Le Moustique ! ... Pacifique Elle avait de la peine a gérer son patrimoine, pourtant modeste, car les assurances, les impéts lui donnaient la migraine. Elle n'avait jamais rien compris aux chiffres, encore moins aux additions et aux soustractions, surtout quand il y avait des _ retenues. Obligeamment, les voisins l’aidaient dans ses comptes. Est-il besoin de le dire ? Mimi était sotte. Elle savait a peine lire, ne s'intéressait qu’aux oeufs que pondaient ses poules, et ne pensait méme pas toujours a les ramasser. Les poules s'égaraient vers les gerbiers et Mimi n’était jamais sre du jour de la ponte. Or, un jour, un événement bouleversa la vie de Mimi. Elle recut une demande en mariage. Ca lui coupa le souffle, a Mimi! Déchiffrant la lettre avec peine, ne sachant ce qu'elle devait en penser, elle se confia aux voisins et la lettre fit le tour du village. Ce fut Charles Ardelot qui arriva a la con- vaincre. Il connaissait le prétendant. Chassagne n'était ni un aigle ni un Adonis. La cinquantaine, petit et grassouillet, le crane surmonté d'une demi-couronne de duvet de poussin, il n'avait pas lui non plus un vocabulaire trés étendu et, - la lettre le prouvait, - son orthographe était essentiellement phonétique. Mais il était travailleur et sans méchanceté. Fort en gueule, mais pas bagarreur. Il ne s'était jamais marié. Comme il le disait dans sa lettre: « come jé pas u de fame pour la dépanse, jé un pe de bien ». - Mimi, t’as la quarantaine, lui dit Charles. Si tu te maries pas avec Chassagne, tu te marieras pas du tout. Tu comprends? L'occasion § se repréesentera pas. Que feras-tu, toute seule, quand tu seras vieille, hein? Les voisins seront pas toujours la! Chassagne a pas la téte d'une vedette de cinéma, mais au moins, comme ¢a, on te le volera pas ! Car il fallait, avec Mimi, dire les choses comme elles étaient. Elle n'aurait jamais compris un langqaae fait d'allusions. Tous, dans son Volume7 - 4¢ édition ISSN 1704 - 9970 Avril 2004 entourage, lui donnérent le méme conseil. Une chance a saisir! Ils n'auraient plus a s'occuper des feuilles d’'impéts et d’assurances de Mimi! La future fiancée recopia donc, en s’appliquant, la réponse que Charles Ardelot écrivit pour elle: oui ! elle acceptait d'épouser Chassagne. La date du mariage arriva. Une voisine prépara un bon déjeuner et Charles fut le temoin de Chassagne qui n'avait aucune famille. Chassagne vint habiter tout naturelle- ment chez Mimi et sut rapidement se rendre utile autour de lui. Il coupait volontiers du bois pour un voisin, donnait un coup de main pour un jardin, taillait une haie, plumait une poule, et faisait en moins de deux leur affaire aux pigeons et aux lapins. Et surtout il fournissait du ravitaillement. On était au lendemain de la guerre et certaines denrées étaient encore rares. Chassagne, lui, ne manquait de rien. Il traficotait et ne s'en cachait pas. S'il écrivait avec difficulté, les chiffres, par contre, ne lui faisaient pas peur. Il adorait les additions. Surtout les longues. II les faisait sur du papier d’écolier en sucant son crayon et ne se trompait jamais. Depuis le mariage, les armoires et les placards de Mimi étaient pleins: du vrai savon qui moussait, du café, du beurre, du sucre, du chocolat, du tabac, des boites de conserves, méme des chaussures de vrai cuir. Pour les voisins, il baissait un peu ses prix mais, retors, ne dévoilait pas ses sources. Chassagne était un sacré débrouillard ! Grace aux services rendus, il devint populaire dans le voisinage et chacun se feélicita des bons conseils prodigués a Mimi. - Tu vois! Tu as un bon mari! Tu as bien fait de nous écouter! On parilait dans le village du magot de Chassagne. Il devait 6tre rondelet depuis le temps quiil pratiquait le marché noir! Pernelle Sévy .....@ Suivre dans le prochain Moustique