Karikarissa A cette heure matinale, le minuscule village peine a s’éveiller. Englué dans la fange, tel un insecte résigné, il ne montre aucun signe de vie. Les hommes dorment, malgré la fraicheur d’une aube luisante. Suite a une nuit de pluie rageuse, martelant vigoureusement les fragiles toitures, et n’ayant eu de cesse qu’elle efit réveillé tous les habitants, I’épaisse couche d‘herbe a éléphant n’a pas suffi a protéger I’intérieur des huttes rondes. Lors de grandes averses, |’eau goutte sur les grabats, protégés au mieux de quelques pagnes usés. L’aurore, plus fureteuse, laisse enfin entrevoir une silhouette isolée, fréle et discréte, sortant de la case la plus éloignée du centre du hameau. Minata, habillée modestement pour le travail, est sans conteste la plus jolie fille du village. Fine et gracieuse, elle a une téte ronde aux traits réguliers. Pour compenser un front légérement tétu, un nez camard entre des pommettes saillantes, elle arbore un mignon menton 4 I’arrondi charmant sous un sourire tout a la fois adorable et éblouissant. Son mari, car, en dépit de son trés jeune age, elle est déja en ménage, est totalement conscient de la chance qui lui échoit et tout en étant parmi les plus démunis de cette pauvre bourgade, il s’estime cependant comblé et sous la bonne garde des ancétres. I] est encore couché sur la paillasse humide, dormant du sommeil le plus lourd pendant que son épouse, les pieds nus s’enfongant dans la molle glaise, frémit de la relativement fraiche moiteur de l’air. Dans une main, elle emporte une espéce de houe a courte manche et, sur la téte, un large panier de raphia tressé, usé par les nombreux cailloux transportés. Pour s’en aller mettre la main a la besogne, elle progresse silencieusement entre les paillotes jusqu’au coeur du village, tranché par une étroite route en terre. Elle remonte ensuite cette nouvelle voie pendant une demi-heure puis, par un étroit sentier serpentant dans la savane arbustive, elle débouche enfin sur une courte vallée séche encombrée de nombreux arbres abattus. Sur le plateau latéritique que, de sa courte vie elle n’a jamais quitté, les dépressions ne sont pas nombreuses et, celle-ci, draine les eaux de pluie sur une immense surface. Un ruissellement devenant alors, par ce goulot, un torrent furieux arrachant tout sur son passage. Les énormes troncs emmélés s’embourbent dans des vagues de terre rouge, crétées de grands blocs de quartz blanchatre. En ce lieu de tourmente figée, Minata fouille, creuse, tamise la boue, écrase et lave les cailloux pour en retirer, au bout d’une pleine journée d’épuisement, quelques paillettes d’or qui aideront son ménage a survivre les années de faible récolte.