ee Justice Le Soleil de Colombie, vendredi 28 mars 1986 —7 Roméo, 30 ans, Juliette, 13 ans, ‘un amour impossible? Par Louise Desautels Difficile de discucer des relations sexuelles entre adolescent et adulte sans y mettre d’émotion. La ot de grands principes saffron- tent, la loi, elle, a déja tranché. Annie Girardot, personnifiant uneinstitutrice dans Mourir d’aimer, a une liaison avec un de ses étudiants adolescent, le trés _ jeune Roméo et son inconvenante Juliette consomment leur union clandestine a la _ sauvette; Nathalie, 13 ans, et son amoureux de 29 ans disparaissent de la carte pour échapper a Yincompréhension de leur milieu... La ot un mineur est impliqué dans des relations sexuelles, diverses motions surgissent. Faire l’amour, activité réservée aux 18 ans et plus? Abordée autour d’une table de cuisine ou : débattue dans certains milieux juridiques, la question oppose toujours les. mémes grands principes: liberté us exploitation, respect de la personne vs protection de l’enfance, juge- ment moral vs réalité sociale. La loi, quant a elle, a déja tranché: quiconque a des relations sexuelles avec une personne de moins de 14 ans commet un acte criminel, indépendamment du consente- ment de l’enfant, sauf si la partenaires est de moins de trois ans. Un article du Code criminel concerne plus spécialement les cas d’inceste et un autre, les filles de 14 a 16 ans. Ce dernier, est aujourd’hui peu invoqué parce qu'il fait référence a des notions archaiques de “moeurs chastes” et du “plus a blamer”. Paternalisme “Pour le législateur, en bas de 14 ans, on est trop jeune pour consentir librement et de fagon éclairée a une relation sexuelle, estime Me Lucie Rondeau, procureur de la Couronne au Tribunal de la jeunesse a Québec. Dans la loi, on a quand méme laissé place a la découverte sexuelle avec un partenaire du méme age.” C’est souvent le cas: depuis le sondage mené au Canada en 1976, onsait que 30% des garcons et 8.3% des filles Agées de 15 ans ont déja eu leur premiére relation sexuelle. “La loi nous permet beaucoup plus de sévir contre des adultes abusifs que de réprimer des histoires d’amour mal vécues par la famille”, ajoute Me Rondeau en évoquant quelques cas. Cet homme dans la quarantaine, par exemple, qui avait réussi a convaincre un. garconnet de son voisinage de caresser ses parties génitales en échange de petits cadeaux. Ou encore ces deux jeunes adultes qui affir- maient “protéger” une copine plus jeune en la raccompagnant chez elle, petit détour du cété de la cour d’école déserte et légére “récompense” compris . Antoine Manganas, spécialiste des droits de la personne a l'université Laval, abonde dans le méme sens. Jugeant la loi quelque peu paternaliste, il croit cependant que la réalité sociale -différence.. d’age entre les justifie l’attitude du législateur. “Allez lire le rapport Badgley sur — les infractions sexuelles a légard des enfants, conseille-t-il.” Le rapport Badgley, c'est le résultat d’une commission d’en- quéte fédérale formée en 1981: 1,400 pages de chiffres, d’ana- lyses, de recommandations a la suite desquelles un sondage pan-canadien a été réalisé. Les résultats sont éloquents: une femme sur deux et un homme sur trois déclarent avoir déja été victimes d’actes sexuels non désirés allant de l’exhibition- nisme al’agression en passant par les menaces d’attouchements et l’attouchement de parties sexuelles. Dans quatre cas sur cing, l’acte a été commis alors qu’ils avaient moins de 18 ans et rares sont ceux qui ont dénoncé cette situation. Quelques pages plusloin, on apprend que prés de la moitié des enfants victimes affirment n’avoir été ni menacés ni forcés physiquement. Comme quoi la persuasion est bien souvent efficace. . Commission Badgley “Vous ne pouvez pas imaginer jusqu’ot. des enfants peuvent aller en échange d’affection, me confiait Céline Lévesque, direc- trice des services professionnels au centre d’accueil L’Escale pour adolescentes. Mais lorsqu’ils se rendent compte qu’ils ont été trompés, vous devriez voir comme ‘ils sont brisés. Et comment, quand l’histoire est connue, il ressentent de la culpabilité. Surtout si a un moment ou a un autre, ils ont éprouvé un certain plaisir ou une satisfaction quelle qu’elle soit.” Forte des données de l’enquéte, la Commission Badgley adopte une position encore plus rigide que celle de la loi actuelle. Selon - Me Manganas, elle endosse la nouvelle tendance voulant que lon accorde une plus grande protection a l'enfant. La Commission recommande en outre la mise sur pied d'un _ programme intégré d’éducation- centré sur les besoins des jeunes dans le domaine de la préven- tion des infractions sexuelles. Agressions sexuelles _ une législation qui _ évolue Depuis 1983, les députés fédéraux ont modifié les articles du Code criminel concernant le viol. On reconnait maintenant que la victime puisse étre de sexe masculin et on définit l’agression sexuelle comme un acte violent dirigé contre l'intégrité d’une personne et non plus comme un comportement sexuel, — fut-il déviant. A l’intérieur de l'article 246, on stipule également que la défense ne peut s'appuyer sur le consentement d'un enfant. La Commission qui a présidé a cette réforme du droit criminel explique ainsi la discrimination que cette non-reconnaissance implique: “Notre société croit, a juste titre, que le droit doit protéger ceux qui n’ont pas atteint une pleine autonomie sexuelle ou qui n’ont pas encore réalisé cet €quilibre. Ainsi, l'enfant doit étre mis a l’abri de l'exploitation sexuelle et de la corruption tant qu'il n’est pas parvenu a un degré de maturité qui lui permette de prévoir les conséquences de ses actes et donc de prendre pour sa _ propre personne des décisions éclairées en toute connaissance dé cause, ou qu'il n’a pas atteint un age ou cette maturité peut étre pré- sumée.” Le nouvel article faisait partie d’un train de réformes concer- nant les infractions sexuelles, mais qui n’ont pu étre toutes adoptées, faute de consensus. C’est ainsi que le vieil article condamnant toute personne de sexuels (impliquant pénétration vaginale) avec une personne de sexe féminin agée de moins de 14 ans, sans tenir compte du consentement, est rest€é en vigueur. Celui-ci, bien plus que le récent article, suscite les critiques de certains milieux. En juin 1985, il a d'ailleurs été jugé inconstitu- tionnel puisque venant 4 l'encontre de la Charte cana- dienne des droits et libertés qui interdit la discrimination fondée sur le sexe. Un adolescent de 16 ans, accusé d’avoir eu des relations sexuelles avec son amie agée de 13 ans, a ainsi évité les Sanctions légales. En novembre En principe, pas de relations sexuelles avant 14 ans, nous dit le Code criminel: 4 moins de mariage, que l’on accepte comme. garant d’un.consen- tement mtrement réfléchi. Du cété de l’Eglise catholi- que, on exige que la fille ait au moins 14 ans, le garcon 16 ans. Voila pour la régle inscrite dans le Code du droit ‘canonique. “mais il n’y a pas un prétre qui acceptera de marier ces adolescents”, sou- _ tient l'abbé Jacques St-Michel du diocése de Québec: En 1984, sur 4,059 mariages contractés dans ce diocése, 14 impliquaient des mineurs, mais aucun adolescent de moins de 17 ans. La situation vient de ce que la Conférence canadienne des évéques a fait circuler une directive préci- sant qu’en bas de 18 ans pour la fille et 20 ans pour le garcon, les époux devraient recevoir une préparation ‘spéciale qui les encourage a réfléchir davantage sinon a retarder leur projet. Cette précaution s'appuie sur une étude réalisée en 1966 dans le sexe masculin ayant des rapports: 1985, la Cour supérieure des Territoires-du-Nord-Ouest con- cluait cependant que l'article “est discriminatoire, mais ne viole pas la Charte”. Commentant le premier juge- ment, Me Dianne Martin, une avocate ontarienne spécialisée en droit criminel, estime que les jeunes sont suffisamment pro- tégés contre les abus sexuels avec le nouvel article. Laissant davantage place a une condam- nation pour un geste de toute évidence désiré, l’ancien article constituait, selon Me Martin, “ane mauvaise facon de régler la question de l’activité sexuelle chez les adolescents”. Justice Mars 1986 Parents anonymes, un _ or- ganisme qui travaille @ la prévention des mauvats trat- tements faits aux enfants, vient de publier une brochure intitulée * Les agressions sexuelles fattes aux enfants: parlons-en pour mieux les préventr. _ Prenez-vous cet enfant pour €poux? Montréal et les mariages diocése de révélant que ~ d’adolescents se soldaient par un échec avant la deuxiéme année dans une. proportion de plus de 80%. C’est également a cause de telles observations qu’en 1981 - lors des réformes du droit de la famille, le gouvernement québécois a suggéré que l’age: minimum du mariage soit celui de la majorité, chez l'un et l'autre sexes. En précisant qu’une dispense pourrait étre accordée a une personne de plus de 16 ans pour des motifs sérieux et en tenant compte de l'avis des parents. “Ce serait alors le critére de maturité psychologique qui serait pris en compte”, estime Me Castelli. Mais cette régle du minimum fixé 4 18 ans n'est jamais entrée en vigueur, faute d’accord avec le gouvernement fédéral qui, par l’Acte de l’Amérique du Nord britannique a droit de regard sur les conditions du mariage. Les discussions fédérales- provinciales doivent reprendre sous peu. petit écran, Les indiscrétions d'‘Ani | J’aiomis de vous donner le résultat de mon passage au tribunal de la ville pour la contravention écopée devant le Centre culturel colombien. Le juge m'a donné le bénéfice du doute: parce que je ne savais pas que le Centre ne délivrait pas de permis de résidence. Enfin, le magistrat m’a mise en probation, a moi de faire attention et de ne plus me faire prendre. Moralité de cette histoire: ne vous stationnez pas devant le Centre culturel ou sur les cétés, tenez vous éloignés de ces panneaux réservés aux résidents, a moins d’y habiter. Sinon, c'est un coup de 35$. Le film de Georges Payrastre et de Claudine Viallon, “Vancouver on the move”, passe le 29 mars a 21h30 sur votre a la chaine anglaise CBC. A voir absolument; le jeudi 3 avril il repassera a 20h00, sur la méme chaine. —