Le Soleil de Vancouver, I9 decembre 1969

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~ Les surprises du destin

Un conte de Noél

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Pit v Le (MA

Gérard et Géraldine,tous deux o-
riginaires de la France de 1'ust, s'é-
taient @tablis au Canada, a Vancouver
plus précisement, Mariés depuis deux
ans,ils demeuraient dans ce coin agré-

able du monde Nord-Américain pareils

a deux amoureux charmants sortis d'un
dessin de Peynet,

Leur petite maison du quartier
de la paroisse du Saint-Sacrement re-
gardait de ses fenétres vers la ville
et la montagne, et abritait derriére
ses rideaux leur vie calme, coupée de
longues promenades en toute saison,de
quelques visites d'amis, et de leurs
occupations professionnelles,lui dans
une Ecole privée out il enseignait le
francais; elle au Bureau de Tourisme
oa son accent et son minois lui atti-
raient parfois des déclarations, aux-
quelles elle ne répondait que d'un
sourire,Seul son Gérard l]'intéressait;
et aussi, depuis quelques semaines,la
promesse qu'il lui avait faite d'une
jolie voiture pour cadeau de Noél.

Is en parlaient en ce dimanche
de novembre, le front contre la vitre
dtou ils voyaient, sous un soleil fri-
leux, les derniéres feuilles s'"en al-
ler aux quatre vents,lorsque retentit
une corne d'tauto a la porte d'entrée,

C'était Albert, dans une Jaguar
rouge et fringante.I. venait de louer
la voiture dont il claqua la portiére
d'un geste désinvolte, "Essaye-la,dit-
il & Géraldine.En attendant,Gérard et
‘moi nous causerons", Geraldine prit

Ses gants, son manteau et son permis ‘

de conduire;et vroumfelle disparut au
tournant, :

En attendant la jeune femme, Ge-
rard et Albert, derriére un verre de
chartreuse, évoquérent les frasques
dtantan,"Te rappelles-tugisait Albert,
lui aussi venu tenter sa chance au Ca-
nada,la bagnole du directeur empruntée
un dimanche et qu'il nous a fallu a-
bandonner dans les champs?""Gérard se
rappelait fort bien, Mais le Gérard
dtautrefois lui paraissaTt avec le re-
cul un autre. Non! Ie gaillard qui
"staccointait" avec Albert pour voler
des voitures et les ramener le soir
au lieu du larcin; le don-juan de dix=
huit ans qui embrassait les filles
sous les porches, ce n'était pas lui!
ou du moins c'était un lui-méme dont
sa femme eut 6té fort Stonnée.Et pour-
tant,tout rangé qu'il fut aujourd'hui,
il souriait avec indulgence aux incar-
tades que savait si bien évoquer ce
sacré Albert,

‘On entendit claquer une portié-
re,Gérard s'avanca vers la fenétre.Gé-
-raldine déji! Et en taxi!Que s'est-il
passé? Un instant plus tard,Géraldine,
sans manteau,sans gants, se jetait en
pleurant dans les bras de son mmari,

par Roger DUFRANE

See Soe eae a Oe oe a

"Et la Jaguar?" demandérent en méme
temps Gérard et Albert,"Légérement en-
dommagée!Zmmenée au garage!" avoua Gé-
raldine entre deux sanglots,Albert,em-
barrassé par la tournure des événe-
ments, prit congé en bafouillant la
promesse d'taller se rendre compte des
dégats.

Gérard s'efforga de consoler sa
femme, Peu a pev, l'aventure prenait
corps, Géraldine avait bel et bién @-
crasé la Jaguar contre le mur d'une
maison,Et la compagnie d'assurance se
refusait 4 couvrir les frais dans le
cas dtune voiture prétée a une tierce
personne,

Gérard se laissa tomber sur une
chaise, longtemps, il se tint la t@te
dans les mains, Puis il parla:

"Pourquoi avions-nous’ besoin
d'une voiture?je travaille 4 deux pas
dtici,Et d'ailleurs la voiture aurait
détruit le charme de nos promenades,
quant aux voyages, rien n'empéche de
les accomplir en chemin de fer. Du dd-
ine du Canadien National, on croit cou-
rir Ala pointe des sapins. Et pour
les expéditions plus lointaines, n'a-
vons-nous pas l'avion?L'avion si doux
et qui nous dépose comme dans un réve
au cocur d'un autre monde? Ecoute, Gé-
ralcine! Tous frais déduits de la voi-
ture, il restera assez dtargent pour
partir, «ue penses-tu d'aller surpren-
dre la fanille en France2Notre Iorrai-

ne est belle sous la neige, Te rappel-

les-tu le Pére Jossequin, vaétu de sa

“frouppelande ‘de Saint-Nicolas? Il re=

cueille de porte 4 porte les messages
po &

des enfants et boit. la goutte avec
les vieux. Nous arriverons a temps
pour surprendre ses zigzags dans la
neige.Ht nous rentrerons apres quinze
jours d'une nouvelle lune de miel,"

Géraldine battit des mains, Et
déja, dans le secret de son coeur de
femme,elle songeait que pour préparer
son Gérard au cadeau de Noel de la
prochaine année, elle reparlerait de
temps 4 autre,mais sans appuyer au dé-
but,des joies incomparables de l'auto.

°
@

sion de la No€1l, ce modeste cadeau mais combien précieux.A vous d'en juger.Com-%
: 5 Z : |
bien de fois n'avons-nous pas été submergés par la "verve grandiloquente" de ¥
° : : ~
‘certains de nos leaders ou conférenciers lors de reunions, congres ou toute

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autre assemblée,laquelle verve nous arrache de la bouche cette phrase signifi-#

Hcative: "Baptéme ! qui parle'ben, mais j'comprends rien !" Voici donc ce prée- #

augsent gui vous permettra de "monologuer" avec ces personnages. B

"Aprés des années passees 4 se frayer un chemin dans la forét du jargon #
wémoderne pseudo-savant ,un fonectionnaire a mis au point ce qu'il appelle un for-.%
‘mulateur automatique de verbiage. Il se fonde sur un lexique de 30 mots passe-#
Woartout soigneusement choisis: ‘

f

Colonne I Colonne 2 Colonne 3. Bg

 O, option ~ 0. de gestion O. intégré (e)

; I, flexibilité I, dtorganisation I, total (e) 5
y. 2, capacité 2, controlé (e) 2, systémtisé (e)

3, mobilité 3, réciproque 3. paralléle

Ee. 4, programmation L, afférent (e) 4. fonetionnel (le)

B 5, conceptualisation 5, logistique 5. sensible BS

cf: 6, diaspora 6, de transition | 6, facultatif (ve) ‘

% 7. projection 7, différentiel (le) 7, synchronisé (e) BD

e §, ordinateur 8. de structuration 8. compatible

~ 9. eventualité 9, dichotomique 9, équilibré (e) 2

igmettez bout a bout les mots qui correspondent a chacun de ces trois chiffres.:R®

Le mode d'emploi est simple. Pensez a un nombre de trois chiffres,puis |

¥'Par exemple,752 donne "projection logistique systématisée",formule qu'on peut %

we elisser dans n'importe quel rapport en

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fmais l'important c'est qu'ils se feront

se donnant un air d'tautorité et de com-:%
¥ petence, "Les gens ntauront pss la moindre idée de ce dont vous parlez,dit-il,
tuer plutot que de l'avouer." — > an

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