6. Le Soleil de Colombie, vendredi 16 mars 1979 Société La Société Historique Franco-Colombienne est heureuse de vous annoncer qu'une personne vient de prendre en main le projet “collection photos”. Il s’agit de Mme Anita Charland que vous pouvez appeler au 266-4824, aprés 20h00. Anita ira inspecter vos trésors photographiques et, avec votre permission, se chargera de la reproduction des photos qu'elle choisira. La Société Historique France Colombienhié et Le Soleil de | Colombie se partageront un kiosque au Salon du Livre, qui se tiendra du 2 au 7 avril au Robson Square, 4 Vancouver. oo, LACCIDENTETLA — NOYADE [suite] La Providence, qui nous avait gardés pendant ces durs moments, eut encore pitié de nous: en effet, aprés une marche qui, sans avoir été trés longue, avait été cependant harassante, nous vimes un attelage venant vers nous a vide, et qui stoppa a notre hauteur. Quand nous efimes expliqué au conducteur notre acci- dent, il fit immédiatement demi-tour et nous transporta 4 grande allure vers le poste de Sawridge, aprés nous_ avoir donné les couvertures de ses chevaux et un grand coup de whisky. Je crois bien en avoir bu un quart de litre que je ne sentais méme pas... ’ Arrivés au poste, ce fut un branle-bas de prévenances et de gentillesses: effets neufs chauffés au poéle, friction de tout le corps a Yalcool, thé brillant moitié rhum, etc. Ce fut aussi le branle-bas du combat: appel de tous les hommes disponi- bles du poste et du stop- ping-place voisin, avec ha- ches, madriers, crochets, chaines, c4bles, enfin tout ce qui pouvait servir au sauve- tage des sacs et peut-étre des traineaux, et aussi pour établir un systéme de sécu- rité. Une heure aprés, nous repartimes vers l’endroit maudit. Le chef de poste voulait me laisser dans son habitation, mais je tins abso- lument a les accompagner. Comment pus-je ainsi le faire et ne rien attraper comme congestion, pneumo- nie? Mystére. La Providence était bien la, 4 son poste. Car un bain pareil, sous 23 a 30 degrés sous zéro, devait bien. étre mortel, me dirent ensui- te mes amis. Et c’est bien dans de pa- reilles circonstances qu’ap- paraissait dans ce pays per- du l'amitié de homme pour homme. Ces étres rudes et durs pouvaient devenir tout a coup de véritables fréres pour celui qui était dans la peine ou le danger. Et cet esprit de fraternité, nous en avons eu le réconfortant témoignage tout au long de notre malheur. Bref, arrivés sur les lieux de l’accident, nous rencon- trames d'autres attelages qui, partis aprés nous du relais, étaient arrétés. Les hommes se mirent aussitét au travail: étendant sur la glace et jusqu’au bord de la cassure des perches et des madriers pour répartir le poids, chacun encordé par un cable, ils commencérent a récupérer, avec des crochets emmanchés, les sacs postaux qui flottaient encore en sur- face, et en fouillant sous Veau, tous ceux qui, ayant coulé, n’avaient pas été en- trainés. On en sauva une vingtai- ne environ. Quant aux trai- neaux et aux chevaux, ils étaient introuvables sous la glace, drossés par les cou- rants ou par-les derniers soubresauts des pauvres bé- tes en agonie. Qu’étiez-vous devenus, mes braves Tom et Chief, mon petit Jack si courageux, ma petite Nely si caressante et cependant par- fois si entété? Quand la débfcle printaniére aura li- béré le fleuve de son armure de glace, on verra peut- étre sur uneplage de galets ot le flot vous aura portés vos ossements déja blanchis. Nous quittfmes ce triste lieu a la nuit tombée, car il avait fallu tracer, sur la rive et dans le bois, un chemin provisoire et interdire avec des branches et des troncs la portion de route dangereu- se. Nous ffimes bien soignés et méme gAtés par nos hétes et un freighter descendant vers Athabasca s’offrit 4 nous prendre le surlende- main matin pour revenir chez nous. Au coin du poéle, le soir, il ne fut naturellement ques- tion que de notre accident. A quoi l’attribuer? La glace qui, a cet endroit, était toujours moins épaisse a cause de certains rapides dans ce coude de la riviére, avait di étre félée le matin de notre passage par la grosse charge de |’Ukrainien qui nous précédait de peu. On nous a dit plus tard que le courrier récupéré avait été distribué tel quel, dans la mesure ot I’adresse était lisible, et avec l’expli- cation de cette présentation. ‘- Trois ans auparavant, le courrier relayant notre sec- teur vers la Grande Prairie avait été pris dans un épou- vantable blizzard, et le con- ducteur et l’un de ses che- vaux gelés a mort. C’était la, évidemment, le risque non seulement du métier mais de la vie méme dans ces pays neufs ou il fallait toujours compter sur les caprices de la nature. Le surlendemain, nous re- primes le chemin du retour, du triste retour, aprés avoir exprimé a nos hdtes notre immense reconnaissance pour leur accueil et leur aide. Mais a leurs yeux, c’était la chose toute natu- relle: tant ést forte dans ces contrées si dures 4 ’homme la notion de l’hospitalité. Devenez membre de la Société Historique Franco-Colombienne Cotisation annuelle: $4.00 membre individuel: $10.00 membre groupe A{S MME Catherine Lévesque, 211, 46éme avenue ouest Vancouver, C.B. V5Y 2X2 TRISTE RETOUR A ATHABASCA Le voyage de retour se fit par la piste des bois, un peu moins longue et un peu plus dure, surtout en charge, mais comme nous étions alléges, cela n’avait point d'importance. Et puis, disait notre conducteur, homme de Slave Lake, il faisait moins froid dans ]’abri des arbres que sur lariviére toujours battue par le vent. Le soir, nous campames dans un stopping-place qui ne recevait pas beaucoup de monde en cette période, le trafic se faisant par la piste de glace; par contre, il était trés fréquenté en été et en automne par les chariots qui, pour une raison ou une autre, étaient obligés de monter vers les régions de la riviére de la Paix, la Grande Prairie ou le Mackenzie. Ce relais était habité par un «old timer» qui vivait la avec sa femme, une demi- sang indienne, passant son temps a trapper et a chas- ser. Lui, venu d'Irlande avec ses parents, avait grandi dans le pays du Sud, et était depuis plus de quarante ans dans ce Nord-Ouest absolu- ment sauvage et avait assis- té a la ruée vers l’or du Klondyke. Il se rappelait étre monté vers le Nord avec des chiens et ses raquettes et, par les riviéres et les lacs, étre parvenu ainsi aux terres de Vor. Il avait une téte de vieux patriarche, cheveux blancs longs sur le cou et barbe immaculée sur sa poi- trine, véritablement une fi- gure de vitrail. Il avait eu des enfants qui avaient conservé le caracté- re ancestral de nomade de la Saviez-vous quil existait un journal en francais au début de la colonie? 2K KO OOK LE COURRIER DE LA NOUVELLE-CALEDONIE informait les premiers colons de la Colombie-Britannique Procurez-vous les exemplaires existants du 11 septembre 1858 au 8 Octobre 1858. ECRIVEZ A: SOCIETE HISTORIQUE FRANCO-COLOMBIENNE a/s Mme Catherine Lévesque, 211, 46é@me avenue ouest, Vancouver, C.B. V5Y 2X2 PRIX: $1.25 + $0.25 pour la poste: mére qui, malgré l’age et les conditions de vie, portait sur son visage une noblesse de traits et d’expression, com- me devaient en avoir les vieux chefs indiens, avant Yapparition de la soi-disant civilisation. Ces enfants, tous garcons, devenus hom- mes, étaient partis toujours plus loin vers le nord, devant les Blancs dont les défriche- ments faisaient fuir peu a peu les bétes 4 fourrure vers les territoires encore invio- lés. Lorsqu’il apprit notre in- fortune par la bouche de notre conducteur, le vieil homme dit quelques mots en indien a sa femme qui, sortant, revint bientét avec des perdrix et un morceau d’orignal conservés gelés dans une resserre a viande. Et, spectacle touchant et qui fut une surprise pour _ nous, nous vimes le vieux tirer d’une caisse, sous un lit (ou ce qui en faisait office), quelques gravures pieuses qu'il épingla sur la paroi de logs, avec un grand «Merry Chrismas» et quelques bran- ches de sapin qui leur fai- saient un cadre. Et nous sfimes alors que c’était la Noél: dans les heures terri- bles qui nous avions vécues, toute notion de temps s’était abolie et nous avions compleé- -tement oublié que, normale- ‘ment, nous aurions df@i arri- ver ce soir-la chez nous, a Athabasca, pour la féte fami- liale. Avant le repas, debout et trés droit devant cette sorte d’autel, il récita quelques priéres et chanta quelques cantiques auxquels nous ne comprenions pas grand-cho- se, mais nous nous unissions | par la pensée aux priéres qui devaient étre dites partout, dans le monde, dans les villes rutilantes de lumiéres comme dans les_ coi plus reculés, dans t langues et sous toutes les latitudes. Le repas fut pour nous une révélation. Nous étions complétement abasourdis de voir comment, en ce lieu perdu, avec des moyens du bord trés limités, cette vieil- le femme avait pu confec- tionner ce que nous appela- ~ ; mes un banquet: un porridge au lait, des perdrix sautées a la poéle avec des tranches de bacon, un steak de «moose» trés mince grillé sur une tédle, des beans et des pan- cakes avec du sirop d’érable et de la confiture d’airelles que la maitresse de maison avait faite elle-méme. be Nous offrimes, pour notre part, le brandy et le tabac que le manager de la Hud- son’s Bay de Sawridge nous avait offerts 4 notre départ. Et la nuit passa dans la cuisine bien chaude ot nous nous enroulames dans des couvertures, sur des peaux d’ours que le vieil Irlandais avait étendues pour nous sur © les planches du sol. : Au départ, le matin, il ne voulut rien recevoir de nous, en paiement de son hospi- talité, et son refus était tellement noble que nous ne pouvions insister. —En cette nuit de Noél, c’est Jésus qui vous a en- voyés vers moi! Je me souviens toujours de ces paroles et, dans ce crépus- cule ot ma vie est entrée, je comprends en évoquant ce souvenir que la charité est bien souvent dans les coeurs ow on ne la chercherait pas, parmi les plus pauvres et les plus déshérités mais qui, en — g donnant peu, donnent tout... (A SUIVRE)