Le Soleil de Colombie; vendredi 21 mars 1980 en ' Les jeunes ont du pouvoir! — Ces notes sur le pouvoir et l’autorité ont été présentées au congrés de la Fédération des étudi- ants du secondaire franco-ontarien (FESFO). Qui que tu sois, ou que tu demeures, quoi que tu vives, tu peux aussi vibrer @ ta facon au message que Jacqueline Pelletier, Franco-ontarienne, con- seillére technique a la FFHQ, transmettait aux jeunes de l’Ontario en novembre dernier. LES “JEUNES PEUVENT-ILS VRAIMENT INFLUENCER LA SOCIETE? Au cours des derniéres années, plusieurs des mouvements populaires qui ont marqué notre fa- con d’étre et de penser ont été initiés et menés par des étudiants. En grande partie, ils étaient des collégiaux et des universitaires. Le mouvement hippie a soulevé, devant le monder entier, le drame abominable de la guerre du Viét-nam. Ce sont les jeunes qui ont affirmé “make love not war’’ et qui se sont expatriés plutét que de prendre les armes. Des laches? .. . j’en doute! Leur solution n’était peut-étre pas la plus pratique, mais ils ont tout au moins eu le courage d’interroger la logique brutale d’une société confortable qui ne s’en fait pas trop si des milliers d’étres humains sont tués et des pays détruits, sans raison aucune. Au cours des années 60, le mouvement des li- | bertés civiles, mené par des étudiants améri- cains, revendiquait l’égalité des Noirs et des Blancs, la liberté réelle d’expression, etc. En mai 1968, en France, les masses étudiantes se soule- vaient contre des conditions de vie inacceptables tant pour elles-mémes que pour l’ensemble de la population. Plus prés de nous, ce sont encore en grande partie des jeunes qui se livrent aux revendica- tions antinucléaires, et qui participent aux grands mouvements écologiques pour la défense de la na- ture et de l’humanité. Et qui a eu le courage de se présenter devant _ ‘la Commission sur l’unité canadienne, cercueil en — main, sinon la Fédération des jeunes canadiens- francais? Et qui a manifesté a Winnipeg pour obliger Bette Stephenson, ministre de l’Education de 1’Ontario, a rencontrer la délégation de Penetanguishene, sinon des étudiants des niveaux secondaire et collégial du Manitoba et de la Saskatchewan? Je n’essaie pas de démontrer que seuls les jeunes sont actifs et savent comment revendiquer leurs droits. Il faut cependant se rendre a l’évidence que, souvent, ce sont les jeunes qui ini- tient les mouvements de revendication et que l’une des raisons, c’est qu’ils ont l’audace de le faire. LA SOCIETE EST FAITE DE GHETTOS L’activité de notre société est presque en- tiérement orientée vers les personnes qui ont la capacité financiére de consommer. Et qui sont ces personnes? Ce sont les travailleurs, ceux et celles qui ont un dipléme, ou un talent, ou une force physique a vendre en échange pour un revenu qui leur permettra d’acheter. Et d’emprunter. Et de s’endetter. Notre structure sociale est en effet largement centrée sur la production de “‘biens’’ de consom- mation (usines, publicité, magasins, etc.), et les Tr CHL GELEEERSLERIN RK KAKA LEA RON Taw] Sk x \ ise AY \ Bak) ve w) individus ou groupes d’individus qui, pour une raison ou pour une autre, n’ont pas la capacité d’acheter ces biens en grande quantité, sont rapidement mis au rancart. Ils sont mis de cété. On leur enléve leur importance. Parmi ces groupes d’individus, j’en identifie trois: 1) les personnes 4gées, qui ont cessé de recevoir un gros revenu et qui ont peu de besoins de con- sommation; 2) les assistés-sociaux et chémeurs, dont le revenu est trés faible; 3) les adolescents, qui n’ont pas encore intégré le marché du travail et qui, par conséquent, ne s’adonnent qu’a une consommation limitée. Les personnes qui achétent une maison ou une automobile a crédit, qui remplacent réfrigé- rateur, cuisiniére, laveuse, etc., a crédit, en trés grande partie sont les travailleurs. Les ado- lescents eux n’ont pas cette importance, dans les jeux de l’argent. LE POUVOIR ET L’AUTORITE Je dirais que c’est une grande partie pour cette raison que, dans notre société, les adolescents sont peu écoutés. Officiellement, on dit que les jeunes sont ‘“‘téte légére”’, qu’ils agis- sent sur des “‘coups de téte’’, qu’ils font des stupidités, qu’ils sont entétés, qu’ils manquent d’expérience, etc. Je vous dirai que de nombreux adultes qui ont toute l’expérience voulue commet- tent des stupidités plus graves encore que n’im- porte quel geste posé par un groupe de jeunes! ~ Non. Les jeunes n’ont pas d’autorité dans notre société, car 4 mon avis, ils n’ont pas de pouvoir d’achat. : Prenez les pays arabes, par exemple. Qui en entendait parler il y a a peine dix ans? Tout d’un coup, ils se sont regroupés et le monde entier a soudainement compris que l’économie mondiale est presque exclusivement basée sur le pétrole . . . qui est contrélé en grande partie par les pays » -arabes qui ont-donc beaucoup d’argent. Ces pays avaient du pouvoir. En le rendant public et en s’organisant, ils ont acquis de l’autorité. Per- sonne, aucun gouvernement, ne peut agir mainte- ‘nant sans tenir compte des pays arabes, qui con- trdlent une ressource essentielle, et qui ont ac- cumulé des fortunes incalculables. Les jeunes ont-ils du pouvoir? Oui! Par vos nombres, par votre capacité de vous mobiliser facilement et a peu de frais, par votre audace, votre capacité de poser des gestes que les _ adultes eux n’oseront jamais méme consideérer, par l’organisme que vous avez créé, la FESFO, et par les postes que plusieurs d’entre vous détenez dans les écoles, vous, les jeunes, avez énormeé- ment de pouvoir. En tous cas, potentiellement. Beaucoup d’adultes sont devenus incapables d’agir sans subventions. Si le Secrétariat.d’Etat ou Wintario ne fournit pas l’argent pour payer V’hétel, les repas, le transport, le matériel, le bureau, etc., on panique. Tandis que vous, n’ayant pas été gatés, vous acceptez souvent de dormir par terre dans un gymnase, de croquer encore un autre hamburger, et de faire du pouce! Méme que parfois, ¢a ne vous déplait pas du tout. Une comparaison? Plusieurs femmes — Fédération des femmes canadiennes-franeaises par exemple, — sont tel- lement habituées a travailler sans argent, qu’elles parviennent a accomplir des choses in- croyables, sans jamais réclamer de subvention. Cela leur donne du pouvoir. Reste a savoir com- ment elles utilisent ce pouvoir. Et vous? Entre-temps toutefois, et en dépit de votre pouvoir, vous avez trés peu d’autorité. Qu’est-ce que je veux dire? Les secrétaires a votre école ont du pouvoir — si elles transmettent bien les messages, pré- parent bien les documents, tout va bien. Autre- ment, l’école ne fonctionnerait pas longtemps. Mais elles n’ont pas l’autorité de congédier qui que ce soit, ou de fermer l’école! _ Les enseignants ont beaucoup de pouvoir au sein de leurs classes. Mais, ec’est le chef du département qui a l’autorité de décider de la répartition des cours et de la matiére et qui donne une orientation au département. En retour, le chef de département est soumis a l’autorité du directeur ou de la directrice qui doit suivre les directives du Conseil scolaire . . . etc. A chaque niveau, il y a du pouvoir mais Vautorité est limitée. Cela, parce que nous vivons dans une société hiérarchisée, parce que nous vivons dans une société qui a de la difficulté a travailler en équipe et a partager l’autorité, le contréle. Mais revenons a l’école .. . Pour qui existent les écoles, les conseils scolaires et les ministéres de l’éducation, sinon pour: les étudiants? Et qui sont les plus nombreux dans ce systéme scolaire, sinon: les étudiants? Pourtant, vous n’avez pas d’autorité ou de contréle — ou, en tout cas, vous en avez peu! Vous ne pouvez pas, par exemple, décider de modifier de fagon importante le contenu des cours offerts! COMMENT ALORS ALLEZ-VOUS VOUS ORGANISER POUR QUE VOTRE POUVOIR REEL VOUS SERVE DANS UNE DEMARCHE VERS UN PLUS GRAND CONTROLE? 1) Gueuler, critiquer, dénoncer . . . ? faire une critique objective et systématique, a partir d’in- formations précises, oui. Mais gueuler pour le plaisir de le faire, sans but, non. C’est un gaspillage de votre énergie. 2) Attendre qu’on vous donne plus d’autorité? Vous risquez d’attendre longtemps! . . . a moins d’avoir la chance d’étre dans un milieu qui valorise le partage, la décentralisation, |’équipe! 3) Vous organiser pour canaliser votre pouvoir vers un plus grand contréle? : C’est ce que font les enseignants avec leur association professionnelle! C’est ce que vous faites avec votre associa- tion, la FESFO. Lorsque vous vous regroupez, a |’école, par région ou a la FESFO pour réfléchir et travailler ensemble, vous préparez le terrain pour élargir votre capacité d’influencer réellement la tour- nure des événements. QUEL EST LE LIEN AVEC PENETANGUISHENE? Le congrés spécial de la FESFO a été convo- qué par vos dirigeants parce qu’ils ont confiance que vous pouvez ensemble jouer un réle impor- tant dans le dénouement de cette crise qui n’af- fecte pas seulement Penetang, mais tout l’avenir de l’Ontario frangais. En réfléchissant a la situation, en vous renseignant, en interrogeant les - personnes- ressources pour bien comprendre les enjeux, en planifiant ensemble une stratégie, vous pourrez faire en sorte que le pouvoir énorme que vous avez potentiellement soit utilisé pour faire pres- sion sur le gouvernement afin que vous et tous les Franco-Ontariens puissiez reprendre du contrdle, de l’autorité sur leur existence. Vous étes une centaine ici présents, 100 tétes pleines d’idées, capables de planifier, désireuses d’étre toutefois adéquatement renseignées. C’est a vous de décider maintenant si vous voulez, rallier vos énergies pour passer a l’action, peser - le pour et le contre, et le faire librement. Le pouvoir... des jeunes be & Ces textes sont commandités par le Secrétariat d’Etat J