Mai 1967 L’APPEL page 7 Une Histoire de la Colombie-Britannique Chapitre V LE PLUS GRAND VILLAGE AU CANADA: VANCOUVER C’est une grande ville, c’est une métropole, e’est peut-étre, 4 sa maniére, la ville la plus cosmopolite au Canada. C’est, en méme temps, selon plusieurs, le plus grand village. Quand la troisiéme ville d’un pays a moins de cent ans, que l’ensemble urbain compte déja prés d’un million d’habitants, que sa croissance s’est faite par deux bonds successifs : ceux des deux aprés- guerre, ce n’est pas d’une tradition qu’elle hé- rite, e’est une tradition qu’elle doit se fabriquer. Comme site, Vancouver est favorisé. Deux voies navigables baignent cette ville: une au nord, un bras de mer bien a l’abri s’étendant sur environ 25 milles dans les terres, avec bras secondaires utilisables dans l’avenir; l’autre au sud, l’estuaire du fleuve Fraser dont le port de New Westminster, avec quelque développe- ment, pourait rivaliser avec le grand port de Vancouver. Le panorama de Vancouver, bordé au nord par une chaine majestueuse de montagnes et s’avancant par de grandes plages sur le détroit de Georgie, range parmi les belles villes du monde une masse urbaine qui ne paye ni de génie directeur ni d’exploits achitecturaux. Ce qui attire Vattention du visiteur, ce sont les Inxuriants jardins, la verdure et de magnifi- ques pares naturels dont le plus important est le pare Stanley. La générosité de la nature dis- trait de laspect vétuste de myriades de mai- sons de bois, délabrées, qui n’attendent que le démolisseur pour faire place aux nombreux eratte-ciel qui sont sur la planche des dessina- teurs. Déja, le quartier de la ville appelé West- End, ressemble 4 une forét de batiments rési- dentiels 4 étages multiples qui donnent aux saping et aux cédres géants du pare Stanley Vapparence de pygmées. Comme la plupart des grandes villes, Van- couver souffre d’artério-sclérose. Entouré de plus de huit municipalités et villes champi- gnons qui y puisent la plus large partie de leur économie, c’est un carrefour oti toutes les routes viennent aboutir en un engorgement qui mena- ce déclater en un état de crise. Toute solution du probléme est remise aux calendes grecques, soit par les tiraillages qui se terminent en queue de poisson sur la table du conseil de ville, soit par les affrontements entre le gouvernement provincial et les gouvernements municipaux, soit parce qu’il peut s’y trouver une occasion de passe-d’armes entre les autorités provinciales et fédérales. Pendant ce temps, on peut remet- tre & plus tard des négociations pressantes en vue d’établir un plan directeur pour toute la région métropolitaine. L’heure de pointe de la semaine pour la circulation dans le centre-ville est probable- ment le samedi-soir avant minuit. C’est l’heure ou ceux qui ont mal fait leur calcul doivent refaire leur stock de boissons alcooliques pour le Jour du Seigneur. Malgré son caractére cos- mopolite, Vancouver a conservé, jusqu’a ce jour, la tradition commune au Canada-anglais de noyer ses peines en cachette le dimanche. Les comptoirs des alcools du gouvernement sont les seuls endroits ot la biére en bouteille ou les autres boissons peuvent étre obtenues pour consommation domestique, et un certain nombre restent ouverts jusqu’a minuit, le sa- medi soir. Le dimanche est un jour sec dans tous les endroits publics. Le “Sunday Blue Law”, comme on lappel- le communément, s’étend 4 la commercialisa- tion des sports et de la récréation. En Colom- bie Britannique, Vancouver est la seule ville ot cette partie de la loi ne s’applique pas; ce- ci A la suite d’un référendum public qui a été tenu il y a trois ans. Chose assez cocasse, aucu- ne des municipalités de banlieue n’a le pouvoir de faire la méme chose. Done, si vous désirez aller au cinéma, le dimanche, vous devez vous rendre en ville. Vancouver a été fondé en 1886, soit, aprés 24 ans de colonisation. Cependant, c’était pour cette agglomération un moment de renaissance puisque ces 24 années venaient d’étre effacées par un feu dévastateur qui rasa tout ce qui était inflammable; ce qui n’est pas peu dire. En effet, ce qui est aujourd’hui le centre-ville constituait, il n’y a pas plus d’une quatre-ving- taine d’années, un vaste champ d’opérations forestiéres. Nombreux sont encore les pion- niers qui se rappellent des chantiers de coupe de la rue Hastings. Comme c’en est encore la coutume, au moins une fois l’an il faut briiler les abattits. C’était un beau dimanche, aucune brise, température idéale pour effectuer telle opération. Des feux de branchages, de copeaux et de souches avaient été allumés 4 maints en- droits. En juin, toutefois, c’est l’époque des fortes marées, et ce 13 n’échappa pas au phé- noméne bien connu de la naissance soudaine Wun vent violent du large qui s’engouffre par la tonnelle béante du Burrard “Inlet”. Le nua- ee de fumée ne tarda pas 4 se changer en un brasier géant qui enveloppa tout ce quwil y a- vait de construction, consumant tout sur son passage, & l’exception du batiment de pierre de la scierie Hastings et de quelques cabanes situées sur le versant “False Creek” de la pé- ninsule. Le nombre exact des morts est incon- nu. C’est done des cendres que sortit la métro- pole du Pacifique. En quatorze ans seulement, sa population atteignit le 100,000, soit une multiplication par cinquante. L’expansion de Vancouver, comme ville portuaire, a été sti- mulée d’une facon extraordinaire par l’avéne- ment du chemin de fer transcontinental. Le terminus ouest du Canadien-Pacifique, 4 Port Moody, téte du bras de mer Burrard, qui fut inauguré par le premier train venant de l'Est, le 14 juillet 1886, fut vite prolongé jusqu’au site actuel des quais et de la gare de la méme compagnie, au pied des rues Granville et Sey- mour. Une trés forte immigration suivit l’arri- vée du premier train de passagers, 4 Vancou- ver, le 23 mai 1887. (Suite page 8)