VOLUME 9 - 3° EDITION- ISSN 1704 - 9970 Elle peut espérer, de la sorte, récupérer |’équivalent d’un peu moins de cing dollars par journée de labeur. Ceci satisfait amplement son époux, car, par ici, un ouvrier n’en toucherait pas le double, sachant surtout que, sous menace de lui faire perdre son emploi, une partie en sera prélevée par des agents du personnel. Le travail est rare et, naturellement, s’achéte a prix fort. Ainsi donc, en dépit de la fatigue causée par les quelques fragments du métal précieux recueillis les jours de chance, la fraction d’un gramme d’or ramenée au domicile est un soulagement pour la fa- mille et une source de fierté pour Minata : en plus d’étre jeune, belle, de s’activer au champ, elle gagne ainsi en respect aux yeux de son conjoint et, de surcroit, éveille la jalousie des autres couples du village. A remarquer les immenses flaques d’eau inondant la savane, les sentiers, le vallon, et la brume se lever dés les premiers rayons du soleil, Minata pergoit mieux encore combien la pluie a été des plus violentes. La zone aurifére a di étre intensément labourée par les torrents. Elle ceuvrera au- jourd’hui au plus profond d’un bourbier ; peut-étre aussi, raménera-t-elle plus d’or qu’a l’habitude. De fait, ses pieds se perdent a présent dans une gadoue sans fond, alourdissant le bas de son pagne d’une gaine plastique rouge. Elle progresse prudemment, évitant de marcher sur des branches épineuses, emportée par le courant et dissimulée sous la boue, ou d’étre piquée par un scorpion rouge, si nombreux en cette région et probable- ment amassés en ce lieu de la méme maniére. Elle n’observe le cahot environnant que par instants, méme assez distraitement, ne sachant pas trop par quel bout commencer ses recherches. Elle se rend en cet endroit bien avant toutes les autres femmes de Karikarissa afin d’occuper, la pre- miére, l’endroit le plus prometteur. Elle passe pour reconnaitre fort bien les places de choix ot le métal abonde. Cependant, ne lui demandez pas de quelle technique elle use si efficacement, elle ne le sait pas. L’expé- rience peut-étre ? Probablement, elle penserait plutdt au soutien bienveil- lant des ancétres. Cependant, le temps presse et tout cet atterrissement gorgé d’eau la ralen- tit ; les autres orpailleuses ne tarderont a pas a arriver. Elle léve les yeux, regarde autour d’elle. Le soleil, déja assez haut illumine tout le vallon. La, a quelque distance, entre les racines d’un grand arbre arraché et ren- versé, enchassé dans une boue a peine séchée, brille, collée aux radicel- les, de l’or ; une pépite, deux pépites, énormes comme jamais il ne lui a été donné de contempler. Un monceau d’or ! Elle s’affole. Elle doit s’en emparer au plus vite, avant l’arrivée des autres.