page 4 L’APPEL Décembre 1967 Il semble qu’A ce moment de notre histoire Vambiguité de la situation constitutionnelle du Canada ne puisse plus durer bien longtemps. Nous sommes, en fait, 1’un des derniers pays de l’ancien Empire Britannique qui ait encore un statut colonial. Si nous découvrons une faiblesse particuliére au rapport de la Com- mission B. et B., c’est précisément de ne pas s’étre attaqué 4 cet anachronisme fondamen- tal. Quelques-unes des remarques que nous avons faites & ce sujet 4 un panel tenu a 1’Uni- versité de la Colombie Britannique méritent d’étre répétées ici. L’Acte de 1’Amérique Britannique du Nord, A notre point de vue, a été, non pas le contrat qui unissait “deux nations”, mais, la consoli- dation en une seule de toutes les colonies bri- tanniques de la partie septentrionale du conti- nent américain. L’encadrement d’un systéme confédéral 4 l’intérieur d’un régime de lois conformes 4 l’unitarisme monarchique de la Grande-Bretagne nous porte 4 croire qu’une constitution fédérale ne constituait 4 la base qu’un expédient destiné 4 tomber en désuétude aussitét que les circonstances le permettraient. De plus, le cadre légal, 4 base du Droit Commun britannique, ne pouvait prévoir d’au- tres droits que ceux de l’individu et non pas ceux de collectivités comme ont semblée ]’en- tendre la plupart des Canadiens francais. Pour s’en convaincre il s’agit de se rappeler que la seule concession faite 4 des droits collestifs, contenue A Varticle 98, est tombée en désué- tude dés sa premiére épreuve. Aucun méca- nisme efficace n’étant prévu pour l’exercice du pouvoir de désaveu par les autorités fédérales. C’est pour cette raison principale que le Ma- nitoba put prendre, en 1892, des mesures anti- constitutionnelles contre sa minorité catholi- que sans avoir 4 faire face 4 un danger sérieux. La réalité brutale est la suivante: Il est évident que le seul droit collectif de tout rési- dent du Canada a été et demeure celui de devenir sujet britannique, done, Anglo-saxon, le plus rapidement possible. La seule exception a la régle a été celle du Québec, justement parce que le Québec s’est inspiré plus de I’es- prit que de la lettre d’une convention qui s’est bien gardée de refléter l’entente morale con- clue entre les Péres du projet. L’autre aspect principal, celui du statut co- lonial dont nous ne sommes pas encore vrai- ment sortis, est défendable du point de vue qu’aucune déclaration d’indépendance n’a ja- mais été officiellement promulguée par le gou- vernement du Canada. La loj de la citoyenneté canadienne, datant de 1947, peut, tout au plus, tomber dans la catégorie de cette série de con- cessions 4 l’opinion publique — dont un dra- peau canadien, un hymne national, le rapa- triement de l’autorité militaire, ete, — qui pourraient encore s’échelonner pendant cent ans sans qu’on en arrive 4 l’étape logique; soit: une constitution de pays autonome con- forme aux réalités et aux besoins du Canada. Il y a aussi ce fait de plus en plus reconnu que le partage en provinces et en territoires est tout-a-fait artificiel. Aussi artificiel que le pacte confédéral lui-méme qui, en pratique, était plus soucieux d’obtenir le quorum du nombre que de la qualité. La seule chance de salut pour le Canada, a notre point de vue, (s’il n’est pas déja trop tard), e’est une constitution nouvelle 4 base de deux grandes collectivités nationales re- liées par la téte, mais possédant chacune les pouvoirs institutionnels autonomes, sans égard au territoire, nécessaires & leur épanouisse- ment mutuel. La collectivité francophone pour- rait continuer d’avoir son principal foyer au Québec puisqu’il n’existe aucun précédent & Veffet dune colleetivité humaine viable qui wait pas soit une base territoriale, soit une base religieuse, soit une base économique. Essentiellement, ce qu’il faut accepter, cha- cun de son céoté, au Canada, ec’est la réalité sociologique de deux nations dans une. Le re- fus de le faire, d’un cé6té comme de lautre, c’est la course au désastre. Par contre, une prise de conscience réciproque accélérée par des événements tels que ceux que nous avons mentionnés, peut conduire au choix de solu- tions qui apparaissent utopiques aujourd’hui mais qui sont peut-étre celles qui se révéleront les plus pratiques dans quelques années. Nous avons senti dans l’attitude de départ de la délégation du Québee A la conférence sur Pavenir de la Confédération qu’elle vou- lait souligner fortement l’anachronisme cons- titutionnel dans lequel nous vivons. M. Daniel Johnson a di baisser pavillon devant l’incons- clience évidente de ses confréres des autres provinces. Espérons qu’il aura réussi 4 invi- ter les Manning, les Bonner, les Smallwood et les Thatcher a réfléchir un peu 4 ce sujet avant la prochaine conférence sur la Consti- tution qui se tiendra au début de février A Ottawa. Roméo PAQUETTE par président et les membres de L’exécutif de La Gidération Canadienne prangaise de la Colombie Buitannique ainsi que le rédacteur et L Equipe de L’ Appel souhaitent & tous leurs membres ef & tous leurs lecteurs Une Année heureuse et riche de xéalisations collectives ef indictduell «x