VOYAGES Le Soleil de Colombie, vendredi 11 mai 1990 - 11 Saint-Denis, nécropole des rois ‘Par Jean-Claude Boyer Paris, dimanche 21 octobre 1984. Enmerendant ala célébre basilique Saint-Denis (banlieue nord), je me chante a moi-méme «Mon chapeau de paille», vieille chanson apprise dans mes jeunes années: «A Saint-Denis pres d'un grand bois, un soir dorage et de bataille, j'ai mis pour la premiére fois mon chapeau dpaille...» Le mot «paille» qui termine la chanson devenait, je l’entends encore, sonore, diphtongué, «gros» comme une poutre. Une _derniére station de métro. Le monument religieux apparait, au coeur de la métropole manufacturiére qu’est mainte- nant Saint-Denis. Mais d’abord, un peu d’histoi- re. Lalégende raconte que saint Denis, premier évéque de Lutéce, aprés avoir été déca- pité, se mit en marche, portant entre ses mains sa_ téte tranchée. Son immense popula- rité fit qu’autour de sa tombe vinrent bient6t se recueillir un grand nombre de fidéles. Une premiére église fut construite... Le roi installa une communauté bénédictine qui prit en charge le centre de pélerinage. Cette abbaye sera la plus riche et la plus illustre de France. Ce n’est cependant qu’au Xile siécle que |’église abbatiale deviendra telle quenous la voyons aujourd’hui. La figure dominante de I’histoire de Saint-Denis: |’abbé Suger, l’un des plus grands érudits de son temps. dl établit lui-méme les plans de l’actuel monument. Le guide Michelin précise que les fidéles tiraient a bras des chariots chargés de pierres provenant des carriéres de Pontoise - a plus de 20 km. Suger surveillait lui-méme l’extraction des pierres, le choix des bois de charpente ou la sculpture des chefs-d’oeuvre, soucieux d’exalter la perfection en tout. Transposée dans le domaine artistique, cette con- ception de la religion comprise comme une élévation progressi- ve du terrestre au divin engendra le style gothique... Véritable hymne a la lumiére, parfaite illustration de la pensée du grand prélat. «Loeuvre qui resplendit, dit-il, doit éclairer _lesesprits afin quils aillent vers de vraies lumiéres, a la vraie clarté dont le Christ est porteur.» Saint-Denis est donc le premier grand édifice gothique, prototype dont se - sont inspirés les architectes des cathédrales de la fin du Xlle siécle. De Dagobert a Louis XVIII (12 siécles), tous les rois de France, sauf trois Mérovingiens et quelques Capétiens, furent inhumés a Saint-Denis. A la Révolution, pillage et vandalis- me... Les cercueils sont ouverts - et les corps jetés dans des fosses. L’archéologue Lenoir sauve les tombeaux les plus précieux en les transportant a ~ Paris. (Louis XVIll les rendraala basilique.) Chateaubriand évo- que ainsi l’aspect désolant du lieu: «Saint-Denis est désert, !oiseau |’a pris pour passage, l'herbe croft sur les autels brisés...» (LE GENIE DU CHRISTIANISME). On entreprit sa restauration au plus grand mépris du caractére original. C’est Viollet-le-Duc qui opérera les restitutions exactes. J’approche de la facade. Une seule tour, a droite. Créneaux: au Moyen Age l’ensemble était fortifié. Beaux portails: juge- ment dernier, supplice de saint Denis, Vierges folles et Vierges sages; travaux des mois, signes du zodiaque... Al'intérieur, votes en ogives, _piliers massifs, vaisseau d’une élégance remarquable, tres belle rosace, vitraux modernes. Et c'est la tournée des tombeaux. Sépultures des rois, reines, enfants royaux, grands serviteurs de la couronne, dont Du Guesclin. J’en reste vite bouche bée. Je lis dans le guide vert: «L ensemble constitue un véritable musée de /a sculpture funéraire francaise au Moyen Age et pendant la Renaissance [79gisants]... Surlecadavre des rois, on prélevait le coeur et les viscéres. Au Moyen Age, le reste du corps était bouilli ; plus tard il fut embaumé: Coeur, entrailles, corps avaient chacun leur monument, rarement placé dans le méme lieu. Saint-Denis recevait les corps.» charcuterie!) Je miattarde devant les mausolées aux décorations somptueuses. Leurs deux éta- ges présentent une pathétique opposition. Etage supérieur: roi et reine en costume d’apparat, agenouillés; étage inférieur: défunts représentés dans la rigidité cadavérique avec un réalisme minutieux. Louis XII et Anne de Bretagne, Francois ter et Claude de France, Henri 11 et Catherine de Médicis. On raconte que celle-ci défaillit d’horreur en apercevant le tombeau de son mari (mort longtemps avant elle) représen- té comme le voulait la tradition. La reine en commanda un autre pour que le sommeil soit substitué a la mort. Que de statues couchées, assises, agenouillées, debout ! Petites colonnes, chapiteaux, bas-reliefs, animaux... Je me joins aun groupe guidé, puis a un autre. Le guide fait remarquer que nous sommes souvent: en présence de portraits authentiques, puis- que, apartir du XIille siécle, les figures étaient reproduites d’apres des moulages pris sur le visage du défunt. Fort impres- sionnant. Trois étoiles, assuré- ment. Le groupe vance’ vers l’avant-choeur. Belles stalles - pré-Renaissance, jolie Vierge en bois polychrome, reproduc- tion de la chaise du bon roi qui-a-mis-sa-culotte-a-l’envers. Chasse moderne de saint Denis, retables tres ouvragés, reliquai- res, fragments de _ vitraux gothiques. Nous descendons maintenant dans la crypte, ot je me plais a observer des chapiteaux a motifs végétaux. Chapelle voi- tée de Pépin le Bref, nom que je trouvais dréle lors de mes (Quelle. premiéres lecons drhistoire on-ne-peut-plus-compliquée de France. La dalle de cette chapelle recouvre le caveau collectif des Bourbons, notam- ment les corps de Louis XVI, Marie-Antoinette et Louis XVIII. Dans un transept, une fosse commune a recueilli en 1817, péle-méle, les restes de quelque 800 rois et reines, altesses et princes de sang. Vanité des grandeurs humaines. Le guide nous apprend, finalement, que des fouilles archéologiques ont dégagé des pans de murs du martyrium carolingien et une nécropole mérovingienne d’une grande richesse, ainsi que des fragments de fondations appar- tenant a cinq sanctuaires successifs. Intéressant, tout cela. Nous remontons dans la vaste nef. En quittant ces lieux vénéra- bles, qui occupent une place de premier plan dans I’histoire de l’architecture, j’ai l’impression que cette visite «devait» faire partie de mon tour du monde. J’en glisse un mot, en passant, ala vendeuse de billets. Elle me fait remarquer que le poéte Paul Eluard était natif de Saint-Denis (dyonisien) et qu’il fit, lui aussi, le tour du monde. Je me rends ensuite a la cour Napoléon du Louvre pour visiter des fouilles archéologiques en cours. Arrét, comme il m’arrive souvent,. devant un grand étalage de cartes postales. Choix extrémement varié (du clochard se soulageant en plein trottoir a des vues prises de la tour Eiffel) et de qualité, de quoi satisfaire les cartophiles les plus exigeants. Une carte sur mon signe (cancer, 8 juillet) m/’apprend que Cocteau, Proust et Jean-Jacques Rousseau étaient, eux aussi, Cancers. Honnéte compagnie. «Si /ima- gination était une forteresse a prendre d’assaut, le Cancer en viendrait aisément a bout. En effet, le Cancer partage avec le Sagittaire ce besoin de liberté, plus une imagination. sans limite ; mélangez les deux, vous obtiendrez une substance hau- tement détonante...» Influence bénéfique, romantisme, repas pris a la hate... étonnante de véracité, cette description «zo- diacale». Ce soir-la, en reprenant le métro pour retourner a la résidence-étage des _ religieux de Sainte-Croix oti j’habite, je relis des passages sur I’histoire de la basilique Saint-Denis. Retenons ces derniers faits: la — banniére de |’abbé Suger, une oriflamme aux couleurs rouge et or, devint |’étendard militaire de la France; «Montjoie-Saint- Denis» fut le cri de guerre des armées royales pendant tout le Moyen Age; jusqu’a la Renais- sance, les rois, avant de partir en campagne, venaient en grande pompe «lever |’ori- flamme» a |’église abbatiale... Tout compte fait, la basilique Saint-Denis restera dans ma mémoire le foyer ou l'art gothique trouva sa premiére définition et l’unique nécropole des rois de France. A la galerie Busclen Mowatt Bernard Buffet s’expose Sans abuser des superlatifs, on peut parler d’événement exceptionnel pour relater l’exposition Bernard Buffet proposée par la galerie Buschlen Mowatt. Joli tour de force que d’avoir réuni, a Vancouver, vingt-huit toiles de ce peintre frangais contemporain, connu dans le monde entier. Les peintures exposées reflétent les différents themes d'inspiration de Bernard Buffet. On retrouve les paysages ruraux - village de Bourgogne, falaise d’Etretat - ou urbains avec plusieurs monuments de la capitale - «Le lion de Belfort», «Notre-Dame de Paris» -. Mais sont présents également les natures mortes et plusieurs portraits, que ce soient cette série de clowns ou ce fantastique «Officier d’Empire ala trompette», malheureusement desservi par son emplacement dans la galerie. Si l’inspiration semble multiple, le style du peintre reste caractéristique et omniprésent dans toutes les toiles. Dans cette peinture trés dure, voire métallique, les traits sont anguleux, appuyés, exagérément noircis. Personnages maigres dont |’expression est dénuée de toute jovialité. Les couleurs sont violentes, parfois méme criardes. Bernard Buffet est le peintre d’une réalité simple, mélancolique et souvent triste. Instantanés d’un drame, d’une histoire, d’une vie qu’il jette sur la toile. A l'oeil de saisir la magie ou non de l’artiste. Ses admirateurs devront, cependant, débourser entre 100 000 et 400 000 dollars pour acquérir |’'une de ses peintures. Les moins fortunés auront toujours la possibilité _dece rabattre sur les litographies. Leurs prix inférieurs - 5000 dollars - n’enlévent rien a leurs qualités, notamment si !’on pense a la série réalisée sur la Révolution francaise. Jusqu’au 15juin. 1445 West Georgia Street. Pour les heures d’ouverture, tél.: 682-1234. Defence Construction Canada - e+e Construction de Défense Canada RAPPEL . Construction de Défense Canada lance un appel d'offres pour Remplacer le systéme de plinthe et de chauffage a l’eau, bfc Chilliwack (Colombie Britannique). La date limite prescrite de réception des soumissions est le “MARDI, 29 mai 1990. Pour de plus amples renseignements, s’adresser a la Section des Plans a Ottawa (613) 998-9549. Référence CK 099 12 Canada ii ip lic