———--.— Lettres, Le Soleil de Vancouver,page 6,le 22 Novembre,1968 YUE) LYACADEMIE FRANCAISE Quelques mois aprés son élection le nouvel Académicien est regu solennellement sous la coupole par un de ses confréres qui a pris place a ta Tribune entre le Directeur en exercice et le Secrétaire perpétuel. -Une institution monarchique L'Academie Francaise est une des rares institutions quia survecu a la Monarchie. D'abord simple réunion de lettrés, elle recut en 1635 du Cardinal de Richelieu, par lettres patentes, son: statut definitif et se vit reconnaitre une existence offi- cielle. Balayée par la Révolution en 1793, elle fut reconstituée en 1803, devenant l'une des parties — mais la plus prestigieuse — de l'Institut de France qui comprend en outre 1'Aca- démie des Inscriptions et Belles l'Académie des Sciences, l'Académie des Beaux-Arts et 1'Aca- démie des Sciences Morales et Poli- tiques, L'Academie Francaise est compo- see de quarante membres qui se re- crutent par cooptation et qui éli- sent parmi eux un secrétaire perpe- tuel, Maurice Genevois remplit ac- tuellement cette fonction. Chaque membre occupe un " fauteuil ". Jus— quia la fin du XVIIéme siécle, les académiciens se .contentérent de chaises mais les grands seigneurs ayant exige pour eux des siéges cor- respondant mieux a leur dignite et les distinguant du reste de la Com . pagnie,louis XIV trancha le débat en offrant a celle-ci quarante fauteuils La formule " élection @ un fauteuil" est depuis demeurée en usage. L'Académie n'a compte’ jusquta aujourd'hui que 641 membres, Une institution indéfinissable Sa premiere mission est de codi- fier,en tenant compte de l'usage, la Jangue francaise et son orthographe. Elle publie a cette fin un Diction- naire dont la huitieme et derniére édition date de 1935, La preparation de la 9eme n'en est quia la lettre Cc. 0 est vrai que ltAcadémie ne se reunit en séance de travail qu'une fois par semaine: le jeudi a 15h30. IT lui revient en second lieu d'attribuer chaque année un certain nombre de prix dont les plus impor- tants sont le Grand Prix du Roman, le Grand prix de littérature et le Grand prix de pogésie, En 1967, ce dernier a ste décerné pour la pre- miére fois ‘a un compositeur de chan- sons: Georges Brassens. Ce fut pres- que une Révolution, “quelle Cependant, comme le faisait re- marquer Paul Valery, qui fut un aca- démicien illustre, L'Académie Fran- caise "ne se réduit pas dans 1'o- pinion universelle a une societé qui compose un dictionnaire et qui hono- re chaque année les mérites quitel- le distingue. Le prestige qui 1l'ac- compagne, la consecration sociale symbolise, le faste «qui ltentoure en font une institution qui n'a son parody dans aucun pays. Les fonctions qu'elle exerce n'épui- sent pas la signification que chacun donne a ces deux mots: " Académie Francaise ", En fait, 1'Académie . francaise ae indéfinissable. La tradition est reine Devenir académicien est 1'ambi- tion secrete ou avouce de beaucoup. Certains en révent depuis l'adoles— cence, d'autres déploient des trésors d'ingéniosité et de diplomatie pour y accéder. Le chemin qui conduit a l'Académie est en effet souvent dif ficile, parfois long, toujours seme d'embitches, : lorsqu'un fauteuil est déclaré vacant, les intéressés doivent Upre- senter leur candidature au Secrétai- re perpétuel, Dans des cas trés ra- res, c'est un membre de la Compagnie qui propose un nom au suffrage de ses confreres, André Maurois utilisa cette procédure pour décider Henry de Montherlant a briguer la succes— sion d'André Siegfried. La candidature déposée, commen— ce alors une longue série de visites obligatoires aux académiciens—élec- teurs afin de solliciter leurs voix ou de se faire connaitre dteux,. Puis arrive le jour ou 1 Académie se réu- nit en conclave et décide a la majo-— rite des votants d'admettre en son sein un nouvel " immortel ", Ces e- lections sont souvent disputées et il arrive que les Académiciens se séparent sans parvenir 4 faire leur choix.Ce n'est qu'taprés quatre sean- ces et seize tours de scrutin que 1thistorien Camille Jullian fut élu en 1934. Un échee ne rebute pas for- cément les: candidats malheureux qui peuvent postuler a nouveau lors dtu- ne vacance suivante, L'auteur drama- tique Porto Riche n'obtint gain de cause qu'apres plus de vingt candi- datures, le poete Fernand Gregh fut élu en 1953 trente cing ans apres sa premiere candidature, L' Académie ne se laisse pas sé—- duire aisement . mais elle n'ast pas rancunieére, Malmenée dans une de ses piéces, " L'Habit Vert ", par Robert de Flers,elle ne lui en tint pas ri- gueur et voulut bien l'accueillir. Pour etre définitivement incor- pore, 1'élection ne suffit pas, 1 faut encore se soumettre a 1'épreuve du discours de réception. Ce jour-la le nouvel académicien revét pour la premiere fois 1! habit vert ™ brodé d'or, se coiffe du bicorne, s'enve- loppe dans une cape et se mnit dtu- ne épée. Il pénetre au son des tam- bours, encadré de ses parrains et de la garde répuplicaine, criniére au vent et sabre au flair, sous la cé- lébre coupole réalisée par Le Vaux dans l'ancien collége des Quatre Na— tions construit en 1662 gr&ce aux fonds legués par Mazarin, Il y pro- nonce 1'éloge de son prédécesseur et remercie avec modestie et humili- té ses confreres de l'avoir accepté parmi eux malgre son indignité& L'un d'entre eux lui repond en insistant sur les mérites qui lui ont valu cet honneur et en nfomettant pas de lui décocher quelques: fléches au, passa— ge.Le verbe académique est néanmoins toujours courtois et mesuré, Depuis la reception de Racine en 1673, les seances de: réception: sont: publiques et constituent un des evenements les plus marquants des saisons pa— risiennes, mondaines et litteraires. ag est souvent ardu de penetrer a l'Academie. TL est impossible d'ten sortir, du moins de son vivant, Elle ntaccepte aucune démi ssion, Mécontent, de 1'élection de Littre en 1872,Mer, Dupanloup, fougueux éveque d'Orleans, adressa sa démission a la Com: gnie, Bien qu'il ne se considérat plus comme lui appartenant et qu'il sfabs- tint jusquta sa mort d'tassister aux seances,1 "Academie continua toujours a le compter parmi les siens, Ellé fit de méme avec le romancier Pierre Benoit en 1959, Un recrutement éclectique Cenacle de lettres, 1tAcademie avite cessé d'étre une compagnie purement littéraire, Peu a peu son recrutement s'est diversifie et il est devenu habituel d'y recevoir des juristes, des hommes dtétat, des ma— réchaux,des médecins, des diplomates ou des hommes d'Eglise, Aujourdthui, la Science y est representee par le Duc Iouis de Bro. glie, prix Nobel de Physique, par louis Leprince-Ringuet et Jean Ros- tand.Ia diplomatie y a sa place avee les ambassadeurs André Francois-Pon- cet et Wladimir d'Ormesson et 1'!K- glise catholique avec le Cardinal Tisserant, doyen du Sacré Collége. Jacques Rueff y fait briller la science économique et le Professeur Jean Delay la médecine psychiatrique. le cinéma y a fait son entrée en 1960 avec le metteurven scéne Rend Clair et l1*Eglise protestante en 1962 avec le Pasteur Mare Boegner, anciem président de l'Eglise Réfor— mée de France, Ia politique y fut