novembre 1965 L?APPEL page 5 JEAN LESAGE A MAILLARDVILLE Si le premier ministre de la pro- vince de Québec a été bien accueilli a Vancouver et a Victoria; si son message frappait des oreilles curieu- ses, avides de savoir ce qui avait pu inciter le chef d’une province a se faire ambassadeur de la cause du Canada frangais; si la tache d’expli- quer a des auditoires de langue an- glaise les cétés positifs de la “révo- lution tranquille” devait, sans doute, comporter sa large part d’angoisse; lexpérience des quelques heures pas- sées a Maillardville a di se comparer a une escale dans un oasis. Ce dit étre pour Jean Lesage et Mme Lesage le retour 4 tout ce qu’a pu représenter de plus traditionnel Pévolution du Canada francais. La grand’messe a la plus vieille paroisse canadienne-frangaise de la Colombie, Notre-Dame de Lourdes; le repas populaire dans la salle paroissiale de Notre-Dame de Fatima; toutes ces figures réjouies, réagissant sponta- nément a toute allusion spirituelle; cette communion avec le conférencier qui fait rejeter le texte d’un discours pour le convertir en un dialogue vi- vant; quoi de plus synonime a une rencontre des membres d’une méme famille? Cest la Fédération Canadienne francaise de la Colombie Britannique qui recevait. C’était, en sorte, un gouvernement en exil qui entendait le message d’encouragement de I’é- tat-guide qui se faisait porte-parole. La présentation du Président général, M. Gérald Moreau, était moins celle du visiteur que celle de ses auditeurs. Ce fut Pexposé verbal et résumé des aspirations et des espoirs de ce petit “morceau” de peuple a l’apogé le plus éloigné de la périphérie. Ce fut Vassurance donnée a |“Homme en mission” qu'il avait notre appui. Les remerciements de l’agent de liaison, Roméo Paquette, voulurent personnaliser, dans un premier minis- tre, toute cette province-mére qu’est le Québec. En quelques paroles il fallait dire 4 monsieur Jean Lesage que nous ne pouvions pas commettre Yerreur de voir en lui un politique quelconque. Il fallait Videntifier au tournant de histoire. Il serait de bon gotit, nous croyons, de publier ici le texte de ces remer- ciements qui s’adressent autant aux organismes du Québec qu’au Premier Ministre lui-méme. TEXTE DE REMERCIEMENTS C’est un trés grand honneur, M. le Premier Ministre, que mon président me fait, en m’invitant 4 vous remer- cier. Un honneur d’autant plus grand, que votre présence parmi nous mar- que peut-étre le point-tournant offi- ciel, que les historiens évoqueront lors du deuxiéme centenaire de la Confédération Canadienne. N’est-ce pas, qu’en effet, si votre présence officielle dans nos milieux de la diaspora, crée, en soi, un pré- cédent; cette présence qui personni- fie celle de la Province que vous re- présentez, nous l’avions sentie, nous, qui nous accrochons depuis si long- temps a l’espoir, d’une facon officieu- se et variée, tout au long de notre épopée? M. le Premier Ministre, vous étes venu nous visiter, aujourd’hui, et, vous nous avez parlé avec tout le na- turel d’un membre immédiat de no- tre famille. Votre inessage a nos com- patriotes de langue anglaise, a été celui de ’homme convaincu de son mandat; mandat que tout le Canada francais ratifie, parce qu'il est la syn- thése de toutes nos aspirations. Nous voulons vous assurer, nous qui vivons au milieu de cette autre majorité dont nous ne sommes pas Il’extension, que cette autre majorité vous sera, elle aussi, éternellement reconnaissante d’avoir tracé les grandes lignes d’un Canada fondé sur son vrai caractére de dualité. Honorable Premier Ministre, si ma tache principale consiste 4 vous re- mercier personnellement de vos pa- nN roles 4 notre endroit, il est opportun, je crois, qu’a titre du chef d’état de- notre province mére, vous receviez Yexpression de notre reconnaissance au nom de toutes ces institutions et organismes; au nom, aussi de toute cette population de votre province qui, depuis déja bien longtemps, sont sensibilisés 4 leur devoir de solidarité envers ces minorités de langue fran- caise, A travers le Canada, qui, en somme, forment la base essentielle et justifient seules, l’interprétation hori- zontale de la dualité linguistique et culturelle de notre pays. Notre petite histoire a été une ré- pétition de la petite histoire de tout le Canada francais. Peuple fondamen- talement religieux, nous nous sommes accrochés, d’abord en Nouvelle-Fran- ce pour refaire nos forces dispersées par la conquéte, a des structures pa- roissiales parce qu’elles étaient les seules dont nous pouvions nous ré- clamer; puis, 4 mesure que nous é- tendions notre présence sur des ter- ritoires encore plus hostiles, celle-ci prenait cohérence autour des mémes institutions qui nous ont suivis, Les ressources matérielles, aussi bien que les hommes qui se sont consacrés a assurer la répétition de Vhistoire, c’est votre province, M. le Premier Minis- tre, qui en a été la source principale. Malgré certains signes de maturité, précoce dans bien des cas, faute de structures politiques nécessaires a tou- te émancipation pratique, nous de- vons avouer que nous dépendons en- core totalement de l’édifice paroissial pour vivre collectivement. Sur le plan social, nos associations doivent leurs outils de travail a la province-mére. Sans cet apport con- tinuel, il serait impossible d’entre- prendre des projets pratiques visant a nous insérer, avec notre propre i- dentité, dans la société civique qui nous entoure. Nous voulons souli- gner le dévouement incessant du Con- seil de la Vie Francaise, qui a son siége social A quelques pas de votre parlement. C’est ce Conseil, qui, au nom de la Fraternité Francaise d’A- mérique, nous permet de soutenir un secrétariat. Il ne faut pas garder non plus, sous silence, T’effort fourni par une autre institution Canadienne francaise, celle du mouvement Desjardins. Fidéle, lui aussi, 4 sa mission de relever écono- miquement le Canada francais, en plus de stimuler l’expansion des cais- ses populaires, méme dans nos mi- lieux, par Yentremise de ]’Assurance- Vie Desjardins, il a donné a nos asso- ciations provinciales une formule col- lective appelée Plan de Sécurité Fa- miliale, qui, éventuelement, rendra possible la viabilité matérielle de nos services. Peu d’autres institutions financiéres Canadiennes francaises ont prolongé leurs responsabilités sociales jusque chez nous, Il est vrai que le mouve- ment Desjardins est inséré dans lhis- toire de l’émancipation en puissance. D’autres suivront son exemple, nous Yespérons. Quand a votre propre gouverne- ment, M. le Premier Ministre, nous le félicitons d’avoir créé un Ministére des Affaires culturelles et de l’avoir doté, immédiatement, d’un Service du Canada - francais d’outre - frontiéres.. (suite a la page 9)