| oe As be Procrés OCTOBRE 1995 La parité de pouvoir d’achat Lemagasinage outre frontiére a beaucoup diminué depuis 1991. Eneffet, comme le démontrentlesstatistiques relatives aux séjours d’ une journée effectués par les Canadiens aux ts-Unis, le nombre de ces expéditions, qui atteignait alors 60 millions, avait régressé 4 38 millions, en 1994. Cette diminution est attribuable en partie a la baisse du dollar canadien, mais également la meilleure tenue del’ économie canadienne en matiére d’inflation. En effet, le coat du panier de provi- sions, utilisé comme point de référence pour comparer le pouvoir d’achat entre les deux pays, a diminué de fa- gon considérable au cours des quatre der- niéres années, au Ca- nada. En réduisant le N PAR D AVID E. BOND d’achat serait le méme dans les deux pays. Or, en 1994, le taux de change s’éta- blissait 4 0,73 $ US. Pour se procurer le panier de provisions de référence aux Etats-Unis, les Cana- diens devaient donc débourser neuf nombre de leurs séjours aux Etats-Unis, les Canadiens n’ont pas fait preuve de patriotisme, mais plutét de pragmatisme. Ils ont mon- tré qu’ils réagissaient aux conditions du marché. Deux types d’ indices permet- tent de comprendre comment les deux pays ont évolué I’un par rapport a l’autre. Le premier, la parité de pou- voir d’achat, mesure le taux de chan- ge qu’il faudrait appliquer la devise canadienne pour que les consom- mateurs, au Canada, disposent du méme pouvoir d’achat que les con- sommateurs américains. L’indice est calculé de la fagon suivante : la pa- rité de pouvoir d’achat sera égale 4 0,82 $ US par dollar canadien s’il en coiite 100 $ CA pour acheter un pa- nier de provisions donné au Canada et 82$ US pour acheter le méme panier aux Etats-Unis. Si le taux de change etla parité de pouvoird’achat étaient égaux, alors le pouvoir cents de plus (0,82 - 0,73) par dollar d’achat, de sorte qu’ils ont réduit leurs achats outre frontiére tandis que les Américains augmentaient les leurs. Encore aujourd’hui, ces derniers peuvent réaliser de vérita- bles aubaines en achetant au Cana- da. Par ailleurs, le quotient de la parité de pouvoir d’achat par le taux de change permet d’établir un indice de comparaison des prix. Cet indice constitue un instrument pratique, car il permet d’évaluer dans quelle mesure le taux de change fixé sur les marchés surestime ou sous-estime l’écart des prix entre différents pays. Dans notreexemple, considérant que le taux de change est de 0,73 $ US pour 1,00 $ CAN et que la parité de pouvoir d’achat est de 0,82, I’indice de comparaison des prix s’établit a 1,12(c’est-a-dire 0,82/0,73). Comme l’indice est supérieur a 1,0, l’on peut conclure que les prix sont moins élevés au Canada qu’aux Etats-Unis. En 1991, année ot les achats transfrontaliers ont atteint des som- mets, cet indice était de 0,93. Voila qui explique pourquoi tant de Cana- diens ont alors pris la route du sud a Ja recherche de bonnes affaires. Les valeurs du taux de chan- ‘ge et de la parité de pouvoir d’achat divergent souvent. En effet, de nom- breux facteurs influent sur la valeur des taux de change 4 court terme. Parmi les plus importants, !’on comp- te: les variations dans les mouve- ments de capitaux entre les pays, les prévisions quant 4 !’évolution des taux de change, |’écart entre les taux d’intérét de différents pays, l’impor- tance des échanges commerciaux ainsi que |’effet combiné du déficit gouvernemental prévu et de l’endettement du secteur public. La parité de pouvoir d’achat évolue en fonction de facteurs ayant une portée 4 long terme. Ainsi, la facon dont un pays réagit en matiére d’inflation, la teneur des conven- tions collectives conclues récem- ment et le montant des investisse- ments en immobilisations de pro- duction (qui 4 leur tour modifient la productivité de la main-d’oeuvre) ont un effet sur la parité de pouvoir d’achat. Or, le dossier du Canada est excellent en matiére de lutte a |’infla- tion puisque les prix se sont élevés moins rapidement au Canada que dans la plupart des pays dévelop- pés. Les données suivantes permet- tent d’illustrer 1’évolution des prix. En 1981, lecofit du panier de provi- sions, au Canada, était supérieur de 4 %aceluid’un paniersimilaire dans un pays industrialisé moyen. En 1986, le coiit en était le méme et, en 1994, il lui était inférieur de 8 %. Faut-il alors s’étonner que les expor- tations canadiennes aient augmen- té? Enoutre, notre productivité s’est améliorée en regard de celle des Etats-Unis. La différence que 1’on cons- tate en ce moment entre la parité de pouvoir d’achat et le taux de change refléte en fait les craintes du marché face a la stabilité politique du Cana- da ainsi que |’incertitude qui entou- re les politiques budgétaires du gou- vernement. La récente appréciation des devises allemandes et japonai- ses constitue également un facteur déterminant. L’on peut donc raisonnablement supposer que si les Québécois votent en faveur de unité canadienne lors du référen- dum, le Canada sera en mesure de réduire ses emprunts auprés des pays étrangers, la conjoncture le lui permettant en raison de la stabilité des prix, de la diminution des em- prunts gouvernementaux et del’aug- mentation des profits des sociétés. Si, en outre, les exportations devai- ent continuer 4 augmenter, les mar- chés financiers pourraient commen- cer 4 envisager une hausse de la valeur du dollar canadien. Une telle hausse se répercu- terait de deux facons. Premiérement, le Canada pourrait pratiquer une politique monétaire moins contrai- gnante. Les taux d’intérét pour- raient baisser ce qui stimulerait la croissance économique. Deuxiémement, si le dollar canadien devait augmenter et atteindre la méme valeur que la parité de pouvoir d’achat, cela inciterait les fabricants canadiens 4 accroitre leur producti- vité, 4 maintenir leurs politiques sa- lariales et 4 augmenter leurs inves- tissements dans des immobilisations de production. Tous ces facteurs ne manqueraient pas de provoquer un boom économique, mais n’en per- mettraient pas moins 4 |’économie d’évoluer dans la bonne direction. Les économies se compor- tent comme des personnes qui auraient trop fété. Aprés avoir fait des excés en matiére de déficit gou- vernemental, il est difficile derevenir 4 la normale. La situation devrait aller en s’améliorant a la condition, toutefois, de marcher dans le droit chemin. Bulletin économique, qui est rédigé par M. David E. Bond, vice- président, affaires gouvernementa- les et relations publiques, et écono- miste en chef 4 la Banque Hongkong du Canada, exprime I’ opinion per- sonnelle de |’auteur sur les derniers événements économiques, laquelle n’est pas nécessairement celle de la Banque Hongkong du Canada et de son conseil d’administration. Ce Bulletin ne constitue nullement une étude exhaustive de tous les faits nouveaux ni n’est publié dans l’in- tention de fournir des conseils finan- ciers. Nous recommandons aux lec- teurs de communiquer avec un ex- pert-conseil avant de prendre toute décision que ce soit, fondée sur les commentaires de notre économiste en chef. Et si l'argent poussait dans les arbres... N’avez-vous jamais révé que l’argent pousse dans les arbres? Non, eh bien moi oui! Je me voyais déja ramassant les dollars avec le beau sourire de la Reine. Comme j’étais heureuxetriche! Orvoila, il y avait une faille dans mon raisonne- ment. A ]’époque, je ne savais pas que la valeur de la monnaie, plus particuliérement ici du dollar cana- dien, repose sur la confiance. Eh oui! La confiance seulement. Et on aura d’autant confiance en la valeur d’une monnaie qu’elle est relative- mentrare. Jem’explique. Siledollar canadien poussait dans les arbres, i] serait abondant et donc inutile puis- que plus personne ne l’accepterait comme moyen d’échange. Prenez l’exemple de |’individu qui habite tout prés d’un immense lac et de celui qui habite au milieu du désert du Sahara. D’une part, le premier individu n’accorde aucune impor- tance 4 ]’eau parce qu’abondante et d’autre part, le deuxiéme individu considére l’eau comme un bien ines- timable parce que rare. En outre, si nous acceptons le dollar canadien en échange d’un loyer, d’un pain, d’un journal, etc. c’est parce qu’on sait qu’on pourra l’échanger, 4 notre tour, contre d’autres biens. Ou encore, on pour- ra en constituer une réserve en les déposant 4 la banque ou 4 Ia caisse. Tout de suite, vous comprenez que si le dollar poussait dans les arbres, il ne serait plus un moyen d’échange et il ne servirait donc plus 4 mesurer la valeur des différents biens entre eux. On devrait alors trouver un autre moyen pour mesurer cette va- leur, soit ]’or, le dollar américain, le yen japonais, etc. ou on ferait du troc. Mais faire du troc, c’est-a-dire échanger un bien contre un autre, comporte de grands inconvénients, entre autres au niveau de l’incompa- tibilité des échanges. Parexemple, si vous étes marchand de chevaux de courses et que vous avez besoin _ d@’un carton d’allumette... Comment conclure l’échange, ne pouvant ven- dre un morceau de cheval et ne vou- lant plusieurs caisses d’allumettes? Ah la monnaie! Merveilleuse in- vention. Elle facilite vraiment les échanges mais seulement si la con- fiance régne entre les différents agents économiques. Maintenant, grace 4 nos con- naissances sur]a monnaie, nous pou- vons extrapoler et mieux compren- dre des problémes économiques comme celui de la dette, de |’infla- tion, de la variation de la valeur du dollar canadien parrapport aux autres devises, etc. Woyons deux exem- _ ples. Premiérement, si la dette ca- nadienne est trop élevée, les créan- ciers risquent de perdre confiance en ]’économie canadienne et s’ils en perdent la confiance, ils perdront aussi confiance en la va- leur de sa monnaie et cel- le-ci va diminuer par rap- port aux autres devises (le dollar américain, le markallemand, etc.). Bien sir, les gouvernements possédent certains outils (taux d’intérét, interven- tion surles marchés, etc.) pour résorber ce genre de problémes. Mais ils sont d’une efficacité plu- t6t douteuse dans les crises graves. Onaqu’a penser 4 la débandade du peso mexicain et ce, malgré |’intervention ra- pide de géants économi- ques comme les Etats- Unis. Deuxiémement, si le Québec se sépare du Canada, quels seraient les impacts possibles sur le dollar canadien selon les différents cas de figure? ‘Tout d’abord, si ce “nou- veau Québec” continue a utiliser le dollar canadien, la demande de dol- lar reste relativement stable, nos créanciers gardent leur confiance au dollar et sa valeur fluctue peu. A moins que des extrémistes ayant de l’influence sur les marchés ne tien- nent des discours ambivalents et dangereux. Deuxiéme cas de figure, le Québec n’utilise plus ou ne peu plusutiliser le dollarcanadien. Alors, la demande de dollars canadiens chute de maniére drastique (plus ou moins 6 millions d’individus ven- dent leurs dollars canadiens pour acheter des “francs québécois”) et nos créanciers doutent de la bonne tenue du franc sur les marchés. La confiance accordée au nouveau “franc québécois” est faible, des spéculateurs spéculent, et la valeur du franc par rapport aux autres devi- ses baisse rapidement. Au niveau canadien, aprés une baisse aussi marquée dans la demande de dol- lars, les créanciers perdent confian- ce en sa valeur actuelle, les spécula- teurs spéculent 4 la baisse et la va- leur du dollar canadien est en perte de vitesse rapide. Fiction? Certes, mais tout de méme fort plausible. Non, |’argent ne pousse pas dans les arbres, et heureusement que c’est ainsi car on ne saurait qu’en faire... Richard PERREAULT