VOYAGES Le Soleil de Colombie, vendredi 2 décembre 1988 - 11 Par Jean-Claude Boyer Thailande, le 13 juin 1985. Depuis une semaine, j’habite une auberge propre située dans une petite rue «infestée» de touristes. Je couche dans un dortoir mixte d’une vingtaine de lits € 2$ chacun. Mon sac a dos est enchainé a plusieurs autres sous un escalier dans la salle de réception, bien en vue. En me levant, ce matin, je m’y rends chercher quelque chose. Mes souliers de marche (90$) ont disparu. J’avais pris un risque de trop. Apres |’«American breakfast», jemejoins aun autre Canadien, une Suisse allemande, un Belge et un Danois pour aller rendre visite a des prisonniers étran- gers dont la liste est affichée dans la salle de réception de l’auberge. On incite ainsi les touristes a faire une B.A., apportant a ces_ infortunés réconfort et objets divers (fruits, cigarettes, journaux). Le mes- sage affiché conseille au visiteur de se choisir un nom de détenu en particulier, Je choisis «Michael Maloney» d’Hamilton (Ontario). Mes compagnons, pour leur part, choisissent un Italien, un Hollandais et deux Anglais. Et nous voila sur le Chao Phraya, un des bras du Ménam, dans une embarcation de dimension moyenne en route pour la prison Bang Kwang. Arrives . & _proximité du pénitencier, lugubre a souhait, nous nous rendons a un magasin pour y remplir un sac de gateaux, fruits exotiques, cigarettes, journaux, revues. A l’entrée de l'institution, nous remettons a un préposé la liste des prisonniers choisis. Inspec- tion des passeports et fouille systématique. Un officier m’en- léve mon appareil-photo. On nous incite a suivre un petit chemin bordé de fleurs rouges. Nous nous dirigeons vers une sorte de cléture dont la partie supérieure est faite de barreaux recouverts de fils de fer disposés en carreaux. De |’autre cété, a quelques métres, se trouve une autre division semblable derriére laquelle les prisonniers, sans _ uniforme, viennent se tenir debout. Entre les deux, un gardien fait les cent pas, comme une béte en cage. Trois Italiens viennent s’ajou- ter aux détenus déja en train de converser, a voix forte, avec leurs visiteurs. Puis un Hollan- dais, un beau grand blond aux yeux bleus, s’avance. C’est a lui que je m’adresse d’abord. Il purge depuis 9 ans une peine de’ 39 ans pour trafic de drogue. (Les quelque 7 000 détenus de cette prison sont tous condam- nés pour trafic de drogue et tous a plus de 25 ans.) Le Hollandais se montre loquace, comme les autres d’ailleurs. Je ne retien- drai de ses propos que ceci: «...Nous devons payer pout tout, y compris l’eau. Au début Je buvais l’eau du robinet mais j'ai fini par attraper la typhoide». _ Ses yeux sont vitreux mais ceux des Italiens le sont davantage; jy vois une tristesse indéfinis- sable. Michael arrive, l’air décontrac- té. Je me présente. «Cest /a premiére fois que j’entre dans une prison», dis-je. Il me répond - Récit d’un tour du monde Un prisonnier a Bangkok sur un ton taquin: «Moi aussi!» Notre conversation se poursuit simplement, passant parfois du cog a l’ane. En voici quelques bribes. «Jai été condamné a 33 ans et 4 mois pour trafic d‘héroine. Je suis ici depuis pres de cing ans... Le gouvernement ne dépense qu’environ 50 cents par détenu par jour. Il ne nous paie méme pas duniforme. Ce sont les familles, les amis et les visiteurs qui subviennent a nos besoins... J'ai 6tudié jusqu’a 25 ans. Cen est qu’a cet age-/a que jai commencé a toucher a la drogue. L’année suivante, au cours d'un voyage en Asie, je suis tombé amoureux d'une Thailandaise prise de tuberculo- se... Je me suis vite retrouvé complétement fauché. Crest alors que j'ai décidé de faire un coup dargent, en revendant quelques centaines de -gram- mes dhéroine, pour nous permettre,' ma fiancée et moi, daller nous installer au Cana- da...» Michael poursuit son récit pathétique a l’aide de mes questions bréves, discrétes. «J avais 26 ans ; je savais ce que je faisais. Je mérite mon chatiment... Je suis respecté ici parce que j'ai fait des études poussées en art culinaire. Je travaille a la cuisine pour 200$ par mois. Mais c'est précisé- ment parce que j'ai ce revenu régulier que je me fais parfois «écoeurem plus que les au- tres... Je parle maintenant le thailandais couramment, ce qui agace les gardiens de temps en temps... Le médecin de l'ambassade canadienne ne vient qu’a tous les 6 mois. Je nachéte plus de médicaments parce que je finis toujours par me les faire voler... Je me sens faible... On m’aime parce que j'ai le sourire et la rigolade faciles, mais il m’arrive souvent de pleurer la nuit...» Son regard devient infiniment triste. Je ne sais plus quoi dire. J’observe en silence cette belle téte jeune, intelligente. Nos yeux se fixent un bon moment. Les siens crient si fort qu'il me semble n’entendre qu’eux. «Je ne veux pas 6tre transféré au Canada, continue Michael; je ne pourrais plus revenir en Thailande et revoir ma fiancée... Je préfére rester dans cette vieille prison sans jamais sortir dehors, sans sport, sans télé ni radio ni téléphone ni journaux. On a accés a 10 000 livres mais on sen fatigue vite. Pour résister a la tentation du suicide, je m’accroche al‘espoir de sortir plus tét et a une certaine amitié qui se crée entre nous. Heureusement, aussi, qu'on nous permet d‘envoyer et de recevoir des lettres libre- ment.» Les conversations animées semblent vouloir enterrer la nétre. Nous échangeons un moment du regard, sans dire un mot. «// y a quelques années», ajoute Michael, «des prison- niers ont fait la gréve de la faim pendant 14 jours pour tenter d'améliorer les conditions de détention. Ils ont tous été isolés. La solitude a eu raison de leur courage. Cette tentative n’ariendonné... Lorsque j'ai été transféré ici, en 1981, les gardiens avaient un certain contréle sur la drogue. Aujour- d hui, ils. sen fichent compleéte- ment. C'est devenu une routine quotidienne. Si tu n’en es pas esclave en entrant ici, tu le deviens vite. Jen’ai pas fumé de hash depuis deux semaines ; j'ai perdu l'appétit depuis ce temps-la... Ma couchette est dure et étroite dans une cellule bondée... Je me perds souvent dans des réveries sans fin qui ménent nulle part...» Mes quatre compagnons et moi devons bientdét quitter les lieux. Je fais part 4 Michael du sac de provisions que nous camarades. II nous remercie en ajoutant qu’il donnera sa part & un codétenu qu’il montre du doigt. «Ce type-la en a plus besoin que moi», me dit-il. Je lui fais mes adieux. Il me remercie de lui avoir rendu visite, un certain sourire aux lévres mais une profonde amertume dans les yeux. Sur le chemin du retour, mon compagnon belge, qui ne comprend pas plus l’anglais que le chinois, me demande de lui résumer par écrit (en frangais) les propos de «mon» prisonnier. Je le fais volontiers, en style télégraphique, évitant d’ajouter mes propres impressions au Michael. : De retour dans la petite rue de notre auberge, attablons tous les cing pour déguster des plats thailandais, a base de riz et de nouilles, et discourons sur les petites et grandes tragédies vécues dans l’univers carcéral. Les jeunes prisonniers a qui nous venons de rendre visite nous font prendre davantage conscience, bien malgré eux, de la précarité de notre condition humaine et, par le fait méme, de la chance que nous avons de voyager librement a travers le monde en découvrant chaque jour des horizons nouveaux. avons apporté pour lui et ses _drame de la vie desséchante de & | ) = Qu’est-ce qui est vert, et s’étend ote a l’aut d’une céte a |’autre ? Les deux milliards E de jeunes arbres ee = ie ans. lantés en "est des bonnes Golombie-Britan- nouvelles pour la nique au cours des Colombie-Britanni- 50 derniéres annéés sie et ces a 000 représentent ommes et femmes Paraibalbae d’une employes dans notre bande de secteur de plus de reboisement large $1 are de de 3 km couvrant produits forestiers, létendue du une industrie Canada. croissante dela C.B. Cette année, la Pour de plus ‘Colombie-Britannique a reboisé plus de 169,000 acres avec un record de 200 millions de jeunes repousses. Ce qui fait deux nouveaux arbres pour un abattu. A ce rythme, nous verrons un autre deux billions de jeunes repousses plantés en V8V 1X4. peéfi 90 aw a Ensemble pour une C.B. plus dynamique que jamais amples informations sur le programme de reboisement de la C.B., veuillez consulter votre Député, votre Agent gouvernemental ou écrivez a l’Hon. Dave Parker, Ministre des Foréts, Edifice Parlementaire, Victoria, nous nous | Pn hn,