Les Creditistes et les jeunes Louis-Bernard Robitaille (La Presse) La jeunesse,. il. en a beaucoup été question au cours du congrés. Mais de toute évidence, on parlait d'une grande absente: dans la salle ou sic geait l’assemblée pléniére, l’immense majorité des délégués étaient non seulement des adultes, mais encore des tétes grisonnantes. Les jeunes — si on donne un sens assez large au terme — étaient bien une cinquantaine parmi les quelque 500 délégués au congrés. Samedi, tan- dis que les ‘‘dames” étaient genti- ment reléguées 4 “leur comité’ on envoyait de la méme facon les ‘“‘jeu- nes” discuter de leurs problémes entre eux. Aprés quelques ébauches de discus- sion qui tournaient autour de |’éternel probléme — comment faire “passer nos idées?” comment ‘‘infiltrer”’ la jeunesse? — on en est venu bien vite a une question: pourquoi les jeu- nes resteraient-ils 4 l’écart des discus- ‘sions des autres comités? Si ont veut vraiment ouvrir le parti a la jeunesse, ne devrait-on pas commencer par don- ner une voix aux quelques jeunes qui sont déja dans le parti? A un moment donné on a cru assis- ter A une petite révolution de palais. Certains ‘membres de latelier, pre- nant au mot M. Camil Samson qui ve- nait d’inviter les congressistes a ‘“‘con- tester” dans toutes les directions, voulaient tout simplement que le mou- vement des jeunesses créditistes se fasse hara-kiri et que ses membres s’intégrent au parti individuellement. Plus sages, la majorité des jeunes se sont contentés de proposer que, dans les prochains congrés, les jeunes ne soient plus relégués dans un atelier" a part. Et, sur ce, la discussion a pris fin. Dimanche en-pléniére, la seule in- tervention provenant d’un ‘‘jeune”’ vi- sait & démocratiser quelque peu les régles de procédure. On demandait au président d’assemblée d’expliquer le sens des amendements proposés a la constitution. ‘Qui est d’accord?”’, a demandé le président. Une dizagne de. “personnes se sont levées. “Qui est a~mtya?” Tas, 400 autres se sont sree immeédiatement. Telle . fut grosso modo la participation des jeu- . tes au congrés de la fin de semaine. S solides oii “on est re de convictions’, On retrouve parmi eux bien souvent les enfants des députés et des organi- sateurs, les amis de ces enfants, etc. D‘autres font déja partie de l’organi- sation: un tel est secrétaire d’un dé- puté, un autre était agent officiel dans in comté. Tous les jeunes que nous avons in- terrogés sont d’accord sur deux points Le Ralliement créditiste a une fort mauvaise image auprés de la jeu- nesse... et les militants du Parti qué- bécois sont dignes d’admiration parce qu’ils ont ‘‘un idéal’’. Mais pourquoi sont-ils au Rallie- Ment créditiste? Les plus articulés avouent quils s’y trouvent parce quils ont été “élevés 1a-dedans”’; parce qu’ils croient a la théorie éco- nomique du major Douglas (“‘il s’agit de monétiser la plus-value’’, disait Yun d’eux) ete. Pour l'un, Je Ralliement est un parti ‘de droite, ‘mais moi aussi je suis de droite, je suis pour le capitalisme et Yordre” (il a environ 17 ans); pour lautre, c’est un parti d’extréme-gau- che, parce que sa théorie, ‘‘c’est du vrai socialisme’; pour un autre, enfin, “les déclarations de Caouette, c’est de la blague, c’est du folklore, ce qui compte c’est le Crédit social dans sa pureté’’ — pour lui, le parti nest ni a droite, ni a gauche, “mais en avant’’. A peu prés tous croient que le parti a a juste titre une image “quétaine, ridicule, conservatrice”’, et que c’est pour cette raison que les jeunes n’y sont pas intéressés. “Il faut leur ex- pliquer que le Crédit social, c’est une théorie économique sérieuse...”” Rejoindre les jeunes: pour le Crédit social, comme pour tous les partis qui doivent renouveler leur électorat au fil des ans, c’est un probleme qu’on semble prendre trés au sérieux. Com- ment le faire? La direction du parti a fait une premiére tentative en dénon- cant les chasses aux sorciéres aux- quelles elle s’était livrée dans le passé. en se donnant, au comité exécutif, des responsables ‘“‘new look”, a la mine dynamique, tirés a quatre épingles. © Par rapport aux organisateurs de la premiére heure (dont M. Jacques Plante était, un bon exemple) et ala masse des délégués, ils ont l’air en effet de jeunes et dynamiques hom-~ _mes d’affaires de province. Mais cela suffira-t-il a attirer au sein du parti une fraction significative de jeunes? Le Ralliement créditiste aura sans doute besoin de plus d’une fin de se- maine et de plus d’un congrés pour faire une percée de ce cote, car il re- vient de loin. “ LOUBIER, clef!” Candidat au leadership de ]’Union nationale, M. Gabriel Loubier en- tend proposer a la ‘population, non pas des: solutions miracles, mais la . voie du ‘‘juste milieu’’: : — sur le plan économique, il en- tend prouver qu’au Québec le ‘‘so- cialisme n’est pas irréversible’’, et que l’entreprise privée ,demeure la meilleure formule ‘“‘puisqu’elle a permis aux Etats-Unis d’atteindre le plus haut niveau de vie au monde” — mais ceci n’exclut pas pour ]’Etat un certain réle indica-~ teur et planificateur; — sur le plan constitutionnel, Vancien ministre du Tourisme dans fe cabinet Bertrand entend propo- ser, si jamais il était. au pouvoir, une véritable. négociation, ‘dans Vesprit du pacte de 1867, ow la sou- veraineté appartenait aux Etats provinciaux’’; a lVissue de cette ne- gociation, le résultat serait soumis a la population pour approbation par voie de référendum; — sur le plan social, M. Loubier croit qu'il ne faut pas s’attendre a ce ‘que’on trouve des “‘solutions-mi- racles” aux problémes de la pau- vreté, du chémage, etc. Calme, détendu, bronzé, M. Lou- bier inaugurait hier aprés-midi son quartier général montréalais pour la course du leadership de l’UN, et a révélé que son slogan sera: “Loubier, c’est la clef!” “Par ce slogan, je veux montrer que les solutions que je propose ne consistent pas a défoncer les por- tes, mais a les ouvrir avec les in- . struments adéquats”’, a-t-il dit. M. Loubier ne s’est pas attardé a exposer les différents points de son . programme, tout au. plus a en don- ner les grands trajts, ce qui nel’a pas empéché de jeter des pierres dans divers jardins. . “Est-il normal, a-t-il dit, comme on lui posait des questions sur la “contestation”’, que l’on emprisonne des jeunes hommes qui font de puerils plans de révolution, et qu’on laisse ouvertes des librairies qui vendent a rabais l’évangile de Mao et la littérature de Pékin? “Méme au PQ, ils ont ce pro- bléme, a-t-il poursuivi: ce n’est pas moi qui le dis, mais le Dr Ban- ville, de Sept-Iles, qui disait la se- maine derniére qu’il y avait des ’ éléments indésirables dans le parti. _Et M. Lévesque, croyez-vous qu’il scit heureux de |’élection de-Pierre Bourgault, qui croit a la violence sous toutes ses formes et prone un socialisme intégral?” Quant a la thése de l’association avec les Etats-Unis de M. Mario Beaulieu, un de ses adversaires a la chefferie, M. Loubier a déclaré quil. s’agissait d’une solution trés aléatoire: ‘‘Nous ne savons pas Si les Etats-Unis sont intéressés, et s’ils le sont, quelles conditions ils nous poseraient. Qui sait si, apres avoir signé l’entente, nous ne se- rions pas envahis par 2 ou 3 mil- lions de négres (sic) qui préfere- raient Je Quebec a l’Alabama?” a- t-il conclu. LE SOLEIL, 16 AVRIL 1971, XI