PF i ame ce! 3 wa Lo gene ete, oa er 5 ag sa — a - — Une — certaine jeunesse par Roger Dufrane Quand Robert Brasillach publia ‘*‘Notre Avant- Guerre’’, il avait trente- deux ans, y évoquait ses vingt. ans, et ignorait qu’il n’atteindrait pas la quaran- taine. Ce livre, tout bril- lant du soleil de la jeunesse virant peu 4 peu vers le so- leil rouge d’une politique violente et de la guerre, symbolise le destin tragi- que de son auteur. Pourquoi fallut-il que l’esprit de parti vint obnubiler cette belle intelligence et souiller les images de ce poéte? Gardons-nous, ici, d’élu- cider ce mystére. Laissons la politique pour l’art et évo- quons la jeunesse de l’en- sorceleur. Sonenfance, toute proche de lui encore, il la baigne de lumiére gaie. Et cet éclairage, par les dons du styliste, nous paraft aussi éloigné de lui que de nous. Parlant de 1930 en 1940, l’auteur semble ressusci- ter un passé dés longtemps révolu.e C’est 4 dessein qu’il adopte ce tour. La guerre, irréparable rupture, a jeté ce qui précéde dans un au- tre Age. D’autre part, hors la politique, Brasillach re- mue des idées esthétiques et littéraires toujours pré- sentes ; et il fait défiler dans ses souvenirs de jeu- nes personnages devenus au- jourd’hui grands écrivains. De 18, une oeuvre curieuse, surannée en méme temps qu’actuelle. L’année 1925, Robert Bra- Sillach, agé de seize ans et demi, est venu s’inscrire a Louis-le-Grand, afin d’y préparer le concours de Normale Supérieure. Paris, d’abord cité étrangére aux yeux de ce Catalan frais dé- barqué, le toucha bien vite par sa vie multiple, ses pierres et ses verdures. Brasillach, sur la rive gau- che, a noué d’intéressantes relations : Thierry Maulnier et Maurice Bardéche, deux éminents critiques d’aujour- d’hui, Georges Blond, histo- rien et chroniqueur, Roger Vaillant, romancier et mo- raliste. Avec ceux-ci et de charmantes jeunes filles, dont Marguerite Neel, future épouse du caricaturiste Jean Effel, Brasillach vécut des heures dorées. On canotait, les matins de printemps, au Bois de Boulogne. On écou- tait, les soirs d’été, des dis- ques de Marlene Dietrich sur la pelouse de 1’école. On revoyait, dans les ciné-- ‘de promesses. clubs, les féeries de Geor- ‘ges Méliés, les images bru- meuses de Fantémas, le Cui- rassé Potemkine. Qu’il était charmant, le Paris de ce temps-1a ! La France, guérie des blessu- res de 1914-1918, relevait Sa téte toujours jeune, rieuse Les Pari- siens mangeaient en gour- mets, visitaient salons et musées, acquéraient des li- vres de luxe, et passaient leurs vacances 4 Cannes ou & Chamonix. En ce temps- 1a, les habitants de Sures- nes ou de Saint-Cloud s’em- barquaient en bateau-mou- che pour se rendre, au filde l’eau, 4 leur travail, du cdté des Halles, ou par-dela. Le soir, la Tour Eiffel s’illu- minait de la réclame de Citroen. Vers la Noél, la ville-lumiére rutilait de mille feux. Petits et grands LSS eee — A til “ow, on % any ToS Neen 2G \ BS s’ébahissaient devant les “| trines de la Samaritaine, o chatoyaient des autos élec- triques, ‘‘taille garconnet’’ et d’un bel émail bleu ; et ot des pullman en minia- ture s’enfoncaient dans ‘unl tunnel de montagne pour res- sortir dans une autre vitrine.| Robert Brasillach a sans} doute connu tout cela. Mais il a aussi hanté le Paris obscur des noctambules, celui des ‘*aprés le théatre’’. On longe avec un Ou deux copains les! rues désertes. On parle de Jeanne d’Arc, interprétée sur scéne par Ludmillaf Pitoeff, a l’écran par Madame Falconetti. On dis- cute de poésie pure. Et le réve des jeunes gens monte qu long des fagades grises, la-haut, tout la-haut, vers le sillon bleu od clignent les étoiles. — Hélas, il faut toujours quitter les étoiles | La pa- nique de Wall-Street, 4 New- York, en 1929, 1’écroulement du Marché mondial, les Camelots du Roi, le Front populaire, la montée des dic- tatures, la guerre d’Espagne en 1936, ont jeté la jeunesse, une certaine jeunesse, dans des camps opposés. Robert Brasillach allait se four- voyer dans une doctrine ex- tremiste et le payer de sa vie. Nous voudrions oublier le croisé d’une politique de force et d’intransigeance, en faveur de l’essayiste lucide et du poéte €mouvant A qui} nous devons tant de belles pages ot rayonnent les feux de la jeunesse. Vivat !Vivat Regina! Li Jennifer Lufham. Suivant la vogue contempo- raine pour les sujets histo- riques, cette piéce ‘‘Vivat ! Vivat Regina !?? de Robert Bolt, traite du célébre conflit entre deux reines qui ne se sont jamaisrencontrées, Elisabeth d’Angleterreet Marie, Reine d’Ecosse. Ce spectacle passe actuel- lement au Piccadilly Theatre de Londres, avec en téte de la distribution, Margaret Tyzack et Judy Parfitt. La premiére, quiinterpréte Elisabeth, nous est déja con- nue ; elle était la soeur de Soames dans le ‘‘Forsyte Saga’’. Le décor et les costumes, resplendissants et authenti- ques, Des panneaux blasonnés tournent, et nous transpor- tent des cours anglaises ou francaises, en Ecosse. Les événements se dérou- lent ainsi, sans interruption. Marie, qui est reine depuis Sa petite enfance, croit fer- mement au droit divin, cet attribut royal, source de conflits, pour lequel mourra plus tard son petit-fils, Charles. Elle a regu une éducation catholique et son premier mariage avec le Dauphin de France, la lie encore plus étroitement A Rome. sont de Carl Toms. Elisabeth, chef de l’Eglise anglicane, se dresse contre elle et redoute ses préten- tions au trone d’Angleterre. La lutte qui se développe est fondamentale ; deux re- ligions, deux pays, et deux personnalités. Marie, aussi fiére et intel- ligente qu’Elisabeth, se lais- se dominer par son émoti- vité, tandis que sa cousine agit toujours avec réflexion. A seize ans, Marie est reine de France et l’épouse d’un syphilitique. Le jeune roi meurt peu aprés et Marie regagne 1’Ecosse ot de rudes lords se moquent de ses ma- niéres raffinées. Elle s’éprend follement d’Henri, lord Darnley, qui est beau, mais rustre. Cependant, Eli- sabeth sacrifie son grand amour pour Dudley, Earl of Leicester, 4 son devoir de Reine. C’est le conseiller d’Elisabeth, l’habile politi- cien Cecil, qui lui interdit toute défaillance féminine. Elle ne se mariera jamais et elle semble envier Marie qui a aimé et A été aimée plusieurs fois dans sa vie. Le petit garcon que Marie | mettra au monde, James, deviendra Roi d’Angleterre et d’Ecosse, unissant fina- lement ces pays ennemis. Marie est vite fatiguée de son nouveau mari et ne le laisse pas gouverner. Elle ne lui pardonne pas sa par- ticipation dans le meurtre de David Rizzio, son ami musicien, qui a eu lieu sous ses yeux. . Bientdt, un autre homme entre dans sa vie. Sensuel, brutal et fascinant, James Bothwell est, dit-on, l’incar- nation du Diable. Toutefois, les scénes entre Marie et Bothwell (interprétés par Judy Parfitt et David McKail) sont traversées par des cou- rants électriques. Marie se laisse dominer par son amant et lorsqu’il lui de- mande de le seconder dans un complot, elle oublie son devoir de reine et lui obéit. Elle cherche et raméne A Edimbourg sonm ari, Darn- ley, quise rétablit, aprés une grave maladie. Le rassurant et le cajolant, elle le méne A une maison isolée, que Bothwell fait sauter dans la -huit, avec de la poudre A canon. Darnley périt, pen- dant que Marie danse avec Bothwell. Elle s’est rendue coupable aux yeux du monde, et, au lieu de répudier publique- ‘ment Bothwell, elle le dé- clare innocent et l’épouse, peu aprés. - Toute l’Ecosse est scanda- lisée, John Knox se réjoui et les lords chassent Marie et Bothwell. Aprés quelques contretemps, Marie passe 1 frontiére anglaise et deman- de grace 4Elisabeth. Erreur fatale ! Elisabeth suit les conseils de Cecil et arréte sa rivale. Dix-huit longues années s’écoulent pour Marie, emprisonnée. Elle passe son temps 4a intriguer et & envoyer secrétemen ides lettres aux catholiques.| ' Finalement, Elisabeth doi mettre un terme 4 ce lon jeu d’attente. Son agent de sQreté, Walsingham, veut faire tomber Marie dans son propre piége. Voulant d’abord détruire son coura- ge, il lui Ote ses priviléges et ses servantes, et lui mon- tre que son fils James 1’al abandonnée. ~ | Ce moment est bien tou- chant ; Marie revoit le jouets et les lettres quin’on jamais été expédiés 4 so fils, lointain, et qui se sont accumulés au cours des an- nées. N’ayant plus rien 4 perdre, elle se laisse prendre et si- gne une lettre de complot qui parviendra directement 4 Elisabeth (ici, le drama- turge a adapté les faits his- toriques). (Suite page 9), cok VIII, LE SOLEIL, 27 AOUT 1971