Le Moustique Volume 6 - 1¢ Edition > Les grandes blondes, Prix Décembre 1995 ; we m’en vais, Prix Goiicourt 1999, « J'écris des romans géographiques comme d'autres des romans historiques. II faut que ¢a bouge, qu'il y ait toujours du mouvement. C'est sans doute di a mon tempérament... » « Je ne peux pas envisager un roman sans mouvement. C'est peut-étre encore lié a ma grande sensibilité a l'ennui. Si ga ne bouge pas, d'une maniére ou d'une autre, ¢a me fige de fagon insupportable. Je ne sais pas pourquoi mais je ne peux pas concevoir un roman sans ce mouvement, sans qu'il passe par des lieux qui, s'ils n'ont pas l'air d’étre fascinants pour le personnage qui les traverse, le sont pour moi. Soit parce que je les ai vus, soit parce que je les ai reconstitués. Il faut que ces lieux possédent, encore une fois, une pertinence romanesque. Cette pertinence-la, on ne la trouve pas partout. Et je ne sais pas toujours au juste pourquoi. Ga peut étre le Pavillon des abats, par exemple, au Marché d'intérét national de Rungis. J'y arrive une nuit, au hasard d'un repérage, et je me dis aussitdét : voila, c'est ¢a. Nous y voila. Ga peut étre une ville du Nord-Est du Pérou - j'ai un peu voyagé au Pérou - ou je me suis dit : voila l'endroit. Voila un endroit générateur. Qui n'a pas seulement une existence réelle, mais qui a aussi et surtout - pour moi - une existence romanesque évidente. Je vais alors essayer de reconstituer cette fascination-la. Ce qui n'a évidemment rien a voir avec des critéres esthétiques. » (Entretien accordé a Matthieu Remy dans la revue Zooey). 10 Il présente ses quatre premiers livres comme des gammes, des exercices de littérature, comme autant de chefs- d'ceuvre au sens que donnaient a ce mot les compagnons de jadis pour accéder par I'excellence a la maitrise de leur métier. Autant d‘hommages aux livres dits «de genre», le Méridien de Greenwich, comme une imagerie du premier roman, celui qui veut tout dire de peur de ne pouvoir y revenir, Cherokee (1983), roman policier déhanché (qui recut le prix Médicis et donna prétexte a un film qui ne lui ressemblait pas), l'Equipée malaise (1986) salue le roman d’aventure et Lac (1989) celui d'espionnage, genre «Samuel Beckett contre Docteur No». Jean-Baptiste Harang (Libération) Lac, 1989. Mais la fagon la plus pertinente d'aborder l'identité postmoderne de Jean Echenoz consiste, ce me semble, a décrire la maniére dont les modalités d'écriture construisent un espace perspectiviste, lieu d'une auto- réflexion généralisée sur l'improbable histoire du roman qu'on dit "déhistorisé". L'histoire, mise en déroute par le Nouveau Roman au profit d'une description "objective" du monde (en réalité, la description est généralement une métaphore des lois scripturales) se présente comme un élément essentiel du dispositif romanesque échenozien. Comme tous les romans d'Echenoz, Lac est un vrai roman romanesque, avec une vraie histoire, des personnages, une énigme et une tension narrative soutenue en partie par une structure l'étude des mouches) est plus vraie ISSN 1704-9970 Janvier 2003 que nature. Amancio TENAGUILLO y CORTAZAR (Queste) Les grandes blondes 1995. Lire au premier degré Les grandes blondes, comme un feuilleton, procure de délectables sensations qui n'empéchent nullement de savourer ses ironiques subtilités. Bien qu'il soit difficile de surpasser les trouvailles du Lac ou de Nous trois, cette fois encore Jean Echenoz nous épate. Il faut avoir le coeur bien accroché pour accompagner Gloria jusqu'a la derniére scéne, qui reste littéralement en suspens: dans une cabine de téléphérique. Bloquée. II n'y a donc point de fin définitive. Point de chute. Jean-Pierre Tison Je m’en vais, Prix Goncourt 1999. Dans Je m’en vais, Félix Ferrer s'en va. Il quitte Paris pour le Grand Nord canadien, tient une galerie d'art, se fait voler, a une attaque cardiaque, retrouve un bateau échoué plein d'ceuvres d'art inuit, ne meurt pas, quelqu'un d'autre meurt, il aime, n'aime pas ses amours, retrouve un assassin, bref, c'est un roman de Jean Echenoz, dréle et désabusé. Il y invente des noms, construit des adverbes, joue avec les différents points de vue des conjugaisons, et donne assez de preuves du réel pour nous faire croire a la littérature. Jean-Baptiste Harang. L’exemple d'Echenoz souligne encore une fois que l’intérét d’une écriture se révéle surtout quand on va a la recherche de ses obstinations, voire de ses obsessions. Ceci vaut d’autant plus quand l’auteur n’a - dans une certaine mesure - pas grand-chose a raconter, quand il écrit plutét des livres sur rien’. Dans la forge romanesque de ses narrateurs, le sujet est donc plus proche d'une idée fixe (ou topos) que d’un contenu; c'est un motif qui a besoin en plus d’une ,particule terrestre’