était ouvert d’une main leste. Ses « entrailles », mises dans des corbeilles, prenaient rapidement le chemin de la cardeuse action- née par monsieur Lambert et alimentée par son épouse. Une fois cardée, la laine, qui avait triplé de volume, était répartie uniformé- ment sur la toile. Entraient alors, en danse, aiguilles recourbées et a brider. Les mains expertes de nos cardeurs avaient tét fait de remettre « le patient » sur pied, pour notre plus grand _ plaisir et... confort. Vers la Saint-Jean, arrivaient les Gitans qui établissaient leur cam- pement dans un champ, a l’entrée de la commune, pour quils puissent faire paitre leurs chevaux. Leur venue se répandait comme une trainée de poudre. « Les Gitans sont arrivés! Les Gi- tans sont arrivés, criions-nous, au sortir de l’école. » Avec eux, pas de clochette, de clairon ou autres. A peine installés, ils par- couraient les rues, s’arrétant a chaque porte pour offrir leurs servi- ces, qui allaient du rempaillage de chaises, au rétamage d’ustensi- les de cuisine de fer ou de cuivre. On trouve bien le mot rétamer dans le petit Larousse, mais je crois que bien peu, aujourd’hui, en connaissent la signification. Pourtant qu’aurions-nous fait si, périodiquement, les ustensiles de cuisine navaient été rétamés? La couche d’étain dont ils étaient recou- verts s'enlevait a l'usage, mettant a nu le fer qui rouillait et déga- geait, méme bien lavé, une écceurante odeur de rance. Les Gitans a peine annoncés, ma mére m’envoyait a leur campe- ment. J’emportais, dans un panier, les cuilléres, les fourchettes et autres ustensiles qui nécessitaient leurs soins. Arrivé sur les lieux, je remettais le panier a la femme du rétameur qui établissait la liste de son contenu et, au bas, me faisait inscrire mon nom. « Va tasseoir, me conseillait-elle, ga ne va pas étre long! » Voir travailler le rétameur, était tout un spectacle. Bien qu’il ait été rudimentaire, le gros soufflet de la forge, actionné par un aide, produisait un courant d’air suffisant pour porter au point de fusion, rétain du creuset. Les objets de petite dimension, comme les cou- verts, avant d’étre plongés dans le métal liquide, passaient quel- ques minutes dans un bain d’acide chlorhydrique, pour étre déca- pés, favorisant la prise du métal argenté. Et, du creuset ou elles s’étaient refaites une beauté, cuilléres et fourchettes allaient dans 8