Par Jean-Claude Boyer Le 9 novembre 1984. Le train _ Florence-Milan (nord de I’Italie) arrive a destination sur les petites heures du matin dans un énorme _ Caquétement de basse-cour sur- pleuplée. J’ai prévu de passer la journée chez des parents d’une famille amie de Vancouver, les Francescinis. Ceux-ci m’ont donné l’adresse de Mariolina Tosi, 4 Busto Orsizio, et celle de Mariolina Scarsi, a Motla- Sondrio. Le temps maussade Nlaffecte en rien ma_ bonne humeur. A Milan, je prends donc un autre train - pour Busto Orsizio. De ma fené tre, je ne remarquerai rien de spécial, sauf un cimetiére fleuri a l’excés, comme pour des floralies. En arrivant a l’adresse de la premiére Mariolina, un médecin m'‘informe, en francais, que les Tosis ne seront pas de retour avant une heure. Je me réfugie dans une petite église “surdéco- rée” ow jécris quelques cartes postales. Sur un échafaudage extérieur, un “restaurateur” siffle sans répit Une histotre d'amour. Je-‘me proméne ensuite au hasard pour ne m/’arréter que devant un monument de guerre dit “des Tombés”, ot: la chute des uns sert de tremplin a l’élan du survivant. Jy vois la grandeur et les miséres de l’humanité. L’accueil on ne peut plus chaleureux des Tosis supprime sur-le-champ les fatigues de ma nuit cahotique. Nous conversons “sen francais, ~Je»m‘excuse,.bien _ sar, d’arriver 4 V'improviste. Us. me reprochent gentiment d’oser m’excuser, m’affirmant que pour eux je suis Brian, le plus jeune fils des Francescinis. (Le nom Francescini reviendra souvent dans la conversation, le pronon- cant “Franceskini’.) Mariolina est prof de francais; son mari, _ Aldo, ingénieur. Leur jeune garcon est alité, fiévreux, un Astérix dans les mains. La mamma d’Aldo, 92 ans, a tot fait de me raconter sa passion pour la langue frangaise; elle adore la philosophie et se fait un devoir de ne lire que des textes originaux. - Nous passons a table. Aprés Yentrée aux pates, Mariolina nous sert de l’émissole, poisson appelé aussi “chien de mer” (en italien, wtello di mare, “veau de mer”), tandis qu’Aldo verse du _ grave del friult. I1me raconte que ce vin est fabriqué par la famille ETE 87 Vols charter pour Montréal Prix spécial $3990 Réservations et paiement complet avant le 15 mai MAPLE LEAF TRAVEL LTD. ~ 104 - 1847 Broadway Ouest Vancouver, C.B. V6J 1Y6 (604) 734-1212 Demandez Ronald Sabourin ~un café Giacomelli* ‘celle de» l’officier— Giacomelli qui a combattu 4 ses cétés au cours de la deuxiéme guerre. Le repas se termine par italien corsé et une grappa al basilica (liqueur de basilique) . La bella Mariolina me donne l’étiquette du vin consommé a table et téléphone a l'autre Mariolina pour lui apprendre la bonne nouvelle de “la visite d’un ami des Francescinis”. Les dés sont jetés: Mariolina II m’atten- dra a la gare de Tresenda vers 18 heures 30. Les Tosis disent regretter que je doive déja partir. Ils me “supplient”, pratiquement, de revenir. Je leur fais signer une carte postale que j’enverrai a leur parenté du Canada. En. me reconduisant a la gare, Aldo me pointe du doigt une structure en construction dont il a lui-méme concu les plans. A la gare, nous nous serrons la main par deux fois, comme de vieux amis. Je minstalle confortablement dans un compartiment de premiére classe et plonge presqu’aussitét dans un sommeil irrésistible pour ne me réveiller qu’a Milan. En attendant le départ du train pour Tresenda, j’écoute le premier concerto pour piano de Tchaikovski, dont le théme principal a toujours eu l'art de m’émouvoir. Je remarque, sur un méme tableau-horaire, Tirano et Torino, Ginevra et Genova. En = arrivant Tresenda, une jolie Italienne est 1a, en effet, qui m’attend. “Vous étes lami de Brian?”, me demande-t-elle avec un sourire plus épanoui que celui de Mona Lisa (pas difficile!) . Mariolina II se montre, elle aussi, d'une gentillesse consommée. Je me rends compte, dés mon arrivée 4 la résidence des Scarsis, awla~-gare “de. Le veau gras =“ ~de» l'importance. extraordinaire de ma visite. Grand-pére et la mamma sont secoués_ par l’émotion. La parenté avoisinan- te disponible ce soir-la (un commergcant, son €pouse ensei- gnante et Julio, médecin) arrivera bientét pour célébrer ‘V’événement”. Pendant la pré- paration du repas, jécoute les nouvelles a la télévision en me bercant prés du grand-pére. Je suis étonné de mon aisance a comprendre ce qu’on raconte malgré mon ignorance de l'italien. Des odeurs délicieuses envahissent la piéce. La table se fait somptueuse. Les _ trois visiteurs arrivent, joyeux comme des gagnants de loto. Rien n'est trop bon ni trop beau pour un Vancouvérois ami des “Fran- ceskinis”’. La conversation animée se déroule dans un __ heureux mélange de francais et d’italien. Nous passons 4 table. Comme entrée (bresaola): viandes froi- des, courgettes marinées et pirrocheri - plat régional 4 base de pasta. Puis cételettes de veau a la milanaise et salade de légumes, fromages et dessert delectissimo. Le tout copieusement arrosé de vin de la cuvée 80et de celui que m’ont donné les Tosis. Suivent café, que je trouve fortsssimo, et tirami su (digestif-remontant) . Je laisse Julio, le médecin, verser une bonne dose de grappa dans mon café; je sens, en effet, le besoin d’étre “remonté”. Ce Julio se montre particuliérement culti- vé et humoristique, maniant le francais avec subtilité. J'ai dad me retenir, au cours de cette mini-orgie gastronomique, pour ne pas lancer a tout propos des mamma mia! On s'informe tout 4 coup du “Franceskini” de 87 ans - que je ne connais pas - gravement malade dans l’ile de Vancouver. Mariolina sort la photo de mariage de Brian et Joy. Je raconte en détail ce mariage dont j'ai eu l’honneur d’étre le maitre de cérémonie a l’été de 1983. Commentaires élogieux sur la photo, bréves salutations de chacun sur des cartes postales a intention des Francescinis, description, sur la prochaine lettre de Mariolina, de l’accueil éminemment chaleureux qu’on vient de me réserver, échanges d’adresses, prises de photos, expressions gestuelles fort savan- tes, rires sonores, ambiance italiantssimo! Je suis étonné d’apprendre que ce que je croyais des orangeraies, dans cette région-ci et celle de Sienne, sont en réalité des vergers dont les pommes ont la couleur de lorange. Je leur fais part du souvenir enchanteur que je garde de ma visite d’hier a San Gimignano. Un des invités alors se surprend 4 constater que cette célébre ville médiévale se situe non pas en Espagne mais dans son propre pays... Mon meilleur italien est depuis longtemps épuisé: dolce wita, mangiare bene.{pour “j'ai bien mangé”, au lieu de ho mangiato bene), bellisstmo... Jaurais aimé que mes études latines viennent davantage a ma rescousse. En sortant de table, Julio déclare que je suis “plus francais qu'américain” dans sa facon de me présenter et de m’exprimer. Je m’en montre flatté. Serrements de mains, embrassades, mille voeux, adieux, buona notte (bonne nuit)... Je me retire dans une belle chambre toute propre pour me glisser dans des draps tous chauds. A Vheure convenue du réveil, le soleil entre a pleine fenétre. On frappe a la porte. A mon “oui”, Mariolina entre avec un bon café italien sur plateau. Elle s’empres- se de me prévenir, en m’offrant une bouteille de brdulz, qu'elle Canada versement du dépét exigé. West Louise Lodge. : Date limite: 27 mai, 1987 Dépét: nul acceptée. - Canada Travaux publics APPEL D’OFFRES LES SOUMISSIONS CACHETEES concernant les projets énumérés ci-dessous, adressées au Chef de Politique des contrats et administration, Travaux publics Canada, 109¢me rue, Edmonton, Alberta, TSK 2J8, téléphone (403) 420-3213, seront reques jusqu’a 14h00, M.D.S.T., de la date limite reprise ci-dessous. Les documents de soumission sont disponibles auprés des bureaux enregistrés du département des PROJET No. 668994 - pour PARCS CANADA, Parc national Yoho, C.B. Travaux d’amélioration du croisement, autoroute Trans-Canada, _Les documents de soumission peuvent étre retirés : Piéce 632, immeuble Harry Hays, 220, 4¢me avente-S.E., Calgary, Alberta; 1166 rue Alberni, Vancouver, C.B. et peuvent étre constiltés a Alberta Roadbuilders Association, Edmonton, Alberta; B.C. Roadbuilders Association, Richmond, C.B. et au bureau des Travaux publics Canada de Banff, Alberta. L’offre la plus basse ou toute autre ne sera pas nécessairement a doit partir our l’école mais que je serai en bonnes mains avec la mamma. Je récolte une volée de bises, pour moi-méme et pour les Francescinis, avant d’entrer dans la salle de bain ot m’attendent émulsion parfumée et serviettes multicolores. La buona mamma, qui ne peut me parler qu’avec ses yeux et ses mains, me sert un succulent petit déjeuner comprenant un choix coloré de confitures maison. Elle me remet, tout sourire, une ancienne piéce de 500 lires pour mes neveux collectionneurs. Je réussis 4 leur souhaiter, a elle et au grand-pére, “santé et longue vie”; leurs yeux roulent dans leau. C’est le jeune fils du commer- cant qui vient me reconduire a la stazione. I] parvient a s’exprimer par un ingénieux amalgame d'italien, de frangais et d’anglais. Sur le quai, un jeune Italien “fort bien de sa personne” fait tourner toutes les tétes; son air suffisant ajoute 4 son charme fou. Des paysages de réve défilent maintenant a ma fenétre: prés verdoyants, fleurs en abondance, vignobles, clocher au centre d’un petit village blotti entre deux montagnes, foréts aux couleurs pastel, cimes neigeuses. Un grand moustachu rame debout sur un lac paisible. Un nom de village, Piona, est écrit en arbustes taillés. Tunnel. Un _ train moderne au rythme rapide mais d-oux m’emportera _ bientét au-dela des Alpes, dans la Suisse enchantée. Je mesens, ce matin, délirant de joie, libre comme lair, l’esprit ouvert sur le monde, la téte et le coeur remplis de souvenirs a partager. J'ai méme du mal a conter dans mon journal ma journée d’hier ot des inconnus ont tué le veau gras 4 mon Passage sans que j’aie eu besoin d’étre prodigue. Vive la vie! ‘Public Works . Canada piéce 200, 9925 - contre Eek i iif