6, Le Soleil de Colombie, 16 Janvier 1976 Bonjour tout 1’monde! Pas trop fatigués aprés avoir tant fété! Chanceux ceux qui ont pu se rendre dans 1’Est pour les Fétes. Ca fait toujours du bien de revenir voir les monta- gnes par exemple. En tout cas, en tant que citoyenne francophone de la Colom- bie, j’ai décidé de prendre une bonne résolution cette année. . .je vais essayer de faire ma part pour contri- buer 4 la publication de no- tre journal enenvoyant des articles. J’espére que jene serai pas la seule 4 le fai- re. Si on veut un journal in- téressant, il ne faut pas s’asseoir et attendre que quelqu’un d’autre fasse tout pour nous. Aujourd’hui, j’aimerais vous publier un poéme de Raymond _ Le- blanc, Nouveau - Bruns- wick. Salut! Pierrette Savoie Enderby, CB. ACADIE S’il m’est difficile de vous vivre En mon tangage d’horizon Gens de mon pays Chimére sans frontiéres et sans avenirs C’est que je suis trop petit Pour vous faire renaftre en moi - Hommes sans visages Femmes sans seins Enfants sans langage S’il m’est douloureux De vous tendre mes deux mains Pour vous rejoindre vous toucher Od que vous soyez C’est que vous 6étes trop loin Et dispersés partout Gens de mon pays Dans l’absence de vous-mémes S’il m’est impossible 4 cette heure De danser avec vous Au rythme d’une gigue A vos chansons de folklore Gens de mon pays Ne m’en voulez pas Je songe 4 vos illusions Et 4 vos réves qu’on étouffe S’il m’est angoissant de vous regarder Droit dans les yeux Au cadran du soleil déplacé Divisant le jour C’est que l’Acadie vous berce En ses souvenirs En ses ombres En sa nuit Irréelle symphonie Gens de mon pays Sans identité et sans vie. Raymond LEBLANC -=VOYAGE= Notre ami Léon Hurvitz rentre d’un voyage dans V’Est et a bien voulu nous communiquer ses impres- sions; nous vous donnons ci-dessous quelques ex- traits de son récit: Comme je vous Il’ai in- diqué dans ma _ derniére lettre, je suis parti en train pour Montréal. A cause du froid,. les engins ont gelé plusieurs fois en route et l’on est arrivé A Montréal avec cing heures de retard.. Cela veut dire qu’un voyage qui aurait da prendre 36 heures en a pris 41! Quand le train arriva 4 Montréal, la tem- pérature était de moins une trentaine de degrés. A la station de taxis, il n’y avait qu’une seule voi ture, tandis qu’on aurait Par Léon HURVITZ pu s’attendre A toute une foule. Je demandai au chauffeur (en anglais je l’avoue) de me. conduire 4 l’Hotel Berkeley. A peine sa voiture mise en mou- vement, il ouvrit sa ra- dio pour écouter une é- mission francophone. LH: Pardon, m’adresser A vous en francais dés le commen-- cement, mais vous nous connaissez, nous autres, anglophones. Nous suppo- sons que tout le monde com prend l’anglais et le parle. Chauffeur: N’importe mon- sieur. Je comprends les 2 langues - D’od venez-vous. LH: De Vancouver... Ch: Et vous @tes ici pour combien de temps - LH: Je pars demain pour New-York - jfaurais dQ-— Je viendrai Ch: Ecoutez. vous chercher 4 1’heure que vous_ spécifierez. Autrement vous ne serez pas certain de trouver un taxi, il fait tellement froid. LH: D’accord... A V’hdtel, je demandai 4 la caissiére ‘‘quelle lan- gue voulez-vous que je parle. - N’importe, j’en plusieurs - parle elle dit au portier: Vou- lez-vous conduire Mon- sieur 4 sa chambre. Ce- lui-ci parlait un francais excellent, marqué pour- tant par un certain accent. - Evidemment, vous n’étes pas Montréalais. - Non monsieur, je viens du Maroc. - Vous @tes donc arabe. - Non, monsieur, je suis juif. Le lendemain, je deman- dai au caissier, anglopho- ne polyglotte, quelle pour- rait étre la nationalité du chauffeur de taxi quim’a- vait amené la veille. Pour ma part, dis-je, je suppose que c’est un Italien. - Moi, je le prends pour un Slave. - Bon, quand il reviendra, je lui poserai cette ques- tion. © : En route pour Dorval, je lui posai en effet la ques- tion et il me répondit qu’il était Bordelais... Une autre expérience. A ma premiére soirée, je de- mandai 4 la préposée au bar de me suggérer un bon restaurant. Elle me suggé- ra ‘‘Tiffany’’, ot la cuisine était du niveau le plus éle- ve (et les prix aussi). Prés de moi était assis un cou- ple causant enfrangais. La dame était évidemment québécoise, quant au mon- sieur, j’étais prét A le prendre pour un Francais, lorsque le maftre-d’hdtel, s’approchant, leur deman- da; ‘‘Désirez-vous un apé- ritif. : Le Monsieur: belge - Le Maftre-d’hdtel: Oui M. Le Monsieur: Moi aussi - (It takes one to know one, pensai-je). En sortant, je dis au maftre-d’hdtel que Nombr vent, A cause du Vous étes" eux sont-ils qui pendant le tem ee re ee ee re ne oa a a a je l’avais entendu dire qu’il était belge et que 2 —des plus grands savants en é- tudes boudhiques, auxquel- les je m’intéressais, moi aussi, étaient belges. J’a- joutai que j’étais moi- méme américain, mais en train de devenir canadien. - Moi, non, je garde ma nationalité belge, car jen’y reste pas pour toujours. Je suis un peu nomade. - Or il ne vaudra pas la. peine de revenir quand je serai 4 Montréal. - Mais si, car j’y serai au moins pour 2 ou 3 ans. - Je n’y retournepas quand méme. ( Les prix, chers Mesdames et Messieurs). Au vestiaire, quand j’étais sur le point de sortir, la jeune femme qui avait pris mon pardessus et 4 qui je n’avais adressé qu’une dizaine de mots, me de- manda, en me rendant mes affaires; ‘*De quelle natio- nalité é@tes-vous, mon- sieur. Encore une expérience. A un endroit dont j’ai oublié le nom, le train se divise en 2, une moitié se rendant 4 Montréal, l’autre & To- ronto. Le changement eut lieu pendant la nuit, quand tout le monde dormait. Le lendemain matin, quand j’entrai dans la voiture -_ restaurant, le personnel é- tait tout nouveau - et fran- cophone -. Un membre de ce personnel s’approcha et s’adressa 4 moi en un an- glais qui ne différait point du mien, 4 part une trés, trés faible trace d’ac- cent. Quand je fus sur le point de quitter la voiture, je lui dis: **Your english is no different from mine, ‘but you have a faint tra- ce of un accent, that sounds French to me. Are you, in fact, French. - French all the way. - Vous permettez donc que je vous parle en mon fran- gais, bien que celui-ci soit distinctement inférieur 4 votre anglais. A partir de ce moment, ce serveur ne me parla plus en anglais; méme quand je lui posais une question en anglais, il y répondait en frangais. Quelles lecdns peut-onti- rer de ces expériences. Il faut dire tout d’abord que j’étais allé 4 Montréal avec deux intentions, celle de parler francais le plus pos- sible et celle de me sentir bien en le faisant. Je me suis senti obligé, en vue de ne pas @tre coupable d’une grosse hypocrisie, de vi- vre le bilinguisme, de par- om Ein en +. er wee ee ps des Fétes se rendent au Québec mais sou- climat, les revoici revenus trés vite en Colombie-Britanique. ler anglais 4 ceux qui étai- ent évidemment anglopho- nes. A mon grand plaisir, ceux-ci me répondaient toujours en francais. Par exemple, au Bar de 1l’H6- tel Berkeley, j’ai mené une trés agréable conver- sation avec un Québécois et une Québécoise, qui avaient un accent local bien pro- noncé, mais nous nous comprenions facilement. Ces événements merap- pelérent des expériences d’une autre sorte, que j’a- vais faites & New-York vers 1950. J’habitais 4 la Maison Internationale, ot se trouvaient plusieurs Ca- nadiens, y compris quel- ques-uns de langue fran- gaise. Les Franco-Cana- diens de ce temps-1a évi- taient tous ceux qui n’é- taient - pas également franco-canadiens. Ils évi- taient les Francais, Bel- ges, Suisses, méme les Nord-Africains de langue frangaise - évidemment parce qu’ils avaient honte de leur accent québécois. Quand un anglophone (moi par exemple) s’adressait 4 eux en vue de_ pratiquer son francais, ils lui ré- pondaient en anglais. (Il faut bien ajouter qu’il ya vait, parmi eux, quelques- uns qui parlaient un anglais de la plus haute qualité, - mais ceux-ci constituaient une. minorité.) - Je souhaite toujours que le Canada devienne un pays bilingue, mais je ne sais s’il le deviendra. Aprés les expériences décrites ci- dessus, je suis certain que, maintenant plus que jamais, le Canada anglo- phone aura 4 faire; face au fait francais, 4 1’ac- ‘ cepter - et 4s’en accom- moder. ESPOIR J’ai le godt d’un livre en cuir d’automne qui me raconterait ton coeur _ Tes amours.-en paragraphe _» Tes ennuis en feuille blanche Tes larmesen point virgule Mon doigt ferait la nuit Et tournerait L’un aprés l’autre Tés jours en page Plus de secret,plus de parole jacqueline nacfaire