a A i A A tc tt es LA 3 FRANCOPHONIE par Roger Dufrane_ Le 26 novembre 1969, le Groupe Francophone de la Colombie Britannique comp- tait environ un an d’exis- tence. A cette occasion, Monsieur René _ Chenoll, Monsieur Tom Meikle et moi, nous nous retrouvions 4 cinq heures trente aprés- midi dans un studio de Radio- Canada 4 1’Hdtel Vancouver. Nous ne nous étions nulle-' pos 4 échanger avec l’an- étions de participer A un groupe répondant aux voeux de tous les membres ; par- ler francais entre nous et bals, dimers, films, fétes’ enfantines I’hiver ; et par des campings, pique-niques. et autres sorties 1’été. L’annonceur, jeune, che- veux longs, l’esprit prompt et 1’oeil vif, ne l’entendait pas ainsi. ‘‘Rebonsoir, dit- il. Nous allons parler du fait frangais en Colombie Bri- tannique’’. Cette entrée en ce qu’un fait? Ce terme re- couvre tant de sens diffé- rents qu’il ne veut plus rien dire. Et si notre interlocu- teur entendait par 14 la si- tuation du francais en Co- lombie Britannique, il se leurrait sur notre savoir. Quoi qu’il en fdt, 1’annon- ceur, avec courtoisie du res- te, chercha sans tréve 4 ai- guiller l’entretien sur le bi- linguisme, la scolarité, et méme des fariboles comme de faire contrepoids A la culture de l’est. Ce contre- poids me fit bien rire. Il faut dire que l’équipe de Ra- dio-Canada se composait de ment concertés sur les pro- | nonceur, conscients que nous’. occuper nos loisirs par des’ matiére m’amusait. Qu’est- *} Ue wy WAI DNG BRU ila ep ACE Ay couver, dont le foyer cultu- rel rayonnait 4 Montréal. Ils se voyaient comme des pionniers d’un nouveau genre venus répandre la bonne se- mence par-dela les Rocheu- ses. Ce qui semblait étonner l’annonceur, c’était de voir des francophones se réunir si loin, non pour revendiquer des écoles francaises et au- tres avantages apparentés ; mais tout bonnement pour s’ amuser, bien manger et bien. Ne ‘ fae j OLY PALACE y/} rire. Monsieur Chenoll, no-. tre président, avait beau ré- péter : ‘*Nous ne voulons pas empiéter sur les plates ban- des des autres. Nous lais- sons 4 1’Alliance Francaise et aux organismes scolaires le domaine culturel.’’ L’an- nonceur revenait chaque fois 4 sa marotte. A certain mo- ment, il s’exclama, bourde ou boutade, je me le deman- de encore ; ‘Il n’y a pas d’ he 4) ‘*% bad moti’ WALKING otha ds: er! écoles !’’. Cette remarque fit bondir Monsieur Meikle. Né A Vancouver, professeur expérimenté, Monsieur Meikle en profita pour re- marquer que si des enfants d’origine frangaise 4 Van- couver ne parlent pas fran- cais, la faute est moins im- putable aux écoles qu’aux pa- rents qui s’adressent 4 eux en anglais. Pour ma part, je trouvais bien inconsidérée cette af- firmation gratuite de l’an- nonceur. Mais je n’osais le critiquer : il était sisympa- thique. N’empéche, je me di- sais que, nouveau-venu, il ne pouvait connaftre la situation A cet égard. Il ne pouvait connaftre le Couvent du Sa- cré-Coeur, ni York-School, oui des régentes de collége , originaires de Paris, ensei-- gnaient le francais ; 1’Ecole Saint-Sacrement, od non seulement s’enseigne le 'frangais, mais od on en in- LY culque l’amour ; 1’ Ecole secondaire Eric Hamber, of un Lorrain féru de Camus montait une piéce de théatre ; International House, 41’Uni- versité, of les étudiants se réunissent le vendredi midi pour pratiquer leur francais. **Croyez-vous, me demanda en substance 1l’annonceur, que se gaver de tourtiéreg et boire de bons vins contri- bue au fait francais re ee Encore cette expression ri-§. golotte ! J’y répondis, si je m’en souviens, que c’est avec du miel qu’on attire al abeilles. Je trouvais déj bien beau que des amis d la langue frangaise se réu- nissent ; et Monsieur Che- noll signala méme que ieq collégiens seraient bien ve- nus parmi nous pour prati- quer leur francais. A la fin de l*entrevue, oy annonceur nous adressa son| meilleur sourire. Déja sour- dait une chanson qui s’am- plifiait pour accompagne comme d’une Marseillais notre départ : Le p’tit bal du sam’di soir Od le coeur plein d’espoir Dansent les midinettes... Cela m’égaya et je rentra chez moi en sifflotant. De- puis lors, j’ai gotté beaucoup de plaisirs au groupe franco- phone. Ma téte bourdonne de bals, de fétes et de jeux. Les comités annuels se sont renouvelés, et le caractére du groupe, comme tout ce qui vit, a évolué. On en est venu 4 distribuer des prix de fran- gais et 4 répandre la bonne parole parmi les déshérités. Ah ! Sirevenait l’annonceur de’ 1969 ! Il rirait dans sa barbe en se frottant les mains. ICRITIQUE CRITIQUEUR? par Ladislas Kardos nouveaux-venus a Van- A quoi sert le critique et qu’est-ce qu’il doit faire¢ Encourager l’artiste ou le. corriger pour qu’il puisse apprendre et s’améliorer¢ Le critique doit-il dire au public ignorant si oui ou. non il doit applaudir une piéce de théatre, acheter un tableau ou admirer un bruit, sous prétexte que la musique moderne évolue vers de nouvelles formes d’expression et de tonalité? Au fond, je pense que ‘‘le 2ritique’’ en tant que ‘‘cri- tiqueur’’ ne devrait pas exis- ter. Commentateur oui, cri- tique non. Ceci pour deux raisons : 1) L’art est une expression de 1’4me humaine et ne peut donc pas @étre mesurée au centimétre ou au poids. Tout pour communiquer avec au-. trui est sincére, méme si la sincérité ne consiste qu’A mentir, bluffer, 4 gagner de et 4 vivre. 2) Jusqu’A quel point ce cri- tique est-il capable de juger d’une fa¢gon objective si la non! Le critique est certai- nement influencé par son éducation, sa digestion et le milieu dans lequel il vit. De ce fait, A mon avis, un critique ne doit jamais dire: cette piéce de théatre est ce qu’un étre humain fait © l’argent, bref A s’exprimer - production théatrale ou unex sculpture ont de la valeur ou , sonnellement je n’ai pas ai- mé, je n’ai pas apprécié ce que j’ai vu. La meilleure fagon dans ce cas serait de ne rien dire dutout. Le silence pour- - : - Malheureusement, rait 6tre un signal pour l’ar-_ tiste de réfléchir, de cor- riger, d’améliorer son oeu- vre. Le fait est que 1’évolution de la création artistique se fait en dehors de 1’opinion des critiques. Pensez aux critiques qui condamnaient les impressionnistes et ceux qui vociféraient contre Wag- ner. Par un de ces miracles de la création, |l’artiste pressent l’évolution et son oeuvre forme le goft du pu- blic et sera accepté méme si les critiques le rejet- tent. : Mais le critique est seule-. ment humain. I] veut vivre, manger, s’amuser comme tout le monde. Il a besoin d’argent et puisqu’il ne sait pas créer, il critique. C’est’ une profession trés an- .cienne, qui fleurit sur son propre engrais et qui a un role A jouer. Celui certaine- ment au moins, de nourrir chichement souvent celui qui l’exerce. Et parlons maintenant de ‘40 Years on’’ d’Alan Ben- nett. Il paraft que c’est une trés bonne piéce. Dans uné école anglaise, lors du dé- part du Directeur, les é1é- ves et les professeurs don- nent une représentation de différentes scénes, basées sur des personnalités de 1’ histoire anglaise. nous étions 4 la premiére et les. acteurs - dont 16 sont des garcons, éléves d’une école de Vancouver - ne savaient pas encore leurs textes, ou bien, s’ils le savaient, ils ne s’exprimaient pas assez. clairement. En plus, l’ac- cent d’Oxford forcé de Pax- ton Whitehead et Graeme Campbell me faisait perdre bien des reparties, qui étaient peut-étre dréles - A juger par les éclats de rire qui. fusaient dans la salle et qui m’énervaient. Je ne trouvais pas drdle, par exemple, Il’hilarité provo- quée par une remarque, di- sant que pendant lapremiére guerre mondiale les gens perdaient beaucoup.. méme leurs illusions ! L’auteur dit des choses tristes et pro- fondes, mais la fagon dont elles sont dites sur scéne et la fagon dont une partie du public réagit en riant, est déplacée. La piéce est sans grand in- térét sauf pour quelqu’un qui a fréquenté une école privée anglaise vers 1918; je suis étonné que la Di- rection du Playhouse ait choisi cette piéce, alors qu’ aujourd’hui, tellement de _tre personne ; piéces écrites et produites commentent des problémes d’actualité si nombreux dans notre monde en pleine évo- lution. Au moment od nous nous entendons avec les Rus- ses et les Chinois et od la guerre froide entre les. classes sociales commence. sérieusement 4 menacer no-j tre bonne petite existence: bourgeoise, of nous devons! chercher ot prendre l’éner-| gie demain pour faire mar- cher tous nos gadgets, il pa- raft dommage de perdre une soirée avec une piéce de ce genre. : Mais comme je viens de le: dire - je ne suis pas un cri-| tique, je ‘‘commente’’ et je: donne mon avis. J’espére que personne ne refuseral d’aller voir cette production pour deux bonnes raisons :| premiérement les goftts sont différents et ce qui ne me dit rien, peyt amuser une au- deuxiéme-. ment, j’aime Ie Playhouse- theatre et je voudrais qu’il continue 4 prospérer pour le plus grand bien de notre bonne ville de Vancouver. 1 mauvaise. I] doit dire : per-, XIV LE SOLEI 10 NOVEMBRE TONS :