-dire le secteur paramédical, la diététique et la physiothé- rapie. N’est-ce pas la des secteurs oli elles peuvent mettre a profit leurs qualités dites | féminines ! Que réserve l'avenir? Les groupes qui ont survécu sont ceux des régions isolées et les femmes de ces commu- nautés sont satisfaites de leurs rencon- tres sociales; mais la participation est de plus en plus faible et les rencontres de plus en plus espacées. Ce ne sont pourtant pas les préoccupations qui manquent : la lutte pour une éducation en frangais n'est pas terminée, la vio- lence familiale et l'inceste affectent le milieu de vie, la pauvreté est courante de méme que le chémage et les pers- pectives d'emploi pour les femmes sont tres minces. Terre-Neuve Liisolement a créé un décalage dans: |'éveilosocial.,. ll faudra encore beaucoup de temps. Mais quand on vit dans une toute petite communauté, qu'on a passé toute sa vie avec les mémes personnes, que tout le monde se connaittrés bien, ce n'est pas facile. On se regroupe derriére des causes approuvées comme |’éducation ou la sauvegarde de I’héritage culture! mais on ne va pas plus loin, on ne veut pas causer de remous. Lyly Fortin habite Saint-Jean, Terre- Neuve depuis huit ans. Si les jeunes filles ne se dirigent pas vers les sciences et les mathématiques, c'est que notre société traine encore de vieux stéréotypes, qui laissent croire que ces domaines sont d’abord masculins et que les garcons ont des qualités innées pour ce genre d’étude. Pourtant personne n’a jamais pu démontrer que le cerveau a un sexe et Dieu sait que plusieurs scienti- fiques ont essayé et essaient toujours ! De nombreuses recherches ont dé- montré qu’au niveau primaire il n'y apas de différence entre les résultats scolaires des garcons et ceux des filles. Au secondaire par contre,les garcons ont de meilleures notes en mathématiques et en sciences, alors que les filles les devancent dans les langues et les sciences sociales. Pourtant cen’est pas le potentiel intellectuel des uns et des autres qui explique cette situation, mais les attitudes et les comportements. Ainsi les filles ont tres peu de modéles féminins a qui elles peuvent se référer. Il y a beaucoup moins de femmes que d'hommes qui enseignent les sciences et les mathématiques. De plus les exemples utilisés dans les cours référent générale- ment a des réalités qui s'inspirent du vécu masculin, et donc qui sont beaucoup plus pertinentes pour les hommes que pour les femmes. Et malheureusement les ensei- gnants (je ne crois pas devoir féminiser ici) ne sont généralement pas conscients ou refusent de voir cet état de choses. Quand on leur démontre, ils le nient tres souvent en affirmant que les filles ne savent pas s'adapter et que cela en soi indique bien qu’elles ne sont pas a leur place. "Pourtant une étude de Mme Sharon Hogerty a déja souligné que les jeunes filles sont fréquem- ment l'objet de taquineries de la part des professeurs de sciences. Leurs observa- tions et leurs questions s'adressent sou- vent aux garcons lors d’ateliers pratiques, les filles se retrouvent alors marginales dans une classe de science." (2) Quant aux quelques femmes qui persistent et qui réussissent malgré le systéme, elles doi- vent constamment lutter pour garder leur place et pour se faire entendre dans ce monde d'hommes. En tenant compte du fait que le savoir scientifique s’avére un pouvoir trés impor- tant dans notre société, on constate que les femmes n'ont que peu ou pas accés a ce pouvoir. De plus, une formation scientifique ouvre la voie a de nombreux emplois rému- nérateurs et enrichissants, mais encore la les femmes en sont presqu’exclues. Comment remédier ala situation ? D’a- bord en offrant des programmes de sciences et de mathématiques en frangais au niveau postsecondaire. Mais il ne s'agit que d'une partie de la solution. En effet il faut que les programmes qui seront offerts aux Franco-Ontariens et aux Franco-Onta- riennes soient adaptés a leurs besoins. Les programmes qui existent actuellement ne répondent pas vraiment a leurs besoins puisquiils ne s’y inscrivent pas. lls ne ré- pondent pas non plus a ceux des femmes puisqu’elles sont toujours trés minoritaires dans le domaine. Dans le premier cas la langue liée au statut de minoritaire explique cette situation. Par contre en ce qui concerne les femmes et les Franco-Onta- riennes en particulier, la discrimination sexuelle doit aussi étre prise en considéra- tion. Créer des programmes de sciences et de mathématiques répondant aux besoins de la population francophone de !’Ontario, voila le défi que nous devons relever. Et cela ne signifie nullement que ces pro- grammes seront de moindre qualité. AU CONTRAIRE ! Pour ce faire, il faut d’abord tenir compte de la situation actuelle et avoir comme point de départ le vécu des franco- phones de |'Ontario. II faut donc faire preuve d'initiative, d’originalité et surtout ne pas avoir peur de délaisser les sentiers battus pour inventer des programmes de qualité, a la mesure de nos besoins. Et puisqu’a peu prés tout est a faire dans ce _ domaine. II faudrait aussi saisir l'occasion = pour batir des programmes qui ne laisse- ront pas de cété les Franco-Ontariennes. Mais il ne suffit pas de créer des pro- grammes au niveau postsecondaire. En effet les niveaux primaire et secondaire doivent aussi remettre en question ce qui se fait 4 leur pallier, revoir leurs pro- grammes et s'assurer qu’ils sont assez dy- namiques et pertinents pour coller au vécu des jeunes francophones. Les professeur- e-s doivent aussi tout faire pour éliminer le sexisme dans leur présentation des sciences et des mathématiques, comme dans toutes les autres disciplines d'ailleurs. Si tous les manuels et notamment ceux de mathématiques et de sciences ne sont pas modifiés pour se rapprocher de certaines réalités féminines et surtout si les attitudes des professeur-e-s ne changent pas, on ne pourra espérer transformer la situation. Car plus une société crée des différences entre les sexes, plus elle valorise un monde ol les hommes et les femmes évoluent dans des sphéres d’activités différentes. Et les vraies perdantes dans tout cela, ce ne sont pas seulement les femmes qui se voient refuser l'accés a certains secteurs d’activi- tés mais toute la société puisqu'elle se prive d'une bonne partie du talent sur lequel elle devrait pouvoir compter. Quant a la société franco-ontarienne elle n'a plus le choix car elle ne peut abso- lument pas ignorer 50 % de ses effectifs. Avec l'assimilation qui fait des ravages de plus en plus grands et une sous-scolarisa- tion chronique, les Franco-Ontariens et les Franco-Ontariennes ne peuvent espérer survivre dans une société de haute techno- logie, sans apporter des changements ma- jeurs leur systéme d’éducation primaire et secondaire et sans se doter d'un sys- tame d'éducation postsecondaire qui ré- pondra a leurs véritables besoins et aspirations. Et nous faisons fausse route si nous ne tenons pas compte du fait que nos systémes sont trés sexistes et que ce sexisme ne disparaitra pas de lui-méme. Une société comme la société franco-onta- rienne ne pourra survivre si elle ne peut compter sur tous ses effectifs. Or le sexisme a généralement tendance a négli- ger 50 % du potentiel d'une société. Seule une prise de conscience et une remise en question quotidiennes et collectives nous permettront de |’éliminer de nos systemes scolaires. Danielle Coulombe (Photo : Guylaine Lévesque) 1. Churchill, S., Frenette, N. et Quazi S. Educa- tion et besoins des Franco-Ontariens : Le dia- gnostique d'un systeme d’éducation. Vol. 2, L'enseignement postsecondaire, Rapport statis- tique, Toronto, 1985. 2. Charlebois, Margot. Le monde des sciences et de la technologie a-t-il un sexe ? dans les cahiers de la femmes. Vol. 5, no 4, été 1984, p.17. CHR DES ERAS MEARE 1980 — 15