: h $ h > , f | Le Souen ve Cotomse, venprevi 8 octosre 1993 - 13 Le 126me festival international du film de Vancouver Claude Fortin : «Notre vie, c’estla precarite» Avec Le voleur de caméra, Claude Fortin, 35 ans, a réalisé son premier film, une critique du systéme social et des médias tels que les pergoivent aujourd’hul les membres de Ia “génération perdue”, - Le Soleil : Le voleur de caméra est une critique de la maniére dont fonctionne la télévision aujourd’ hui. Quelui reprochez- vous ? - Alors que nous avons été élevé par la télévision, ellenereprésente pas notre génération. Nous n’avons pas aujourd’hui les moyens de nous exprimer car ceux qui la conceptualisent appartiennent a une autre génération. C’est tout le concept de télévision publique qui est devenu trop éloigné de la population, a limage du gouvernement. Ce n’est plus une télévision publique mais une télévision d’ Etat. J’aimerais voir une télévision moins bureaucratique, presque coopérative, oli tous ceux qui sont sur le terrain auraient le pouvoir de décision sur ce qui est diffusé. Avec les progrés technologique comme le A8, il est possible de faire une télévision qui coite beaucoup moins chére. Mais les télévisions ne sont pas préte a l’accepter. - Votre film fait sans cesse référence 4 cette génération perdue composée de tous ceux qui sont nés aprés 1957. Pourquoi 1957 ? - C’est une sorte de pied-de-nez, carc’estl’année de manaissance ! Mais c’est aussi 1l’année de l’apogée des naissances au Québec. Pour moi, c’est l’année qui marque le début du déclin. Aprés cette date, les naissances baisse, comme si nous étions de trop. En 1975, je suis sorti du secondaire et ca a été le début de ces crises a répétition. Notre génération est la premiére a vivre ainsi. Nous n’avons jamais eu le temps de prendre notre place dans notre société. Notre vie, c’est la précarité, le BS et le ch6mage. Les baby boomers nous disent d’attendre, mais jusqu’a quand ? J'ai 35 ans... - Le personnage que vous mettez en scéne - vous-méme - est trés indécis sur les solutions & adopter... - C’est parce que les solutions ne sont pas simples. La situation sociale ne s’améliorera pas en 10 ans. Il s’agit d’un trés- long processus. On m’a reproché de n’étre pas assez agressif. Mais je voulais que mon personnage soit un amateur, avec toute sa naiveté. Ila des idées mais n’est pas certain de vouloir les assumer. Mais ce qui est clair, c’est qu'il faut inventer d’ autres facons de vivre, puisque le modéle des baby boomers ne fonctionne plus. Aujourd’hui, c’est stupide de devoir passer d’un programme d’emploi a un autre tout a fait différent. C’est décourageant et inutile. Nous y perdons toute motivation. J’en connais beaucoup qui choisissent de rester sur le BS. Au moins, cela permet de faire avancer ses idées. Il faudrait qu’on nous donne le droit de rester sur le BS pour faire nos affaires. Moi, j ai fait ce film avec un budget de Téléfilm de 32 000 dollars, tout en étant sur le bien-étre social. Mais jene pouvais pas le dire. Il faut que cela change. Propos recueillis par Frédéric Lenoir Nicolas Philibert : «Repenser la grammaire du cinema» Le réalisateur francais Nicolas Philibert a travaillé deux ans surun film documentatre, Le pays des sourds, qui propose une découverte du monde de Ia surdité. - Le Soleil : Comment en étes- vous venu & faire un film sur le monde des sourds ? - Nicolas Philibert : C’est un vieux projet qui remonte a une dizaine d’année. Un peu par hasard, je me suis retrouvé 4 suivre un cours de langue des signes. J’ai alors découvert la beauté et la richesse de cette langue, sa capacité d’expression. C’est une langue d’image : pour un cinéaste, il y avait 1a quelque chose d’extrémement séduisant. Un premier projet de fiction n’a pas abouti. Il y a deux ans, j’ai repris ce projet sous forme de documentaire. : - Votre film donne une vision trés sereine du monde des sourds. Est-ce que cela correspond a la réalité ? - Le film ne fait pas l’impasse sur les problémes des sourds. On voit notamment combien il est long et difficile pour un sourd d’ apprendre a parle oralement. Mais il n’était pas question pour moi d’aller du cété du misérabilisme, de la pitié. J’ai choisi de préférence des personnes qui vivait leur surdité avec sérénité, voire, avec une certaine fierté. Globalement, chez les sourds de naissance, il y a ce refus d’étre considéré comme handicapés. N’ayant jamais entendu, ils ne ressentent pas leur surdité comme un manque. Mais la plupart des sourds sont plutét en marge et souvent coupés du monde dans leur vie quotidienne. D’oi cette volonté de se retrouver entre eux. De maniére générale, leurs relations sont beaucoup plus directes que les nétres car pour communiquer, ils sont obligé de se regarder en face. - Délibérément, Le pays des sourds est un film de cinéma et non un documentaire destiné a la télévision. A quoi correspond ce choix ? - La langue des signes est un langage d’image. Il importait donc que ce film soit un langage de cinéma. Filmer des sourds nous a contraint 4 repenser la grammaire du cinéma. Car si l’ouie opére a “360 degrés, il n’en va pas de méme pour le regard. On ne peut pas faire de champ/contre-champ. Cela modifie toute la pratique du tournage et du montage. II était par ailleurs important de faire un documentaire de cinéma qui se démarque du _ traditionnel documentaire didactique, un peu rébarbatif. D’oui l’idée de raconter plusieurs histoires, enfaisantnaitre des personnages, a l’égal d’un film. Un personnage de cinéma avance, progresse vers quelque chose. Ici, il y a une progression et notre regard évolue peu a peu. Le film fonctionne avec des émotions, et non avec des vérités assenées ; il suscite des questions plutét qu’il n’apporte des réponses. - Selon vous, les sourds sont-ils bien intégrés A la société en France et en Europe ? - Il y a un trés long chemin a parcourir. La langue des signes est a peine tolérée en France, et elle a été longtemps interdite. Il faudra sans doute du temps avant que qu’elle soit reconnue et introduite dans le systéme éducatif. Et de longues années avant qu’on donne aux sourds la possibilité d’accéder a des professions plus gratifiantes que les positions manuelles ot ils sont cantonnés. A cet égard, c’est le jour et la nuit par rapport 4 l’ Amérique du Nord ou des sourds sont médecins ou avocats. Propos recueillis” par Frédéric Lenoir Le sexe des étoiles Québec, 1993, 100 min - De Paule Baillargeon avec Marianne Mercier, Denis Mercier, Tobie Pelletier, Sylvie Drapeau. Pour son second long métrage, Paule Baillargeon a choisi de mettre en scéne les troubles et les questionnements d’ une adolescente confrontée 4 un pére devenu transsexuel. Un sujet difficile, traité avec poésie et émotion et soutenu par une belle interprétation. Le sexe des étoiles estincontestablementun beau film sur!’ apprentissage de la vie. A voir. Le voleur de caméra The Camera Thief - Québec, 1993, 106 min - De Claude Fortin avec Claude Fortin, Madeleine Belair, Jacinthe Marceau. Malmené par la crise, désabusé a force d’ avoir pour unique perspective les chéques du bien-étre social et du ch6mage, un jeune homme vole la caméra d’un reporter dans une rue de Montréal. D’abord indécis quant a son utilisation, ill’ apprivoise pour réaliser une vidéo dénoncant la manipulation des médias qu’il adresse de maniére anonyme a Radio Canada. Le premier film de Claude Fortin, tourné avec un budget de 32 000 dollars, exprime de maniére chaotique et souvent audacieuse, les malaises d’une génération perdue, celle qui bercée par la télévision, a grandit avec la crise (cf interview). La Florida Québec, 1993, 111 min - De Georges Mihalka avec Rémy Girard, Pauline Lapointe, Raymond Bouchard, Gildor Roy. Lassé du froid, un conducteur de bus de Montréal entraine sa famille en Floride ot il a décidé d’ouvrir un motel. Trés vite, il se heurte a la mafia québécoise locale, furieuse de voir s’installer un concurrent qui ne respecte pas les régles du jeu. Une comédie sur fond de concours de bronzage, de palmiers et de grosses américaines. Malheureusement, ni la distribution, ni le budget, tous deux conséquents, ne parviennent pas 4 sauver un mauvais scénario. L’accompagnatrice The accompa- gnatrice- France, 1992, 111 min - De Claude Miller avec Richard et - Romane Bohringer. Reger tes années quarante. Sur fond d’occu- pation allemande, une jeune pianiste devient 1’accom- pagnatrice d’une grande diva et pénétre dans un univers de luxe et de distinction. Le passage a l’age adulte d’une adolescente filmé avec justesse par Claude Miller. Romane Bohringer, la nouvelle étoile montante du cinéma frangais y est convaincante. Une nouvelle vie A new life - France, 1993, 124 min - De Olivier Assayas avec Judith Godréche, Sophie Aubry et Bernard Giraudeau. Le dernier film d’ Olivier Assayas, un des jeunes talents du cinéma frangais, met en scéne la confrontation de deux demi- soeurs au destin opposé, dont I’une a été rejetée a la naissance par un pére soucieux de préserver sa respectabilité. Avec sa maitrise confirmée de la caméra, Olivier Assayas explore en profondeur les ambiguités des sentiments de ses personnages.