9, Le Soleil de Vancouver, 20 novembre 1970, CARNET D’UN PROMENEUR par Roger DUFRANE arts et spectacles par LADISLAS KARDOS WATT ee Yy Y= ae oe) Z ; ———. | SPECTACLES DE L’ABSURDE TROIS SPECTACLES, TROIS Les problémes que traitent ces cessité de vivre dans la socié— 3 piéces sont les mémes, La té. Vie, la Mort, le sens de la vie, Les auteurs et metteurs en sce- l’absurdité de vivre et la dif- ne ont choisi 3 différentes mé- ficulté, sinon l’impossibilité de thodes pour illustrer leurs pen- Fad a Je loge a Suresnes, 4 l’orée du bois de Boulogne, dans une maison qui date d’avant la ré— volution, Tous les matins, je passe le pont sur la Seine, suit l’allee de Longchamp, et entre dans Paris. A l’Etoile, ci se campe 1’Arc de Triomphe, tourne un manege de cent mille autos. Descen- drai—je au Cours-la—Reine pour y admirer les arbres du bord de la. Les amateurs d’art crient parfois au scandale. Mais ils finissent par s’amadouer, Paris est si grande qu’elle accepte toutes les audaces, On a pous- sé les hauts cris a l’érection de la tour Eiffel, Mais tout s*har— monise a la longue. Le bati- ment postal de Maine-—Montpar- nasse, ot la ligne courbe se ma- rie admirablement 4 la ligne droite, en temoigne, Il se fait 4 Paris un grand sfajuster a4 la structure de ]’éta— blissement, bref le conflit entre l’instinct de l’individu et la né- sées: Fellini, l’image; Stoppard, la parole; Joyce, la photogra— phie et le récit. SATYRICON un film de Fellini d’aprés le livre de Petronius, écrivain du ler siécle aprés Jé- sus Christ, qui décrivait la dé- cadence de Rome. Satyricon se passe au ler sie- cle aprés Jésus Christ, Ro- sencrantz et Guildenstern sont morts, au moyen age et Five Ea- sy Pieces, aujourd'hui. La Satyricon de Petronius n*'é- tait qu’une inspiration pour Fel- lini. Le récit de Petronius avait, paraft-il été écrit pour décou- rager 1’empereur Neron, sonami, ce de théatre de Tom Stoppard au Playhouse d’aprés Hamlet de Shakespeare, Mille ans plus tard: ‘*Rosen- crantz et Guildenstern sont morts’’, Stoppard a utilisé ces 2 per- sonnages du Hamlet de Shakes- peare pour créer une suite ou une interprétation de non-sens du drame. Les 2 héros, morts a la suite d’une ruse de Hamlet, qui avait substitué sa propre con- damnation a mort a celle de Ro- sencrantz et Guildenstern, revi- vent le drame de Hamlet en par des hommes modernes, des automobiles, des appareils de TV me laisse avec le méme senti- ment, avec la méme curiosité éternelle, le méme ‘pourquoi’? angoissant que les 2 autres pié- ces. L’homme n’a pas changé, Si Dieu a trouvé nécessaire de proclamer entre autre dans les dix commandements que les en- fants doivent respecter leurs pa- rents, le probleme du ‘‘genera- tion Gap’? devait exister féja. S*il était nécessaire de défendre par une loi religieuse d’envier a son prochain sa femme, son , -j nt- ne et ses serviteurs, il a dQ peas OS ae arias mouvement de travailleurs: foule § 4 continuer ses promenades et —spectateurs, Ils ont l’air d’ac- sae deja des problemes con- ’ anne neo oO pressée qui envahit les boule— aventures nocturnes dans les bas— cepter leur mort sans savoir oak ea are teat 3 itl Rabe ta ville: tentaouaire? OR fonds de Rome, Cette oeuvre iis. ont “weeus gee quy apper : bien me dirigerai-je vers les Tuileries et le Louvre? Je vi- siterai l'un ou J’autre, selon l1*humeur de mon esprit et celle du ciel, a la poursuite de 1’ame de ce Paris multiple et unique, dont on ne. se lasse pas et qui fatigue tant. _. Paris est fort ancienne, C'était ~ d’abord, sur le fleuve, un refuge contre l’ennemi. Au cours des ages, la population s’est accrue. Elle a débordé sur les collines ~ avoisinantes: le Mont Sainte-Ge- Neviéye, le Mont-Souris, le Mont- Parnasse, Ye Mont-Martre, D’a- bord furent conquis les coteaux voisins, puis la France entiére, puis l’Europe, puis le monde. Mais la conquéte fut pacifique et spirituelle, Ce n’est pas sans raison que les Nations Unies ont édifié 4 Paris le palais mon- dial de la culture. Paris est aussi le centre de la gastro- nomie, des jouets, de la librai- rie, de la lutherie, de la haute couture, des parfums, des bi- joux, et des belles femmes pour © les mettre en valeur. Paris, qui porte un navire sur ses armoiries, est nee de la Seine, et c’est sur la Seine qu’il faut la découvrir. La, se re- flétent des tours, des clochers, des coupoles, des ponts et des arbres. Sans cesse Paris se renouvel- le. Depuis une dizaine d’années, les anciens édifices ont ete net- toyés, De nouveaux et moder- nes b&timents s’élévent ici et SPECIAL NOEI €uropean News 1044,rue Robson vards, les stations de métro et qui le dimanche se rue 4 Chan- tilly pour boire un peud’air frais, De plus en plus, les Parisiens s'éloignent et vont loger en ban- lieue. Les chemins de halage des bords de Seine se muent en avenues, Mais on respecte le berceau de la Cité, Des communiantes en voile pas- sent avec leurs parents sur la butte du Sacré-Coeur, Plus bas, Place Clichy, des marlous déam- bulent. Dans un bistrot de la rue Lamarck, la patronne vient mettre la main sur une bouteille de madére et l’emporte dans sa cuisine pour lier la sauce, Un rapin a bérét basque. Place du Tertre, est interpellé par un jour- nalier: ‘*Peins-moi ma g.. .! tu gagneras un million’’, “Paris, je t’ai vue vide en 1940 et surpeuplée vingt ans apres! J’ai hanté tes rues et souterrains et j’ai souvent failli m’y perdre, A deux pas de la trepidation automobile on s’en- fonce dans le mystére d’une im- “passe; tes dédales confondent la mémoire; on trouve sous ta robe de pierre des substructions ro- maines, et plus bas encore le gouffre celtique.’”’ Il pleut. Une jeune parisienne -bottée de cuir rouge renverse son panier vide sur sa téte et ce chapeau impromptu lui sied a ravir. Elle sourit, Et je rem- porterai au Canada son image comme un gracieux souvenir, nous est parvenues dans un état trés fragmentaire. Encolpius, un jeune homme perverti passe sa vie a la recherche du sens de la vie. Fellini ne s’est pas tenu au texte de Petronius, Il a inventé de nouvelles aventures symboliques et hallunacitoires, qu*il nous jette au visage avec des images psychédéliques a faire croire que les acteurs et lui- méme étaient drogués pendant toute la durée de la production de ce film, Il a gardé toute— fois les personnages de Petro- nius. Le héros Encolpius souf- fre et jouit de la vie. Les ima- ges n’ont pas de suite directe . Voici une, scéne sur un bateau transportant des prisonniers, Le capitaine borgne, Lichas, pour montrer sa force et sa puissan— ce, lutte d’abord avec Encolpius, s’amourache de lui et l1’épouse, Fellini a trouvé cette scéne dans un récit de Tacite ou Néron avait épousé un homme au cours d’une cérémonie de mariage officielle, Une autre scéne montre Encol- pius en combat contre un gla- diateur a t@te de taureau. Au moment de sa défaite il est é- pargné a cause de sa jeunesse et de sa beauté par ]l*’empereur qui assistait de sa loge au spec-— tacle. Il lui ‘tonne une jeune fille a condition qu’il la possé- de dans l’aréne, A ce moment Encolpius est frappé d’impuis- sance et doit fuir. Il cherche guérison auprés d’Oenothea une superbe négresse, dont l’histoi- re est montré dans un autre épi- sode. Un sorcier s’éprend d’elle, Elle lui fait croire qu'elle le recevra dans sa tour mais pour se moquer de lui, le laisse sus- pendu a la risée de tout le mon- de dans une corbeille en dessous de sa fenétre, Pour se venger, le sorcier prive le pays du feu, Cédant a la misére du peuple, il leur rend le feu-a condition que chacun allume son fagot au sexe d’Oenothea, ce qui fait souf- frir terriblement cette pauvre fille. Cette image trés osée et symbolique n’a pu @tre con- gue que dans la téte d’un hom- me comme Fellini, Une autre scéne peut étre interpretée com- me une manifestation anti-re- ligieuse du metteur en scéne, Un hermaphrodite, adoré par le peuple est ravi par Enclopius et son ami. Au cours de la fuite vers un but inconnu, il laisse ce demi dieu mourir de soif dans le désert. ROSENCRANTZ ET GUILDENS- TERN SONT MORTS une pié- pourquoi Cette piece lugubre et loufoque est montée avec maitrise par David Gardner au Playhouse Theatre, La mise en scéne est excel- lente et les acteurs sont de pre- miére classe, Neil Dainardcom- me Rosencrantz et Alan Scarfe comme Guildenstern ont la pro- fondeur de Faust et la malice de Sancho Panzo, Paxton Whi- tehead joue le rdéle de l’acteur. Ctest un grand artiste qui a su interpréter 1’amant cocudans Se- cretary Bird avec autant de con- viction qu’il a su nous faire croi- re ce personnage shakespearien, Le public rit souvent car des phrases et des ripostes sont sou- vent dréles, mais seulement dré- les endehors ducontexte, Ne vous attendez pas a passer une soirée facile et amusante, Je suis sor- ti du théatre en me posant la question; Pourquoi cette piéce a— t-elle été écrite? qu’est-ce que l’auteur voulait nous dire? qu’est-ce que cela nous donne? La question est la réponse. Je conseille toutefois de relire Hamlet avant d’aller voir cette piece. Tout le monde sait qui était Hamlet et on sait.que:*I] y a quelque chose de pourri dans le royaume de Danemark”’ et *f@tre ou ne pas étre, c%est la question’? mais en dehors de ces 2 pensees, devenues lieux communs , Shakespeare adit dans Hamlet beaucoup de choses qu’il serait utile de savoir avant de voir ** Rosencrantz et Guil- denstein sont morts’’, FIVE EASY PIECES, un film de Adrien Joyce, avec Jack Nichol- son. Le troisieme spectacle: “‘Five Easy Pieces’’, un film de A- drien Joyce est apparemment beaucoup plus facile 4 compren- dre. Un jeune homme de bon- ne famille quitte la maison pa- ternelle pour vivre comme fai- sait Encolpius 2,000 ans avant lui dans un monde différent, Il vit avec une jeune femme jo- lie mais béte. Elle lui tappe sur les nerfs, il ne peut pas la supporter intellectuellement mais il en a besoin comme on peut avoir besoin du néant, La ‘révolte impuissante contre 1’éta- blissement finit. toujours sans ‘résultat et sans fin pour ]*indi- vidu révolté, Sa lutte contribue a l’amélioration de la condition humaine mais le héros est un hors-la—loi, un animal de sacri- fice offert aux Dieux sur ]’autel du progrés. Ce film qui joue en 1970, en costumes modernes, Et depuis combien de temps con= naissons—nous le ‘tu ne tueras point’? et pourtant nous conti- nuons a le faire. Pourquoi? On peut se demander pourquoi Fellini a trouné cette halluci- nation qui ne rime a rien, Le public du Varsity-Cinema ou pas- se ce film est composé en gran- de partie par notre jeunesse che- velue qui y trouve peut-@tre con- firmation de son attitude anti- establishment, En sortant du Playhouse on se demande pour- quoi Stoppard a rem4ché ce thée- me de Hamlet traité avec la plus grande maftrise par Shakespeare, Le film de Joyce finit par le départ du héros vers un but ‘vague et inconnu, ok tok Ssabelle Par Jaeques Baillaut Par un jour de novembre 1969 naissait sur les ondes de CBUF- FM la légende d’Isabelle. Isabelle est une montagne si- tué€e quelque part entre les “Lions” et ‘*Grouse Mountain’’, Chaque matin elle inspire des propos qui suivent les saisons, les événements et ses sautes _d*humeur, © Petits propos sans prétention ‘dont la seule raison d’étre est d’exprimer des pensées nées en- tre le chant du coq et le pre- mier café, Voici ce qu’était la premiére “‘ISABELLE’’, Je vois les’ montagnes chaque matin en ouvrant ma fenétre, Depuis quelques jours elles por- tent des capes de dentelle blan- che; ces grandes coquettes se préparent pour la saison d’hiver. La plus belle c*’est Isabelle. . . « « Belle Isabelle... ‘ Ce nom qui a des ailes... lui va a merveille, Je n’apercois d’elle qu’un tout petit bout de museau blanc qui dépasse au dessus de la grosse montagne ventrue qui se trouve devant elle. . . C’est a croire qu’Isabelle Belle se hausse sur la pointe des pieds pour me dire BONJOUR, ISABELLE peut @tre entendue a l’émission “*Du vent dans les Voiles’’ présentée par Serge Ar- senault du lundi au vendredi a 7h.sur les ondes de CBUF-FM 97.7 Vancouver, ISABE LLE, c’est pour vous. Tous droits de reproduction et *adaptation réservés.)