A ee Set ENS AS CRA AT par Roméo PAQUETTE Dans la conclusion d’un ouvrage consacré a lhistoire des devises monétaires, l'économiste John Kenneth Galbraith avoue que face a la situation actuelle: c’est-a-di- re la coexistence de deux conditions considérées jus- qu’ici alternatives, ]’inflation et la dépression, ni les Jibé- raux ni les conservateurs (dans le sens non-politique de ces mots) n’ont de répon- se. “Et”, ajoute-t-il, “aprés 2,500 années d’évolution éco- nomico-sociale nous sommes enfin arrivés 4 cette combi- naison. Peu d’histoires pou- vait aboutir de facon aussi malheureuse”. En effet, comme nous le disions dans l'article précé- dent, les temps ont changé si rapidement, au cours des deux derniéres décennies, qu’aucune des solutions or- ‘thodoxes ne semble avoir de prise sur les problémes éco- nomiques actuels, pas méme celles qui, comme les formu- les de Keynes, avaient obte- nu tant de succés entre les débuts de la Deuxiéme ‘Guerre Mondiale et le début des années '60. Galbraith dit, en effet, que toutes les expériences répé- _ tées, depuis l’avénement des ARTICLE NO. 4 monnaies, n’ont pas appris a notre civilisation comment résoudre définitivement les crises monétaires. Au contraire, nous en sommes arrivés a ce moment historique, selon lui, ot tous les rapports de force sont a ‘repenser. En un mot, c’est le dernier chapitre d’une histoire qui ne finit pas bien. L’auteur de “Money” a bien sa solution. Mais il la voit en citoyen des Etats- Unis, conscient de ]’influence de son pays sur les desti- nées de l'économie mondiale. Il fait six recommandations distinctes qui, si elles sont appliquées par l’Oncle Sam, pourraient bien avoir des effets bénéfiques, méme si, a mon point de vue, le contréle politique des événements est en voie d’échapper aux gouvernements pour passer entre les mains des ‘puissan- ces du marché”. Nous reviendrons sur les recommandations de Galbraith dans les prochains articles. Pour le moment, jaimerais justifier les pro- pos contenus dans le troisié- me chapitre de cette série. C’est par le biais de cette notion des ‘puissances du marché’ que je voudrais le faire. Une telle situation pourrait porter un nom tech- nique comme 1"oligopoliti- que”, ou, maitrise de l’offre et de la demande; contréle de la concurrence, aux sié- ges sociaux des grandes entreprises intégrées, des multinationales et des grands syndicats. Autrement dit, les pou- voirs politiques ont été sup- plantés par les oligopoles, LE COLONIALISME APOLITIQUE dont on peut dire, en prin- .cipe, qu’ils attachent peu d’importance aux loyautés nationales. Leurs terrains d’exploita- tion peuvent étre n’importe ot dans le monde, particu- ligrement 1a ot les politi- ciens sont le plus facilement influencables. Généralement, les mana- "gers qui sont au service de ces grandes sociétés ont un mandat bien clair, celui d’as- surer la ‘maximisation’ des profits et de surveiller tou- tes les occasions possibles d’acquérir ou d’annuler la concurrence. Ces oligopoles se situent, en apparence, dans deux camps distincts: l’entreprise et le grand syndicat. La résolution d’un conflit de travail sert a la fois les intéréts de l’entreprise et du syndicat. L’entreprise peut, grfce a son systéme de publicité et de promotion, justifier la plupart des politiques qui en résultent en invoquant la lourdeur accrue de la masse salariale. | Elle peut en profiter pour annoncer sa décision de fer- mer des usines dont l’outil- lage est désuet et regrouper sa production dans des usi- nes plus modernes, généra- lement déja en place. Sous le couvert de diffi- cultés financiéres, elle aura transféré ses investisse- ments dans d’autres sec- teurs plus payants, sfire de ne pas causer de scandale trop évident. Ou, encore, elle trouvera plus rentable de mettre son nom sur des produits im- portés d’un tiers-monde dont les ouvriers sont encore exploitables, et de contri- buer ainsi a assurer la consolidation du tandem in- flation-dépression dans les pays dits développés. Par ailleurs, les syndicats profitent aussi de ces régle- ments de compte. En perpétuant le mythe de l’exploitation du travail- leur par le patron — situa- tion qui n’a de réalité que 1a ou le syndicat n'est pas inté- ressé a pénétrer: ce ne serait pas rentable pour le syndicat — les grands syn- dicats — dits nationaux ou internationaux — assurent leur existence et justifient leurs budgets d’opération par l’obtention de bénéfices, pour leurs membres, qui ne sont pas sans avoir leurs effets sur la poussée infla- tionniste. Mais, si les grands syndi- cats ont été responsables d'une meilleure répartition des biens et d'un salaire plus juste pour le travailleur, méme non-syndiqué, ils ont aussi contribué a accélérer le processus de concentration des contréles économiques aux mains des oligopoles. Le grand paradoxe de notre temps c’est la société d’abondance qui, au nom de l'efficacité, a relégué au folk- lore et a l’artisanat l’esprit de créativité quia été ala source des plus grandes oeuvres de la culture. Cette société d’abondance cherche des moyens de pré- server des oeuvres qui ont subi l’épreuve du temps, parce que l'économie moder- ne est impuissante a pro- duire autre chose que de la marchandise en série. Le Soleil:de Colombie; vendredi 13 juillet 1979 7 Economie axée surl’homme: le coopératisme Des efforts collectifs si grands sont nécessaires que l'échelle humaine est dépas- sée et le génie inventif se trouve limité par les impéra- tifs de lordinateur. Le fruit du travail hu- main, naguére évalué par rapport aux talents indivi- duels, a l’originalité de l’oeu- vre, a la satisfaction de |’au- teur, a la dignité du _métier et surtout de la personne elle-méme, ne se mesure plus que par le salaire obte- nus Or, dans la généralité des cas, le salaire est surtout un reflet de la classification des taches. Le rapport entre le talent personnel et le revenu an- nuel n’existe 4 peu prés pas. La productivité n'est pas le baréme de la récompense. C'est plutét le contraire, puisque la conception actuel- le du travail individuel veut qu'il ne trouve plus pre- neur. La participation indi- viduelle a I’économie eollec- tive est dictée par des impé- ratifs organisationnels qui découragent toute créativi- té. L’organisation du travail, aujourd’hui, pourrait se com- parer plus facilement 4 celle des esclaves qui ont partici- pé a la construction des grandes pyramides qu’a tou- tes les situations qui ont prévalu de cette période a nos jours. La principale faiblesse de cette comparaison n’est pas au niveau de la liberté qu'avaient ou n’avaient pas ces esclaves de participer ou non, mais plutét en rapport avec l’'anonymité des mai- tres. En effet, notre époque pourrait étre vue comme celle d’un colonialisme généralisé, dont les impé- rialismes principaux seraient les grandes multi- nationales, suivies des gran- des entreprises dont les principaux alliés sont les grands syndicats, et, enfin, les diverses idéologies capi- talistes et socialistes qui recrutent les masses pour favoriser des pouvoirs poli- tiques. Ces pouvoirs politiques n’exercent leur puissance sur les événements que dans ia mesure ow les ‘puissances du marché’ en soient accom- modées. C’est pour cette raison qu'il me semble difficile de voir les solutions de Galbraith autrement que dans le contexte de sa pa- trie, les Etats Unis d’Améri- que. Si ces solutions sont appli- cables, ¢c’est que la majo- rité des ‘puissances du mar- ché’, — qui sont les vrais pouvoirs impériaux d’au- jourd’hui —, ont leurs siéges sociaux aux Etats Unis ou vivent dans le sillage des politiques hégémoniques de la plus grande puissance militaire et économique du monde. Nous en reparlerons la semaine prochaine. MEDECINS PRESSES (S.H.S.) La prescription et Pusage des medicaments sont jugés abusifs par une majo- rité de Québécois, selon un sondage effectué recemment par le ministéere des Affaires sociales. L’enquéte révéle également une perte de pres- tige des médecins, que l’on trouve trop pressés avec leurs patients. LE CIEL EST-IL POLLUE? (S.H.S.) Les Etats-Unis ont, lancé a la fin de février un satellite chargé d’étudier la pollution de la stratosphere, cette région de l’atmospheére qui s’étend du dessus des nuages, 4 13 km. du sol, jusqu’a une altitude d’environ 50 km. En particulier, on essaiera de connaitre ‘l’état exact de l’importante couche d’ozone qui filtre les dange- reux rayons ultra-violets du soleil. Plusieurs scientifiques considérent en cette zone menacée par les gaz des aérosols et la combustion des hydrocarbures, entre autres. LE RETOUR D’EOLE (S.H.S.) L°’Hydro-Québec va construire une nouvelle éolienne aux Iles de la Ma- deleine afin de poursuivre ses expériences dans ce do- maine. Cette éolienne res- semblera a celle qui s’est écroulée en juillet dernier, mais comportera quelques modifications aux systemes de freinage et de contrdle. D‘une capacite de 230 kilo- watts, l’éolienne sera installée ~ en avril et mai. PILULE PAS COUPABLE (S.H.S.) Malgré les cris alarmistes de certains, onn’a pas encore pu trouveruntlien. ‘ff formel entre usage de la pilule anticonceptionnelle et le cancer de lutérus. Des chercheurs de l’université Yale aux Etats-Unis mettent en garde les médecins et le public contre les “conclu- sions hatives” que lon pour- rait tirer de diverses études sur le sujet. D’aussi loin qu'on peut, il faut obliger un adver- saire a étre loyal avec vous. Mais il ne faut jamais s’abaisser a étre déloyal avec lui.. Le tact est l’art de se taire & propos et de donner a ceux qui vous sont inférieurs le senti- ment qu’ils vous sont égaux. L’?ORDINATEUR ET LE TRANSPORT URBAIN Dans un milieu urbain, le choix d’un itinéraire ou d'un moyen de transport ressemble souvent a la so- lution d’un casse-téte. Les embouteillages des grandes artéres, les ponts et les viaducs encombrés, les autobus qui n’arrivent pas sont autant de problemes * auxquels nous sommes con- frontés quotidiennement. Et pourtant, chacun d’entre uous cherche a économiser son temps de transport en empruntant le chemin le plus direct vers la maison ou le travail. Des études subvention- nées par le Centre de recherche et de développe- ment des transports du Canada ont permis d’établir un bilan des deplacements en milieu urbain. Les pre- miers. systemes prenaient pour acquis que-!’automo- biliste empruntait toujours le chemin le plus court pour se rendre du point A au (Photo R. Charbonneau) Automobile ou autobus, le choix du mode de transport du citadin se fait selon plusieurs facteurs subjectifs. point B. Or, l’automobiliste n’est pas seul sur la route et entre donc directement en compétition avec tous ses semblables. Le trajet le plus court devient alors le plus encombré et par consequent le plus long. Pour résoudre les pro- blémes posés par les choix individuels, les scientifiques ont fait appel a ordinateur. Grace a des calculs com- plexes, on a réussi a dé- terminer les criteres qui influencent les décisions des automobilistes: le nombre de feux rouges, leur durée, le nombre de virages a gauche et méme le paysage que l’on rencontre. Tous ces facteurs influencent donc grandement les auto- mobilistes et les répartissent sur plusieurs parcours. Aprés quelques tentatives ‘ infructueuses visant a réduire davantage leur temps de transport, ils atteignent un certain équilibre et suivent toujours le méme trajet de facon routiniere. Depuis quelque temps, des efforts ont été déployés pour encourager l’usage du transport en commun. Des études du Centre de re- cherche sur les transports de l'Universite de Montréal ont prouvé qu’il n’y a pas de commune mesure entre le transport individuel et collectif. Il faut en effet tenir compte de I’apprécia- tion toute subjective du temps que se font les usagers. Ainsi, un **deux minutes” d’attente pour prendre un autobus devrait étre multi- plié par deux pour tenir compte de son impatience. Une correspondance. en plus du temps réel qu'elle exige pour étre effectucée, se verrait affligée d'un “cing minutes’ suppleé- mentaire de pénalitée. Cette notion *élastique” du temps percu par l'usager a amené les spéecialistes a conclure que deux et deux ne font pas nécessairement quatre mais parfois huit ou neuf. Si ces études ne changent pas les habitudes enracinees chez les voyageurs, elles ont par contre l'avantage de pouvoir prédire leurs reactions. Ainsi, il sera plus facile dorénavant de juger de l’impact de la modifica- tion du réseau routier ou de la suppression d'une ligne d’autobus. Chose certaine, les urbanistes disposent maintenant d'un outil im- portant pour évaluer les déeplacements de la popula- tion et pour améliorer la situation du transport urbain. Robert Charbonneau - (Service Hebdo-science)