12 Le Soleil de Colombie, Vendredi 3 Février 1978 Du Francais en Morceaux par Roger DUFRANE Je me promenais un samedi matin, avec mon ami Francois, aux alentours de VEglise Saint-Sacrement qui, comme on sait, se situe prés du croisement de la rue Heather et dela seiziéme avenue. Le soleil brillait. L’église et l’école déserte dégageaient une atmosphére de paix accrue par le peu de trafic. Une enseigne en francais annongait la Caisse Populaire. En face, une autre, bilingue, pavoisait une épicerie 4 la vitrine garnie de bric-a-brac et de livres de poche. — Voila un petit coin de Canada Frangais, dis-je. Frangois sourit, mi-figue, mi-raisin: — Si tu veux, avec de Vimagination. Mais c’est maigre. Il se peut d’ailleurs qu’on parle frangais entre les murs des maisons. Dans la Tue on ne s'apercoit de rien. Le dimanche, a la sortie des messes, tu verras du monde qui parle frangais. Les fidéles viennent des quatre coins de la ville. Voila le probléme du francais 4 Van- couver: des morceaux de différentes couleurs semés a tous les vents! — Qu’entends-tu par 1a? — J’entends que les francophones de la région sont d’origines disparates et vivent trop éloignés les uns des autres pour pouvoir se eonnaitre. Quand un groupe tombe, comme il est arrivé récemment du “Groupe Francophone”, on se dit: “C'est la faute a nous Fran- ¢ais. Nous sommes trop divisés. Regardez les Grecs, les Ukrainiens, les Alle- mands, tout ¢a se tient, se comprend. On ne s’avise pas que la civilisation francaise a touché des peuples fort dif- férents. Va a l’Alliance. Tu y cotoieras a l'occasion des gens originaires d’Europe centrale qui parlent parfai- tement notre langue, inca- pables, malgré leur culture et quoi qu'ils pensent, d’ap- précier finement nos lettres et nos arts. Pourquoi? Parce qu’ils sentent en étrangers et non en Fran- cais. Chose paradoxale, ils admirent notre civilisation sans nous admirer a nous et ressemblent 4 ce brave bour- geois qui proclamait: “J’ai- me bien la France, mais pas les Frangais!” — Qui. Mais Francais des provinces, Belges, Suisses Romands, Canadiens-Fran- cais, on s’apparente un peu. N’y at-il pas moyen de nous unir pour constituer une force plus efficace? — Je ne pense pas. Belges et Francais, passe encore. Mais les Suisses déja ont quelque chose de germanique en contradiction avec le tempérament fran- cais. Quant aux Canadiens- Frangais, trois siécles de coupure loin de la France les ont refondus a l’image du continent nord-américain. Tu me diras que, a la Fédération, Francais d’origi- ne et Canadiens-Frang¢ais se coudoient pour la bonne cause. Ils forment une exception. Tu me parlais tantdt du Groupe Franco- phone. Sur ses dix années d’existence, on peut compter sur les doigts de la main les membres Canadiens-Fran- cais. — D’accord. Au début des activités du Groupe Francophone, les Canadiens- Francais avaient formé un groupe a eux, les copains. Ils se savaient différents des Frangais d'Europe. Enfin la langue est un ciment qui devrait nous unir. — La langue n’est qu'un outil. Les mots ne sont que de l’air que nous faisons vibrer en essayant d’y trans- fuser notre esprit et nos sentiments. Or esprit et sentiments, méme exprimés dans une langue commune, différent selon les peuples. Va au Département de fran- cais de l’Université. Des Canadiens-Anglais s’y font un point d’honneur d’échan- ger leurs idées en frangais, sans que flotte autour de ¢a la moindre graine d’esprit frangais. Des professeurs parlent admirablement no- tre langue sans nous com- prendre, ou plutét sans nous “sentir”. Ils vont a Paris, s’adressent aux Parisiens devant les comptoirs et des Un rendez-vous hebdomadaire au canal 10 LA FRANCOPHONIE AND YOU Mardia19h30 Victoria Mardi a 20h00 Maillardville, Haney Mission, Maple Ridge, Pitt Meadows: Mercredi a 22h00 Vancouver Jeudi al8h00 Prince George Jeudi a 20h00 Powell River guichets et les jugent 4 tort et a travers. — Tu démolis tout, Fran- cois, Pour construire, il faut fermer les yeux sur la com- plexité des choses. Ne pense ni aux Suisses, ni aux Luxembourgeois. tous les vents que Vancou- ver compte vingt mille fran- cophones qui n’insistent pas Clame a - tant sur l’esprit francais que sur le maintien de leur langue. Et dis-toi bien que cette langue n’est pas sim- plement un outil, mais aussi la seule arme de combat que nous ayons pour maintenir un certain humanisme con- tre le matérialisme qui, par le truchement’ de l'anglais, cherche a nous asservir. Tigres pour l’Afrique par J.M-M. Pas loin de Toulon, M. Roger De Souza entretient des bétes sauvages, se spé- cialisant en élevage de ti- gres. Selon lui, ce seraient des créatures bien sensibles, auxquelles, pendant leur en- fance, il faudrait octroyer, a part la bonne nourriture, beaucoup de tendresse. Plus tard, les félins colorés remercient l’élevage par une beauté qui dépasse tout. Cette beauté atteint un ni- veau particuliérement haut quand on les photographie dans les bras de leur maitre. Ce n’est pourtant pas seu- lement pour des raisons esthétiques que M. de Souza entretient ces bétes. II les éléve pour les vendre la ot leurs ancétres étaient. chez eux, d’ou leur genre a dispa- ru: en Inde. II les exporte en Afrique aussi, comme dans les régions ov elles sont devenues rares. Au moyen de douze tigres splendides, lesquels il envoie en voyage chaque année, il corrige, dans la mesure de ses faibles moyens, la faillite des hom- mes et les fautes de la nature. Il semble, en effet, que les hommes aient mal compris le bon Dieu. Car sa parole, selon laquelle ils devraient assujettir la terre, avec ses plantes et ses animaux, ils lont trop souvent interpré- _tée comme un droit qui les autorise a tout détruire, voire anéantir. Récemment, on a pu lire dans le Journal de l’Allemagne du Sud (Siid- deutsche Zeitung) que, de- puis le début du XVIIIe siécle, on a, en effet, exter- miné 475 genres de bétes. Chaque année, 4 en croire la méme source, voit la fin d’encore un genre, et cela a cause des malfaits humains. Actuellement, au dire de ce journal, 240 genres d’ani- maux font face a l’extermi- nation. C’est une force majeure, excédant tous les efforts de M. de Souza. C’est dans ce contexte qu'il faut considérer son activité et les effets de celle-ci. On pourrait exprimer la vue audacieuse que les ti- gres de M. de Souza sont comme des gouttes d’eau versées sur une pierre chau- de. Un petit sifflement ou aboiement, et ils disparaf- traient 4 tout jamais dans Vinfini indien ou africain, comme s’ils avaient été absorbés par la chaleur. Toutefois, dans ce cas c’est un coup de chance pour les tigres, que l’équilibre de la nature ait été perturbé. A un manque de bétes carnivo- res correspond, en Afrique, une surabondance de singes et d’ahtilopes. Les ttigres du sud de la France s’occu- - pent de ceux-ci avec une bravoure égale a celle des vieux Africains. Ils les chassent et dévorent, rem- plissant par 1a leur principal devoir, celui de restaurer l'équilibre des forces natu- relles. Pour les singes et les antilopes, cependant, la si- tuation n’est pas si bonne. A ceux-ci M. de Souza ne s'intéresse pas trop, comme il ’avoue luicméme. Comme disent les paysans dans le nord del’Allemagne, “Ce qui est pour l’un son hibou est pour l’autre son rossignol”. (Wat den en sien Uhl, is den’ andern sien Nachtigall). [traduit de allemand par Léon Hurvitz] Production minérale du Canada, 1977 $18,144,213,000 Dérivés du pétrole ) <> 0 GE O- SIT \ys ; sto Se Se ee