Le Moustique Volume 5 - 2° Edition ISSN 1496-8304 Février 2002 Par contre ici, le long de la céte, ils vous préparent du saumon fumé aux herbes aromatiques locales, pas déplaisant du tout. - Penses-tu que d’aller manger chez Monique, ce soir, serait une bonne idée ? Oh ! Juste histoire de changer d’habitude pour une petite fois. Et puis, ainsi, on ne devrait pas faire la cuisine, nila vaisselle. La journée a été longue, on a beaucoup marché, on peut raisonnablement féter cela. - Voyons Pa! Tun’y penses pas. Ce n’est pas du tout dans l'esprit du sentier. Et Dieu sait ce qu’ils vont nous servir, des hamburgers, des frites grasses. Beuh ! Je suis malade, rien que d’y penser. Elle a sans doute raison, ma fille. Mais, je ’'avoue, quand elle a parlé de hamburger et de frites, j'ai soudainement senti mes glandes a l’arriére de la bouche se contracter violemment et un jet puissant de salive a failli m’emporter la langue. Pourtant, je n’aime pas trop les hamburgers. Je ne lui ai pas répondu ; je ne veux pas la choquer avec ces pensées sacriléges. Pourtant, que les Indiens se mettent a cuisiner a l’'américaine ne me géne pas outre mesure. Je suis trés ouvert d’esprit. Et puis, je suis trop occupé a déglutir sans arrét. Il existe tout de méme une certaine consolation et elle est de taille : nous sommes au dernier tour de circuit pour la journée. En effet, la pointe Bonilla franchie, nous entrons dans la baie de Carmanah et la, a moins d’un kilométre, nous apercevons déja le campement a l’embouchure d’une riviére du méme nom. C’est la sans doute que se perche la friterie de Chez Monique. La baie est une immense plage de sable. C’est une recompense pour les dix kilometres que nous avons parcourus dans la journée (sans compter les va-et-vient nombreux dans le campement précédent). C’est un record ! En une journée, on n’a jamais marché autant sur ce chemin. Cela justifierait absolument un petit repas spécial pour la circonstance. Ce serait sympa si le petit restaurant était ouvert. A quelques pas des premiéres tentes, toute la plage est couverte d'une abondance de mouettes comme je n’en ai jamais vu. Elles sont la des centaines a attendre le coucher du soleil. Aprés un moment d’hésitation, on se décide a traverser la multitude. Les mouettes crient d’abord, indignées, puis irritees, se déplacent bruyantes comme des petites vieilles en colére. Et soudain, elles s’envolent toutes a la fois. C’est extraordinaire. Nous sommes enveloppés dans un tourbillon de cris aigus et de froissement d’ailes. On ne voit plus que le mouvement autour de soi. On croit un moment s’étre envolé avec elles et se retrouver bientét a planer par-dessus les vagues. Mais on est seul sur la plage, dans le silence des quelques plumes qui retombent en hésitant sur le sable. ll n’y a presque personne dans ce camp, et la plage est large et confortablement sableuse. Tout le monde semble s’étre arrété a Bonilla. Encore une merveilleuse nuit en perspective. On s’installe tout prés de la mer, sur la rive droite de la Carmanah. Le ciel est bleu trés pale a présent ; il n’y a toujours pas de nuages. C’est un véritable jour de féte et j'ai une faim de loup. Jean-Jacques Lefebvre A suivre dans le prochain Moustique ! 8