ARTS ET SPECTACLES Le Soleil de Colombie, vendredi 6 juillet 1990 - 11 Festival international de jazz Johnny au bout de la nuit Quiils soient de jazz ou de rock, de nombreux concerts comprennent une premiére partie. L’intention est louable et la formule appréciée par des musiciens en quéte de renom- mée qui voient !a une occasion unique de se faire connaitre. II est méme arrivé que ces jeunes effrontés volent la vedette a la star dela soirée. Enfin, dans un monde ou «show» s’accole le plus souvent avec «business», il s'agit de démon- trer au public qu’il en apour son argent. Deux (voir trois) concerts pour le prix d’un: tel est le message emprunté a la vente de savonnettes. Mercredi soir, au Commodore, les organisateurs avaient retenu l’option haute en programmant deux groupes avant le tres attendu Johnny Winter. Chargé douvrir le bal, Bob Bell & Necroplosis 90 et ses accords trés «Hendrixiens» ne parvenait pas vraiment a _ soulever V'enthousiasme. Michel Van Eyes devait avoir plus chance parvenant a attirer le public sur la piste méme si l'on peut regretter le manque d’originalité de sa copie tres poussée des fameux Blues Brothers. Tou- jours est-il que les douze coups de minuit allaient sonné et pas la moindre trace de Johnny Winter. La soirée commengait sérieusement a trainer en longueur, la biére qui coulait a flots ne faisait qu’endormir un peu plus les esprits et les.corps. Et puis enfin, aux environs de minuit et demie, Johnny est arrive. Avec sa collection de tatouages, son chapeau de paille et sa guitare électrique. Un grand échalas, baraqué comme une aiguille a tricoter, qui ne semble pas avoir vu le soleil depuis sa _ premiére communion. Texan au physique de zombie, peut-étre, mais avec des doigts de magicien et une énergie de forcené. En trois accords et deux couplets, ce vieux routier de la scéne (25 ans de métier derriére lui) allait chauffer a blanc la salle. Difficile de résister 4 Johnny Winter. Un mélange détonnant de rock et de blues qui transpire le Texas a chaque note. Une musique qui vous colle aux semelles comme delaglaise. Le batteur ferait frémir de jalousie n'‘importe quel derrick pétrolier quant au bassiste, il a la dextérité d’un Paco de Lucia. Chanson apres chanson, John- ny Winter vous retourne les tripes et vous remplit la téte de désert, de rubans d’asphaltes interminables et de routiers bien gras. Seulement, la prochaine fois, commence un peu plus t6t ce superbe voyage, promis Johnny! Francols :Limoge Johnny Winter, un Texan dans la musique depuis 25 ans. Les couleurs de Soweto | L’organisation d’un festival de jazz en général, et d’une soirée en particulier, reléve de la chimie. Un ensemble de composants que l’on mélange, sans pouvoir tous les mafriser, et dont on redoutele résultat qui peut s’apparenter au meilleur comme au pire. Ace détail prés, qu’au contrairedelascience, un mélange qui s’avére explosif est un signe de succés dans le jazz. Vendredi soir, la mixure proposée semble alléchante avec une programmation tres inspirée de Molotov, maitre qu'il en est un dans le domaine du cocktail. En fin connaisseur, le public est venu en masse. Et a image des transatlantiques, puisqu’il n’y a plus aucune chaisé de libre, on_ investit rapidement les escaliers et les ponts supérieurs du Commodo- re. Foule impatiente qui attend la moindre occasion pour sombrer dans |’extase. Dans cette arene ou tout faux pas conduira sans aucun doute le gladiateur ala mort, Pierre Dorge et the New Jungle Orchestra va interpréter une partition sans fausse note. Numéro de haute voltige qui consiste a allumer la méche sans jamais se brier les doigts. Emmené par un_ fantastique saxo ténor, ce groupe redonne toutes ses lettres de noblesse a la grande formation de jazz. Sept musiciens, autant d’origi- nes différentes et une musique ouse méle allégrement rythmes africains, sonorités du Moyen- Orient, standards américains et salsa. Pas de |’exotisme pour touristes en croisiére mais une véritable originalité ou lon touche enfin du doigt ce que peut apporter un véritable mélange de cultures. Déja pas mal chauffé par Pierre Dorge et ses apprentis sorciers, le public attend le coup de grace. L/’Africain Mahlatini et son trio de Mahotella Queens souffleront sur les braises avec un art consommeé de l'incendie. A peine, le groupe était-il rentré sur scene, que déja la soirée ne se résume plus qu’a une seule question: Combien de litres de sueur, ces diables de Sud-Afri-. cains vont-ils nous faire transpirer? La réponse est quasi immédia- te: beaucoup. Pour s’en convaincre, il suffit de voir les trois Mahotella Queens trans- porter en quelques secondes les spectateurs a Soweto. Habil- lées aux couleurs de |’ANC (rouge, noir et vert), elles parlent, elles chantent, elles dansent sur un rythme infernal le zoulou. Musique quia fait le tour du monde depuis qu’au pays des mines d’or, la majorite noire se bat pour ses droits. Mais elles brocardent égale- ment Mahlatini, gourou au costume de pacotilles. Plus qu’un concert, c’est un show. On léve le poing pour Mandela tout en se moquant du male qui joue les chefs. L’Afrique est la, contrée ou la deérision est toujours proche quand on aborde les causes sérieuses. Poncho le frappeur et Joao le conteur Pour sa cinquiéme édition, le festival Du Maurier avait choisi de délaisser quelque peu les terres classiques du jazz au profit des mers du _ Sud. Ouverture parfois discutable mais dont le principal mérite reste de démontrer que le jazz n'est pas une discipline de puristes, engoncée dans un carcan élitiste. L’accueil réservé par le public aux différents concerts témoigne, enfin, que les organisateurs n’ont pas loupé leur coup. Milton Nascimento avait ou- vert le festival en beauté. Poncho Sanchez et Joao Bosco devait le conclure de la méme maniére. Deux styles, deux personnages aux Antipodes, mais un méme talent prouvant une fois de plus que la musique sud-américaine ne se résume pas ala lambada. Casquette de toile vissée sur la téte, immense barbe noire et costume gris clair, Poncho Sanchez, d’origine mexicaine, a la carrure d’un boxeur poids lourd. Une fois installé devant sa paire de cognas, il n’en décolle plus. Pourle plus grand bonheur des spectateurs. Un festival de percussions, soute- nu a merveille par une solide formation musicale ou les cuivres n’ont pas été oubliés. S’arrétant a peine quelques instants pour s’éponger le front avec son grand mouchoir noir, Poncho Sanchez enchaine morceau Sur morceau. Ses deux mains, larges commes des battoirs, frappent |’instrument LA LIBRAIRIE DU SOLEIL | 980, RUE MAIN. avec puissance, virtuosité. Bientét, toute la foule se trémousse sur ce rythme saccadé et régulier comme un pendule suisse. Le trombone rugit, le saxo bourdonne, c'est chaud comme un soleil de Caracas. Autrelieu, autre temps, autres décors avec Joao Bosco. On a quitté les Tropiques pour la terre du Brésil, la plage de Copacabana et les favelas de Rio. Pas de «big band». Jaoa Bosco est seul, accompagnmé desa guitare séche. L’ambiance est feutrée, i intimiste. Le chanteur brésilien interpré- te les chants traditionnels de son pays, La Copera mais aussi quelques compositions comme ce boléro de Ravel revu et corrigé. Les psectateurs écou- tent religieusement les mélo- dies. L’esprit voyage; le corps se détend, sedélasse enveloppé - par cette voie extraordinaire de pureté. = ae Chocolat La vie et rien d’autre Souffle au coeur Trop belle pour toi C’est chez le spécialiste du video Classique - Etranger.- 1859 WEST 4th AVE. 734-5752 Musique “RENTALS _ "1855 WEST 4th AVE. 734-0411 eS Ongena EN ET ee ere er een aa oe { ! | | : | ) | | | | | | , | |