Les Chevaliers du Subjonctif, Erik Orsenna, Editions Stock, Paris, 2004. Nous retrouvons dans ce livre les deux personnages de La grammaire est une chanson douce, (voir le compte rendu dans Le Réverbére de juin 2003), soit Jeanne qui a maintenant douze ans et son frére Thomas, un peu plus Agé. Ils ont échoué dans une ile étrange dont les habitants sont des mots et ou régne un dictateur, Nécrole. Jeanne entreprend une grande enquéte sur ce qu'est l'amour. Elle est aidée par son nouvel ami, le cartographe, avec qui elle se proméne en planeur au-dessus des iles avoisinantes dont il veut faire le tracé. Ils survolent ainsi I'ile des verbes a ['infinif, infinitif signifiant infini, ces verbes peuvent donc tout faire; puis l'ile des fous, habitée par les verbes a l'impératif qui ne cessent de donner des ordres contradictoires, enfin ile du subjonctif. Cette derniére met le cartographe au désespoir car ses contours et ses paysages changent continuellement. Pourquoi donc? C'est que le subjonctif est univers du doute, de I'incertitude. Quand, a la suite d'un accident, Jeanne et son compagnon atterrissent sur cette ile, ses habitants leur font féte. Les subjonctifs sont tres heureux qu'on s'intéresse encore a eux, ils craignaient qu'on ne les. ait complétement oubliés. Jeanne comprend pourquoi Nécrole, le dictateur, déteste les subjonctifs: ils représentent le mode du possible, du changement et impliquent donc la possibilité de la critique du monde tel qu'il est avec ses injustices, ses inégalites, sa pauvreté, ses tyrans... Elle découvre que le subjonctif est également le mode de imagination, de l'espoir, du réve et de l'amour, ce qui la raméne au sujet de son enquéte. Jeanne finit par retourner dans son ile de 'indicatif parce qu'elle est tres attachee au réel. Mais elle n'oubliera pas le subjonctif et continuera de le défendre. La grammaire est un sujet d'études généralement considéré comme ennuyeux et fastidieux; pensons par exemple au Bon usage de Monsieur Grévisse, cet ouvrage monumental, condensé de la grammaire francaise, livre si épais, si lourd, si plein d'exceptions et de régles, si peu attrayant. En contraste, par son récit fantaisiste délicieux, Erik Orsenna donne des ailes a la grammaire, nous fait réver au pouvoir des differents modes. L'indicatif, _ |'infinitif, 'impératif, le subjonctif deviennent des mots vivants au pouvoir mystérieux. J'ai beaucoup aimé ce livre qui s'apparente au conte et qui m'a fait penser au Petit Prince de Saint-Exupéry. Un ouvrage a recommander a tous les professeurs de frangais. Monique Genuist