VOYAGES Le Soleil de Colombie, vendredi 8 septembre 1989 - 11 Récit d’un tour du monde Cloches et baisers Par Jean-Claude Boyer Cork («bouchon»!), capitale du sud de |'Irlande, 10 septembre 1984. N’ayant pas, comme les autres «aubergés» de l’AJ, de quoi me faire un petit déjeuner, je m’appréte a sortir, lorsque un Anglais m’offre une tasse de café. Deux Suisses partagent ensuite avec moi leurs provi- sions. L’un d’eux porte un T-shirt «lrish», tréfle sur le «in, moulant une solide poitrine. Pas rapide et coeur léger, dans l'air frisquet du matin, je pars pour le centre-ville. Une photo de Jean-Paul Il, dans la vitrine d’une patisserie, m’accroche |’oeil - encore une fois. Et me voiia aux promena- des plantées de tilleuls du bord de la Lee, «dont les deux bras enserrent le coeur de la cité». Prés du pont St-Patrick se dresse la statue du _ Pére Matthew, apdtre de la tempé- rance. Mon pére, ennemi juré de la bouteille, aurait été son plus fidéle disciple. (Je |’entends encore tempéter contre la «maudite boisson».) J’observe deux éboueurs. L’un attend entre les brancards d’un chariot a deux roues que l'autre finisse- de déverser——des~-_Ordures publiques. Inefficacité par excellence. L’église de la Sie-Trinité se mire dans les eaux calmes. Décidément, les ~~ ‘Corkoniéns (ou Bouchonnais!) aiment saint Patrick: pont, quai, rue principale, église, hall, colline... portent son.‘nom. Je monte dans un bus a deux étages pour me rendre: a la colline St-Patrick: un francis- cain en soutane et sandales me lance un sonore «Good mor- ning». Une passagére au comportement bizarre (schizo- phréne?). Il est permis de fumer au deuxiéme étage! Parvenu a destination, j’em- prunte de petites rues étroites qui montent/ vers _|'église protestante Shandon. Ses clo- ches font entendre un air - ‘exécuté maladroitement - que je ne connais pas. Une enseigne indique le Butter Market. Des femmes, un peu _ partout, surveillent des étalages hétéro- clites. Je léve les yeux vers le clocher en forme de poivriére qui abrite les huit fameuses «cloches de Shandon». Son sommet arbore non pas une croix ou un coq mais un poisson. Deux cétés de la tour sont rouges, les deux autres blancs. Curieux. A l’entrée de l’église, un préposé a |’age respectable, apres m’avoir montré des livres plusieurs fois centenaires, m/invite a monter sonner le ou les morceaux de mon choix: «Vous n’avez qu’a tirer sur des cordes numérotées en suivant sur un tableau une mélodie chiffrée». Marché accepté (1,50$). Me voila carillonneur, langant sur la ville, A coups de cloches, a mon propre rythme, des airs que j’ai moi-méme choisis («Amazing Grace» et «Fernando»). What a feeling! Machinerie ingénieuse. Et quel- le vue! J’ai l’impression, en redescendant, d’avoir atteint a la célébrité. Je demande au préposé si la population n’est pas fatiguée de ces «rengaines carillonnées». «On ne_ les entend plus», m/’assure-t-il, m’apprenant que ces cloches sont devenues en quelque sorte le symbole de Cork depuis que le «Pére Stout», personnage créé par un jésuite satiriste au siécle dernier, les immortalisa dans une poésie fort célébre en Irlande. De la suite de son «monologue», je ne retiens que ce mot sur l’enfance de Joyce: «ll a été séquestré par les Jésuites dés |'age de six ans». Vers midi, je me retrouve dans une autre église en_ train d’écouter une foule de person- nes agées réciter le chapelet avec un franciscain. Alternance monotone. Visite éclair de la cathédrale protestante St- Finbarr, copie du gothique frangais. Les Vierges Folles et les Vierges Sages ornent |’une de ses facades. Les passants qui me renseignent semblent tous vouloir me remercier de leur faire Il’‘honneur de m’adres- ser a eux. L’un d’eux, une dame portant une jupe-verte décorée -de-tarpes!, m’avoue que Cork posséde plus de charme que de monuments intéressants. En voici un qui rappelle une insurrection. Un pub affiche une photo de la récente visite de M. Reagan au pays de ses ancétres. Je prends maintenant un bus pour le chateau de Blarney (6 km), considéré par mon guide comme le plus grand attrape- touristes d’Irlande. En arrivant a Blarney, je me procure des cartes postales, dont l’une représente un magnifique papil- lon orange sur une grappe de petites fleurs mauves. Des maisons aux couleurs criardes attirent facilement l’attention. Debout sur le trottoir, au soleil, j'ajoute quelques lignes a mon journal. Un papillon identique a celui de l'illustration vient se déposer au haut delapage. Je le contemple en fredonnant: «Les souvenirs denos vingt ans sont de jolis papillons blancs...» J'ai décidément |’esprit romantique. Ticket en main, je _ suis maintenant quelques touristes jusqu’au sommet crénelé du chateau ol chacun attend son tour pour baiser la fameuse «pierre de Blarney». Belle vue. Chaque «baiseur» s’allonge d’abord surle dos, s’agrippant a deux barres de fer fixées au parapet, puis, avec |’aide d’un «souteneurm, renverse la téte au-dessus du vide pour baiser, ouach!, une vieille pierre usée, dispensatrice du don de la parole. Un photographe attitré croque chaque «baisement» sur levif. Les réactions de certaines femmes sont du plus haut comique; elles sont tiraillées, dirait-on,entrela peur du vide et des moqueries, et le désir de devenir des Démosthéne, ou du moins de rapporter chez elles une photo-trophée. Vient mon tour -d’offrir ma bouche a ce piége touristique. Contorsions. J’entends «clic!». En avangant les lévres, je me sens parfaitement ridicule. Et hop!, debout. Il neme reste plus qu’a me rendre a la «Photogra- phic Hut» pour payer le «Happy Snap» (3$), qu'on envoie n'‘importe ou dans le monde (le mien parviendra a Vancouver en octobre), et qu’a récolter les joies de |’éloquence. J’appren- drai que le terme «blarney» est passé dans: la langue anglaise comme synonyme de «boni- ment». La locution «He’s kissed the Blarney stone» signifie: il sait faire un boniment, ou manier la flatterie, enjdler, embobeliner. Payer pour sonner des cloches, puis pour baiser une pierre. Franchement! Suit une promenade dans les sentiers ombragés d’un jardin magnifiquement aménagé. Ses vieux arbres et ‘ses vieilles pierres ont été témoins, raconte une légende, de rituels religieux d’avant l’ére chrétienne. Dans un escalier de pierre aux marches. porte-bonheur («wis- hing steps»), je fais la connaissance de deux couples du midi de la France.-Nous échangeons des anecdotes juteuses d’humour, tout en nous gavant de mires. Je leur fais part de cette innocente question que m’a posée un jour un Marseillais: «Et puis, les CARE CANADA CACOMPTE! ‘Innndiennns’ du Canada, y en a encoRE?», se rendant vite compte, a mon visage «cramoi- -sissant», que ce n’est la que du cinéma. L’un des Frangais déclare qu'il ne pourrait pas se résigner a mourir sans avoir vu Vancouver! J’ajoute que, pour ma part, jy mourrai, sans doute. De retour a l’arrét de bus, direction Cork, j’apergois ici une religieuse dans son costume traditionnel, la-bas, un prétre, lui aussi en soutane noire. Le concile Vatican Il a pourtant eu lieu il y a vingt ans. En fin d’aprés-midi, repos du guerrier a |’AJ de Cork. Je me «popote» un bon repas dans la Cuisine toute propre. Le souper terminé, je me sens tout a coup indisposé: feu rouge qui commande le repos. J’en parle’ aux jeunes attablés avec moi. Un Allemand s’empresse de me faire un thé, un autre va me chercher une aspirine et une capsule de—vitamines, alors “qu'un Chinois m’offre une pomme! Sur un mur des toilettes, un graffiti compare «combattre pour la paix» a... (comparaison scabreuse). Je me couche a l’heure des poules, conscient de l'importance de Hk] UVRE POUR UN DON DEDUCTIBLE DE LIMPOT, ECRIVEZ A CARE CANADA, C.P. 9000, OTTAWA K1G 4X6 a & E Approvisionnements Supply and Services et Services Canada Canada wg | | aga? | | Ging Matériel du gouvernement . Automobiles . Camions légers Inspection et vente: Date limite: cléture, samedi 6 octobre 1989. Lieu de vente: 4000 Seymour Place Victoria, C.-B. VENTE PUBLIQUE (offres cachetées) Vendredi, 5 octobre 1989 de 9 4 15 heures” Samedi, 6 octrobre 1989 de 9 a 14 heures Les offres seront acceptées sur le site jusqu’d 14 heures le jour de Les fomulaires de soumission et les conditions de vente seront disponibles sur le site. Seuls les soumissions regues pendant la période de vente seront acceptées. Tous les véhicules sont vendus «Tel Quel». B.C. Systems Corporation Building Pour de plus amples renseignements veuillez appeler le [604] 272-9056 Canada me lever en forme demain. Avant de m’allonger pour la nuit, je prends tout de méme le temps de mettre mon journal a jour, griffonnant quelques notes a partir d’un guide emprunté. Cork fut fondée au XVile s. autour d’un monastére prés duquel des pirates danois élevérent un fortin... Devenue au Xlles. un centre commercial florissant, elle ne se résigna jamais a l’occupation enne- mie... Au début des années 1920, Cork fut a la pointe du combat contre les Anglais; son maire mourut aprés 76 jours de gréve de faim. Aujourd’hui, elle est le plus grand port atlantique del’Irlande, au coeur d’une riche région agricole. Dans le dortoir, je fais remarquer a un Allemand d’un certain age, venu chercher son appareil-photo, le petit drapeau deson pays attaché au pied d’un ‘lit. «Je noserais jamais faire cela, me contie-t-il, apres tous, les crimes que nous avons commis contre I’humanité...» Couverture de laine sous le menton, je n’ai pas de mal a m’endormir, ce soir-la, |’irmagi- nation remplie de papillons, de cloches et de baisers. Moi aussi je m’abonne au Soleil! bs ay. As-tu ce qu'il faut? Tu as entre 17 et 20 ans? Tu es citoyen canadien ou immigrant regu? Tu veux sortir du troupeau et avoir ton mot a dire sur ton avenir? Ad ' Jeunesse Canada Monde est un organisme privé sans but lucratif qui te donne l'occasion de tinitier aux réalités du développement au Canada et au Tiers-Monde. Intéressé? Communique avec nous. Jeunesse Canada Monde 2330, Notre-Dame ouest Montréal, Québec H3J 1N4 (514) 931-3526