14— Le Soleil de Colombie, vendredi 15 juin 1984 Explorateurs du passé Par Alexandre Spagnolo Cartier en France Pendant que Jean Francois de la Roque de Roberval se démenait au Canada, Cartier eut des ennuis en France. Les. diamants n’étaient que du vulgaire cristal de roche, du quartz probablement. L’or et Vargent réels, mais en si petites: quantités non-exploi- tables, donc pas de richesse pour la France. D’un autre cété, encore une autre guerre avec Charles V d’Espagne, donc plus d’argent pour la_ colonisation au Canada. On a prétendu que le Roi aurait demandé a Cartier d’aller a la rescousse du Sieur de Roberval au Canada, sui- vant l’historien Robert D. Fergusson comme aussi que Roberval aprés un séjour en France, revint au Canada, pourquoi? Aucune trace. Tout cela est confus. Plus tard, en France, la rencontre de Roberval et Cartier fut, comme on le pense, trés orageuse, chacun mettant sur le dos de l’autre, les échecs, les déboires, tandis que le Roi se maintint sur une certaine réserve, ne vou- lant blamer aucun d’eux, alla méme par les indemniser des frais: supportés en supplé- ment; il nomma de Rober- val, directeur des Mines de France quelques années plus tard, ce dernier fut tué a Paris lors d'une échauffourée, on a pensé par un _ bras vengeur pour ses cruautés de jadis. Cartier peinard Au cours de prochaines années, Cartier s’occupa d’ac- tivités commerciales entre les ports de France et ceux. du Portugal disposant de quel- ques navires et la Grande Hermine, fit des profits sub- stantiels. Il devint une importante figure a Saint-Malo, son nom se trouve dans les registres des paroisses, comme parrain, le «Godfather» de nombreux nouveaux-nés de ses parents et amis, qui désiraient qu’ils fussent un exemple du vail- lant Jacques Cartier. Agé, Cartier se retira dans. ‘son manoir, il ne faut pas oublier qu'il était Seigneur de Limoilou, suivant l’historien James P. Baxter, dans son ouvrage «His Voyages to the Saint-Lawrence», Edition Dodd (1906), et avec sa femme, Catherine des Gran- ches, riche héritiére Bretonne, fille du Chef de la police de Saint-Malo. Cartier mena une vie calme et de souvenirs. Les grands vents, les mers démon- tées,, les rigueurs de l’hiver au Kanata, lui furent des choses du passé. A sa résidence, vinrent des géographes, des cartographes d'Europe, voir ses cartes, lire ses narrations, de tenir de premiére main ses impressions sur les peuplades, les terres qu'il avait vues. Ce n'est que soixante ans plus tard, que Samuel de Champlain visita et raviva la Nouvelle-France | oubliée et convainquit Henri IV d’y créer une colonie et fonda Québec (l’ancien Kébec, I’an- cien Stadacona) en 1608. La derniére attestation con- nue est celle du registre de la Mairie de Saint-Malo, datée du premier septembre 1557, trés laconique : «Mercredi, vers 5 heures du matin, mourut Jacques Cartier». Jacques Cartier Jacques Cartier aujourd hui Aprés 450 ans, Cartier est le héros diment reconnu, tout semble étre d’abord par J'ini- © tiative du Québec, principal’ intéressé, puis par la France: dans le cadre de sa ville natale de Saint-Malo. De trés nombreuses festi- vités marqueront ce 450éme anniversaire de son explora- tion de cette terre qui devait devenir le Québec en passant’ par la Nouvelle-France : les deux péles d’attraction seront simultanément Saint-Malo et Québec. C’est un héros maintenant, déclare Daniéle Lefebvre- Weicz, attachée de presse du Comité de Jacques Cartier, établi par la Mairie et la Chambre de commerce de Saint-Malo. Il n’a pas été un héros pour ses contemporains, méme aurait’ décu le roi Francois ler, déclare le Globe and Mail du 9 avril, qui ajoute, que la rue Buhen, ow il est né, est connue, mais pas sa maison. Aucun portrait ne fut peint sa vie durant, bien que plusieurs artistes depuis en ont fait , le’ «romantisant» sur le bastin- gage de son navire la Grande Hermine. Si, ce n’est ]’inté- rét tout particulier démontré par les Canadiens-frangais attachés aux vestiges de sa vie, quil aurait été trés proba- blement presque oublié. _ Son manoir 4 sept kilomé- tres de Saint-Malo avec une _ ferme de type breton, a été restauré grace au millionnai- re montréalais David Arnold Stewart, ancien président de la MacDonald Tobacco Com- pagny, un fervent admirateur de Cartier, il l’acheta en 1978, n’était méme pas déclaré mo- nument historique. Ce mécéne alla plus loin, il fonda la Société des amis de Jacques Cartier, avec l’aidedu gouvernement, d’institutions culturelles etc. Il fit trans- former cette vieille demeure en le Musée de Cartier et du Nouveau Monde, qui sera inauguré le 19 mai prochain. Toujours, suivant le Globe and Mail, c'est grace a VAmbassade du Canada, Paris, et le Consulat de Marseille, que le fait Cartier est si brillamment mis en évidence. Les derniéres oeuvres pic- turales de notre artiste qué- bécois René Gagnon, qui a bien. captéles régions désertes, rocheuses des rives du Saguenay, il est en tournée en. France pour une période de’ trois mois, en mission de promotion pour ce 450éme anniversaire. Triste décés. Le 27 avril dernier, le philanthrope, le mécéne David Arnold Stewart a reridu le dernier soupir a |’H6pital de Montréal, aprés une courte maladie, il avait 64 ans. Déja, en 1973, Stewart avait vendu ses intéréts dans la MacDonald Tobacco Company et placait le pro-- duit dans la Fondation MacDonald-Stewart, une ins- titution pour la restauration des vestiges pertinents 4 |’his- toire du Canada. Les réalisations, 4 part les vestiges Cartier de Saint- Malo, le navire la Grande Hermine, sont celles du Chateau de Ramezay qui passa en un musée dédié 4 l'histoire des 18@me et 19éme siécles de Montréal, du Musée de TTle Sainte-Héléne (Montréal), etc. __ Sa veuve Liliane et cing enfants lui survivent. Nous lui devons beaucoup. Un exem- ple a suivre. Histoire de portraits Des portraits de Jacques Cartier, il y en a eus bien peu, ceux existant n'ont pas une grande paternité, comme celui en tenue de pirate. On a mentionné que ce Malouin, au cours de sa jeunesse, a taté de la piraterie, s’attaquant, pillant les navires espagnols retournant a leur port d’at- tache, chargés de richesse, on ajoute méme qu'il était de la race des corsaires malouinsqui rendit la vie dure aux Anglais du 16éme au 19éme siécles. Avait-il vraiment ce visage si. dur? L’autre, le représente avec un air pensif, méme anxieux, ce portrait apparait presque dans tous les ouvrages, mais 4% on doute de la ressemblance. Qu’en sait-on? Ce portrait se trouve actuel- lement aux Archives publi- ues du Canada, exécuté par Théophile Hamel vers 1960, < copie d’une se trouvant a l'H6tel de ville de Saint- Malo, peint par Francois Riss, en 1839, qui, a son tour s'est inspiré d’une esquisse exposée jadis a la _bibliothéque: National de Paris, qui n’y se trouve plus ... Comme, il y a toujours des obstinés, le docteur Gustave Lanctot, devant cette situa- tion confuse, s’est attardé a les portraits de étudier signale deux autres dessins- portraits de Cartier de son époque, un sur une carte de Pierre Descelliers, le second mata 9 sur |’Atlas Vallard, de 1547. Histoire de publications ‘Aprés Vhistoire des por- traits, celle des publications des notes, récits de Jacques Cartier, fortement discutée par de nombreux historiens, nous en retenons une 4a toutes fins utiles. Cartier et voir du cété du peintre Léopold Massard, qui, lui s'est inspiré d’une esquisse apparue sur la Carte dite Harléienne du British Museum, dessinée presque aprés le retour de Cartier de ‘son 3éme voyage. Bref, on est toujours dans le domaine de l'imprécision. Du «The Colonial Dream» de Harold Horwood, nous relevons cet étrange et fan- taisiste dessin de Jacques Cartier publié par le Codex Canadensis, vers 1700, soit 150 ans aprés sa mort. L’artis- te serait Louis Nicolas, un jésuite miscionnaire défroqué. Le méme susdit historien Il parait que le premier récit populaire des voyages de Cartier ne fut pas d’abord publié en France, ni en Angleterre, mais bien en Italie, en 1556, par Giovanni- Battista Rasmusio : on ne sait ~ comment il l’eut entre les mains, les espions pullulaient a la Cour de France. : On pense que Cartier publia ses notes en 1545, mais on ne trouve pas trace de cette publication 440 ans c’est bien loin. Rasmusio dessina méme une belle esquisse d’Hochelaga, sous la légende «La Terra di Hochelaga nella Nova __ Francia». suivant le docteur Gustave Toujours - Lanctot, la plus récente tra- duction anglaise — _ texte complet —~ des notes de Cartier a été publiée, en 1924, par H.P. Biggar. Au Québec, on doit trouver une masse de publications, dont celle de «Jacques Cartier et la Pensée Coloniatrice», de E. Guernier (1946) et celle - «Jacques Cartier» de l’€crivain canadien Lionel-Adolphe Groulx (1878-1967), le fana- tique du nationalisme canadien-frangais, du slogan «Notre maitre, le passé», l’au- teur de «L’Appel de la race». A batons rompus Un historien canadien a vu en Jacques Cartier, un des seconds de _ |’explorateur- navigateur Florentin. au ser- vice de Francois ler, Giovanni da Verrazzano (1 485-1528) lors de ses voyages sur les cétes de l’Amérique du Nord : cette hypothése ne tient pas comme démontrée par d’autres ‘his- toriens. Il_ ressort que Jacques Cartier aurait navigué assez tét au Brésil ... il aurait fait allusion de ce fait dans sa relation, interpréte en langue portu- gaise ... Cartier ne revint jamais plus au Canada (Kanata), aprés son troisiéme voyage, comme certains historiens lont prétendu. C'est Jean Alfonse, en 1548, qui alla, afin de rapatrier les «délais- sés» de Jean-Francois de la Roque de Roberval, les mal- heureux étaient mal en point. A propos de Jean-Francois de la Roque de Roberval, il n’avait pu rejoindre Cartier, en 1541, comme convenu, parce qu'il avait été talonné par ses créanciers désirant recouvrer immédiatement leurs créances, le menacant de saisie conservatoire. Quelques années aprés son retour en France, de Roberval fit face 4 des poursuites judi- ciaires, fut ruiné, et, comme déja signalé, assassiné a Paris, en 1562, cinq années aprés la mort de Cartier. En 1508, un _ Dieppois, Thomas Aubert aurait tra- versé l’Atlantique et ramené - en France un Indien (le premier) et présenté au Roi Francois ler, qui, dés lors, s'intéressa aux terres lointai- nes et des richesses possibles, pourquoi pas? Les Espagnols en avaient trouvées, et alors ... Il envoya, en 1523, Giovanni da Verrazzano, le Florentin 4 son service, pour une exploration a toutes fins utiles. Suivant le professeur John Robert Colombo dans son «Canadian References» (1976), Kanata viendrait de l'Iroquois «un village», nom qui serait dans les récits de Cartier, en 1535, désignant une régiorfallant tout au long du fleuve Saint-Laurent, de Grosse Ile, a ]’Est a un point entre Québec et Trois-Riviéres, 4 ]’Ouest. D’un autre cété, Levasseur, en 1601, mentionnait «Quebecq» de 1’Algonquin, «un passage étroit.» L’avocat- historien Marc Lescarbot, en 1606, écrivait «Kébec», tandis que Samuel de Champlain, en 1613, pour le définitif 4 Qué- bec». Nous mettons de cété le «Quel bec» d’un plaisan- tin ... Nous passons de Jacques Cartier a4 Trois- Tiviéres, cette ville a l’entrée de la Vallée de la mauricie : cette imbrication semble, a premiére vue, paradoxale, et méme aurait été (suite et fin) pourtant ... Trois-Riviéres Son nom provient du fait que le fleuve Saint-Maurice qui baigne la ville est divisé en trois cours d’eau par I'Ile Saint-Quentin et I’Ile de la Potherie avant de se jeter dans le Saint-Laurent. On cite cette ville comme la deuxiéme la plus ancienne du continent _Nord-Américain. Suivant Thistorien Yvon Thériault, Jacques CArtier, lors de son second voyage entre Stadacona (Québec) et Hochelaga (Montréal) vit ce site qui attira vivement son attention, ayant depuis long- temps l'oeil bionique ..., il l’explora avec quelques-uns de ses hommes dans quelques canots habitude ou manie, il planta une croix au nom de son Roi, et s’en alla: Cartier a-t-il été le fondateur de Trois-Riviéres? Ni peu ni prou, mais 1a ov il planta des croix, les générations futures — édifiérent d’écormes _ villes, Tossature. de notre actuelle province de Québec. Heureuse coincidence _ Voila que 1984. est égale- ment le 350éme anniversaire de la fondation de Trois- Riviéres, avec la célébration . du 450éme de Jacques Cartier, .le Québec a de quoi se réjouir avec grand éclat. La Société Trifluvienne «Le Flambeau» a tout un _pro- gramme de festivités durant les trois prochains mois, dont celle autour du monument: «Le Flambeau», une énorme fléche en granit taillé, sur- montée d’une torche lumi- neuse, édifiée en mémoire de ses pionniers, missionnaires et explorateurs de jadis. Qui fut le fondateur de Trois-Riviéres? On cite. que lors de certaines excavations, on découvrit des poteries, des ‘ outils, des artefacts, de ves- tiges remontant a plus de 4000 ans. Méme un séisme secoua le site. Toujours suivant Y. Thériaults, Samuel de Champlain (1570-1635), un an avant sa mort, 1634 envoya Nicolas Goupil, Sieur de Laviolette, 4 ce site de Trois- Riviéres, avec mission d’y édifier un fort-rempart afin de protéger les colons et leurs alliés les Hurons et Algonquins des sanglantes in- cursions des Iroquois, comme de contrecarrer le commerce illicite des fourrures. Trois-Riviéres, ville natale de Pierre Gaultier de Varennes, Sieur de _ la Vérendrye (1685-1749), fils de René Gaultier de Varennes, Gouverneur de Trois-Riviéres et de Marie Boucher: “A. ~ “la "> Place Turcotte se trouve un monu- ment a la mémoire de Pierre Gaultier, pére de quatre fils, | tous nés a Sorel (Québec), leur nom est attaché a la découverte d’une partie des Montagnes Rocheuses. ; Prétention Trois-Riviéres, la ville la plus francaise du Canada. Les Trifluviens . font ~ spirituelle- ment remarquer que leur cité est plus francaise que Paris ou l’on ne saurait trouver comme chez eux, un popu- . lation de 96% de Francais de vieille souche ... FIN