a tt tte nt Du UN COUP D’OEIL EN COULISSES Les choses qu’on se rap- pelle le mieux sont des évé- nements dréles ou imprévus qui vous changent du train- train ordinaire. De la sai- son récente au Metro, de la piéce de Noel Coward ‘‘Pre- sent Laughter’’, of j’ai fait avec plaisir partie de la dis- tribution, voici quelques souvenirs uniques- La comédie traite d’un ac- teur, Garry Essendine, ado- ré autant de son public que de son entourage privé, avec tous les inconvénients que cette situation peut compor- ter. Liz, l’ex-femme de Garry, vient toujours le voir. Comme la mére d’un enfant, elle s’inquiéte des nombreu- ses fugues de son ancien ma- ri. La secrétaire de Garry est la fidéle Monique, qui essaie aussi de contrdler le maftre. Pendant les répé- titions, nous avons remarqué comme chacun était bien choisi pour son role. C’était donc tout naturel de s’adres- ser par le nom de personna- ge et méme de jouer son role un peu partout. La répétition la plus amu- sante a été celle of nous nous sommes vus sur vidéo. La siréne, Iréne, avait eu des ennuis, son manteau s’ était accroché & la fermee ture-éclair de sa_ robe. Etrange présage < 4 la toute iderniére représentation, la fermeture de sa belle robe n satin vert craquera, 1’ obligeant & jouer toute la \VIIl, LE SOLEIL, 10 NOVEMBRE 1972 ~ Present Laughter critique... 4 la comédienne scene de séduction assise sur le divan. Roland Maule, cet enfant terrible, dans sa poursuite ardente de Garry, avait un jour mis son pied dans une corbeille A papier. L’effet était si drdle qu’Anthony Holland, le metteur en scéne, lui avait dit de le garder. Mon personnage, Miss Erikson, est la bonne de Garry. Elle est Scandinave, vaque et fume constamment. Cette caractéristique m’en- nuyait, parce que je ne fume pas, et je ne croyais pas pouvoir le faire avec aplomb sur scéne. A deux reprises, tout en vidant les cendriers, Miss Erikson se sert d’une cigarette du maftre. C’estsa routine matinale. Chaque fois, elle trouve dans le sa- lon une amie de Garry qui a passé la nuit chez lui. Rien ne surprend Miss Erik- son, car elle passe ses mo- ments perdus chez un In- dien qui contacte l’au-dela. Le plus difficile était d’ou- vrir la bofte A cigarettes, d’en prendre une, et de l’al- lumer pendant deux lignes de dialogue, sans perdre le inord. Le briquet de scéne ne marchait pas réguliére- ment, mais il y avait une bofte d’allumettes sur la cheminée, et d’aller les chercher motivait bien ma traversée de la scéne. Un soir, le valet Fred qui porte constamment les pla- Jeanne Arnould a fait la critique de Present Laugh- ter au cours de 1’émission Mi-figue Mi-raisin, sur les ondes de CBUF-FM. teaux lourds, fait tomber le pot de créme sur les mar- ches. Improvisant un peu de dialogue dans son accent Cockney, il essuie la tache. Une autre fois, la man- chette de sa chemise s’ac- croche A la. poignée de la porte. Fred plaisante, le plateau 4 la main, en se La piéce est simple, pour ne pas dire simplette ! L’histoire? Il n’y en a pas vraiment, ou s’il y en a une, on peut facilement la suivre par le jeu des comédiens. Il y a des passages assez dr0- les (surtout A chaque entrée du personnage représentant un jeune écrivain ‘‘névro- sé’: il fait pouffer l’assis- tance et la sort un peu de sa somnolence). La langue employée est l’anglais ‘‘british’’. Méme 4 cela, il n’est pas difficile de rattraper le fil des évé- nements : c’est le genre de piéce od 1’on peut pratique- ment deviner les répliques. La troupe du Metro Theatre est formée dé comédiens amateurs. C’est par contre de l’amateurisme qu’on classerait facilement com- = me professionnel surtout en ce qui concerne les plus vieux des comédiens. Ces derniers font du théatre de- puis assez longtemps et don- nent l’impression qu’ils sont ‘‘arrivés’’. Je veux dire par 1a qu’ils semblent ne plus jouer avec l*’idée de s’amé- liorer. Il y a un dicton qui souligne le fait qu’on n’ap- prendra pas aux vieux sin- ges A faire des grimaces. Dans le cas de ces comé- diens, on peut dire (si l’on veut é6tre un peu méchant) “¢i] est trop tard pour leur apprendre 4 ne plus en fai- re’’. Leurs gestes et leur ton sont classiques : c’est du. ‘déja vu’’, du ‘‘papier re- mache”? si on peut dire. © Le choix de la piéce de Noel Coward ‘* Present Laughter’? appuie encore plus le fait qu’onn’avait cer- libérant. Pour annoncer l’arrivée de la grande dame, © Lady Saltburn, il y a un coup de sonnette. Un soir, si- lence. I] fallait se rendre & la porte quand méme, et Fred était A mi-chemin quand le régisseur a sonné. Il avait l’air un peu ridicule. -plic. tainement pas envie de faire une révolution dans le thé- Atre... On s’apergoit quand méme qu’il y a eu du travail de fait. La mise-en scéne, avec les entrées et les cel innombrables de la piéce, a été assez bien pensée. Les comédiens connaissent trés| bien les régles du théatre : ils ont tendance 4le montrer trop. Par exemple, une des comédiennes a tourné le dos au public (chose qui ne doit jamais se faire 4 moins que la piéce le requierre) ; une petite lumiére a dQs’al- lumer dans sa téte car 0 l’a vue se retourner trés mécaniquement face au pu- L’agencement des meubles du décor montre qu’une re- cherche évidente fut entre- prise pour conserver l’as- pect des années ’40. Les couleurs des costu- mes ont été étudiées. En} effet, les chaussettes des hommes influencent étran-j° gement bien la couleur de leur cravate. Chez les fem- mes, les chaussures seront toujours en accord avec tout autre accessoire composant leur habillement. Enfin, si on avait envie d’assister A un spectacle qui ne demandait pas 4 la ma- tiére grise de fonctionner ; si on avait quand méme en- vie de rire un peu - et cela fait du bien de temps “4 temps - on aurait pu se ren- dre au Metro Theatre pour voir ‘*Present Laughter’’. Jeanne Arnould Ce que je garde surtout est le souvenir d’une cama-}- raderie, d’un effort com- mun, d’une entente capiteu- se, des moments of le pu- blic était vraiment avec nous. Alannah Matthew