} | | Le Soleil de Colombie, vendredt 3 juillet 1987 - 11 Par Jean-Claude Boyer Maroc, le 25 novembre 1984. En sortant de la gare d’Oujda (prés de la frontiére algérienne) , une étudiante marocaine, fort jolie, accepte de me conduire a l'hétel Lutetia, puis dans un petit restaurant ow j'ai l'impression que tout le monde ne fait que nous épier. Durant le souper, elle me parle surtout de la mort de son pére, survenue il y a deux semaines a peine, peu aprés accident de voiture de son frére oe qu'elle vient de visiter dans un _ hépital de Casablanca sans avoir ont rien de francais” réplique-t- eu le courage de lui apprendre la__ elle 4 la remarque que jose lui mauvaise nouvelle. Je suis surpris faire. “En France, ajoute-t-elle, qu'elle me tende le verre d'eau on est trop compliqué; ¢a dont elle vient elle-méme de se _™énerve!”’ Ellen’est pas peu fiére servir. “Les belles maniéres, ict, de m’apprendre que le Canada a a Ti nae eet NORM Out ww, San a ee iw Canada Societe canadienne dhypotheques et de logement Canada Mortgage and Housing Corporation Avis aux investisseurs Propriété -immobiliére a vendre a POWELL RIVER OCCASION D’INVESTISSEMENT e Pas de régie de loyers e Les acheteurs admissibles sont couverts par l’assurance-pret hypothecaire LNH. Sere” GARDENS , Selene mes: No de ref.: 38-244-182 ¢ immeuble d’appartements de 3 étages POWELL RIVER ¢ 64 logements (Colombie-Britannique) Pour connaitre les conditions générales et obtenir le prospectus de cette propriété, téléphonez ou écrivez sans tarder a \'adresse suivante en précisant le numero de reference: SOCIETE CANADIENNE D’HYPOTHEQUES ET DE LOGEMENT Porte 800 - 1500 rue Gerogia ouest Vancouver (C.-B.) V6G 3A1 Tél: Mile. S. Fowler (604) 666-2921 ou M. D. Franklin (604) 666-2627 Date limite: Les offres doivent nous parvenir au plus tard le 22 juillet 1987, a 14h, heure de Vancouver. $°2 SCHL Question habitation, comptez sur nous 10 000 000 de kilométres carrés. (En l’entendant converser en arabe dans le train, j’ai distingué les mots licence, baccalauréat, deuxtéme cycle, etc.) Par ailleurs, elle se plait a me détailler les actes de piraterie subis par son pays de la part des Espagnols et des Algériens. Avant de nous dire adieu, elle avoue m'envier grandement d’étre canadien. Dans le corridor de mon hétel, je rencontre un Frangais extré- mement volubile ; il veut me faire croire qu'il a participé a toutes les guerres depuis 1939, excepté je ne sais plus laquelle. Il me parle de la _ frontiére maroco-- algérienne et des multiples problémes qu'elle engendre - sans que je puisse placer un traitre mot; il est passé maitre dans l’art de couper les cheveux en quatre. Longue nuit salutaire. A la sortie de l’hétel, j’apercois sur une grande affiche: Chambes chauffées. Comme je m’appréte a traverser la rue, mon sang, soudain, se glace: un garconnet de 7 ans et une petite bonne femme de 4 ans s'amusent a fréler la mort. Le gamin fait traverser la rue a la fillette dés qu'il juge une voiture assez prés d'eux. Le chauffeur freine brusquement, juste 4 temps, ce qui cause les éclats de riresadique - et provocateur - de quelques adolescents appuyés contre un mur. Puis c'est au tour du gamin lui-méme. Ils recommenceront ce manége trois fois avant que je m’éloigne sans en croire mes yeux, convaincu que rien dans la vie ne pourra plus désormais me surprendre. Se prélasser aux terrasses des cafés semble un loisir exclusive- ment masculin. On y joue aux cartes avec un sérieux impertur- bable. Une charrette tirée par un ane famélique tourne un coin de rue. Je jette un coup d’oeil dans un restaurant au Moment ot un glouton crache sur le plancher les morceaux de poulet auxquels son palais lui commande de renon- cer. Un tombereau de pommes équipé d'une balance toute rouillée en suit un autre rempli de clémentines. Des palmiers font les beaux autour du miroir oblong d'un plan d'eau. Des jeunes hommes passent, main dans la main, ou le bras autour de la taille, ou du cou; d’autres s‘embrassent sur les joues. Des infirmes tendent la main, les yeux tristes a faire pleurer les pierres. Je détourne les yeux d’un adolescent qui marche sur ses talons, le regard égaré. Devant moi, l’ombre.des palmes ondu- lantes se projette sur des batisses carrées et beiges. J'entends Mireille Matthieu, puis Julien Clerc, entre deux ritournelles arabes (toutes semblables 4 mon oreille) . Me voici maintenant attablé dans une gargote. Je sirote d’abord un thé marocain, trop sucré, puis commande un succulent repas pour 1,99 $. Sa majesté le roi Hassan II me fixe d’un air soucieux dans un cadre grossier. (Sa photo se retrouve partout, en tenue officielle, en complet, en vétements sport.) De retour dans larue, je m’étonne encore de voir tant de jeunes hommes circuler par couples, se tenant par le doigt, la main, la taille, le cou, bras dessus, bras dessous, alouettel Des petits vieux jouent aux dames avec des cailloux peints en bleu et blanc. Un autre déambule, cahin-caha, avec une bouilloire de musée sous laquelle est accrochée un dispositif qui laisse échapper de petites flammes. D’autres s’amusent a jeter des dés sur un tissu usé. Beaucoup de jeunes, pour leur part, ne font carrément rien. Deux jouven- ceaux font griller des marrons en tournant une manivelle. “Echanger...? Change? Changez, non?”’J’ai dumal a faire la sourde oreille. C'est 4 tout hasard que je me proméne maintenant dans la médina, me répétant malgré moi: “Jl faut votr pour crotre!” Couleurs variant a 'infini, musique, odeurs, surpopulation, délabrement, sourires francs, oraisons amplifiées 4 Allah, nids de cigognes haut _ perchés, unijambiste a bicyclette, aboie- ments de crieurs de toutes sortes, plateaux en mains ou sur la téte, chats et chiens effarouchés qui font leurs délices de tout déchet le moindrement comestible... Je me sens a l’aise dans mes vieux jeans rapiécés. Les rues s'éclairent peu a peu, timidement ; les fanaux viennent a la rescousse, projetant des ombres mouvantes sur des étalages de noix, de fruits, de sandwiches aux mouches... Les charrettes se font plus nombreu- ses que les automobiles. Un Oujdaien enturbanné me rappel- le qu'il n’y a plus de train qui traverse la frontiére maroco- algérienne depuis neuf ans a cause du fameux conflit du Sahara. Mon interlocuteur dési- gne la tour de l’horloge comme étant “la grande montre”. De retour 4 l’hétel Lutetia, je reproche a la femme de chambre (on l'appelle ici la bonne) d’avoir ‘laisé ma clé dans ma porte - javais da la lui remettre pour le ménage. Le lendemain, “marocaineries” dont j'épargnerai les détails, au Bureau du Tourisme. A la sortie, les changeurs d’argent du marché noir m’attendent, bien sar. Un guide officiel “m’ordonne” de le suivre jusqu’au. magasin de photos pour visa. Dés que j'ai celles-ci en mains, il insiste pour m’accompagner au_ consulat. “Non merct. Je préfére y aller tout seul.” Il me harcéle si bien ue jen deviens agressif: “Fiche-mot la patx! Jirat TOUT SEUL”. Un employé de I’hétel, qui le connait bien, le considére comme ‘le plus requin des requins”. Dans la salle d’attente, fort moche, du consulat algérien, un écrivain public devient vite importun, comme s'il voulait me convaincre que je ne sais ni lire ni écrire; il continue 4 me talonner méme sachant que je suis prof de francais et que j'ai l"habitude des documents de ce genre. En retournant a lhétel, le formulai- re enroulé dans une main, bien a la vue, je commence a souffrir de “surdité volontaire” (surdité dont je serai affligé jusqu’a mon départ de Bangkok pour Hong Kong - sept mois plus tard) . Me voici de nouveau dans ma chambre.C’est aux sons intermit- tents de petits trots que je remplis (en quatre copies écrites a4 la main!) le formulaire détaillé de demande de visa algérien. II est spécifié, en conclusions, que “le Visa accordé n’entraine nulle- ment l'autorisation d’occuper un emplot salarié ou mon en Algérie”, et que “ma signature engage ma _ responsabilité et m'expose en sus des poursuites prévues par la loi en cas de fausses déclarations dG me votr, (pour- quoi cette virgule?) REFUSER TOUT VISA A L’AVENIR”. Je me rends maintenant au terminus de bus. Chemin faisant, je ne rencontre pas moins de dix aveugles ; ils hantent les rues sans que personne ne les remarque. Des odeurs de fumier me coupent la respiration. Des Musulmans se prosternent, pieds nus, sur de petits tapis multicolores. On joue aux Cartes, un peu partout, entre hommes seulement. Des enfants, en grand nombre, ont la téte rasée, délivrée des poux. Arrivé dans la cour du terminus, je n’ trouve rien qui ne soit délabré. Il y a des bus vers la frontiére “@ toutes les heures, mats c'est jamais pareil”, me dit-on, en lieu - d’explication. Je continuerai jusqu’a la tombée du jour 4 meubler mon imagination de scénes plus exotiques les unes que les autres. Et je m’endormirai, ce soir-la, aprés avoir absorbé deux mots croisés-somniféres. [Suite la semaine prochaine] Bureau - 434-5784 Vincent Pigeon BA, LLB. Avocat et notatre Hean, Wylie, Peach, De Stefanis, Stewart & Kober 1501, Place Metrotown 4330 Kingsway, Burnaby, C.B. V5H 4H9 ETE 87 Vols charter pour Montréal Prix spécial $41900 MAPLE LEAF TRAVEL LTD. 104 - 1847 Broadway Ouest Vancouver, C.B. V6J 1Y6 (604) 734-1212 Demandez Ronald Sabourin