: : : | : | ; : ; Le Soleil de Colombie, vendredi 11 décembre 1987 - 13 — VOYAGES Récit d'un tour du monde Bref séjour 4 Rome [Suite de la semaine derniére] Par Jean-Claude Boyer Le tendemain matin, je retourne au musée du Vatican pour une deuxiéme visite en cing ans. Cette fois-ci, j'ai ma lecon : jy suis dés l’ouverture pour — aussit6t me précipiter a la chapelle Sixtine avant qu'elle ne soit envahie par la foule bavarde - malgré l’interdiction formelle de parler. Je suis encore une fois subjugué par tant de splendeurs. Décidément, Michel-Ange était obsédé autant parla musculature que par le raffinement des détails. Ces immenses fresques du XVIe siécle sont en voie de restauration depuis 1980. Leur nettoyage méticuleux ne sera pas terminé, parait-il, avant 1992. Il a pour but d’enlever la suie «séculaire» provenant des cierges et du chauffage au charbon, mais aussi de tenter de _ réparer certaines restaurations peu scien- tifiques, dont celle d’un Italien du XVIIIe siécle qui a cru bon «rafraichir» les célébres fresques avec du vin grec pour les retoucher ensuite avec de la peinture délayée. Tous les efforts sont aujourd’hui conjugués pour contrer les effets conciliés de la pollution, de ’humidité et de la lumiére artificielle. La télévision japonaise a versé trois millions de dollars pour mener a bien ce travail de bénédictin, moyennant des droits exclusifs sur la photographie et la mise sur bandes magnétoscopiques de chaque étape. Le contraste entre la partie restaurée, au cours des quatre premiéres années, et lautre est saisissant. Je m’y attarde longuement, quitte a attraper un torticolis. Suit la visite de tout le musée 4 ma guise. Richesses inouies! Tout m'impressionne encore plus qu’en 1979, surtout parce que je me joins, discrétement, a des groupes d’étudiants guidés par des professeurs d'histoire de l'art. Je revois des «morceaux de la lune», semblables 4 ceux que j’ai déja vus au Capitole de Denver, au Colorado. Ailleurs, j’observe une artiste en train de peindre des médaillons avec, semble-t-il, trois poils. Je retourne visiter la basilique Saint-Pierre, bien entendu, puis le magasin de souvenirs ott je fais la connaissance de M. Raymond Beaugrand-Champagne, le réali- sateur de l’émission Rencontre, a Radio-Canada. En lui disant que jenseigne a des Francophones de la Colombie-Britannique, il ajoute sur un ton badin : «Il en reste encore?» J’achéte une photo toute récente de Jean-Paul II récitant son chapelet al’orée d’un bois prés d’Edmonton, et un poster géant représentant en médaillons les 264 souverains pontifes, avec autant de petits paragraphes sur la vie de chacun. Le temps est radieux. Je dévore un lunch en plein soleil au pied de lobélisque qui se dresse au milieu de la grande place. Je me joins ensuite 4 un autre groupe guidé pour la visite extérieure du Vatican. “ya tant. a apprendre... Ce soit-la, nous assistons, Suzanne, Robin et moi, a une représentation d’amateurs de lopérette L’Auberge du cheval blanc - dans l’immeuble de la FAO. Le spectacle est amusant, surtout l'interprétation du réle de la propriétaire de |’auberge, vieille fille enragée qui s’égosille plus qu’elle ne chante ses ardeurs d’amoureuse frustrée. Les notes aigués, fausses, provoquent a la fois rire et malaise. Suzanne me glisse a loreille : «Tu sats, cette ‘diva’ est également ‘sans homme’ dans la vrate vie». -Elle ajoute, compatissante : «Je la plains». Ce ‘mélange de théatre et de réalisme ne m’empéche pas de grincer des dents 4 la moindre fausse note. Aprés le spectacle, nous nous rendons a une pizzeria ow l’on sert la plus grande variété de pizzas imaginable. J’en choisis une come verde, aux légumes verts, cest-a-dire, avec €épinards et brocoli. Il y en a méme aux pommes de terre! Le lendemain, lever matinal. L’un des garcons, Fraser, m’invite 4 signer le livre des invités avant les adieux - déjal Je traduis ici, de l'anglais, le petit mot que j'ai d’abord griffonné dans mon journal : «Chers amis. Votre hospitalité, le premier jour, a remplacé le soleil alors que le deuxiéme jour, elle la rendu plus éclatant. Et ce, méme stjat ‘manqué’ John...». Suzanne me fait remarquer, sur un ton taquin, la différence sémantique entre «I mzss John» (je m’ennuie de John), que j'ai d’abord écrit, et «I missed John» (j’ai manqué John). Tout en sirotant un brandy russe du Caucase, Suzanne et moi causons de nos vies personnelles. Elle me parle de sa double famille (la sienne et celle de John, son deuxiéme mari, en tout neuf enfants, fort talentueux), -et moi, de mon passé plus catholique que le pape. Mon hétesse me_ reconduit Alécole Boulle: -rabots et robots Savoir réaliser un fauteuil Louis XV pour pouvoir concevoir ceux du TGV. Acquérir un savoir- faire traditionnel et faire des recherches de techniques nouvel- le. Telle est la régle d’or de l’Ecole supérieure des arts appliqués aux industries de l’ameublement et a larchitecture intérieure, dite école Boulle, fondée en 1886 par la Ville de Paris. Les métiers du meuble ont toujours participé avec éclat a la renommée de Paris, et il était nécessaire de former les artisans d’art et les dessinateurs capables de soutenir la réputation. L’Ecole fut inaugurée en 1895, rue de Reuilly, aux confins du Faubourg Saint Antoine dans ce qui est historiquement le quartier du meuble, et placée sous le patronage de Charles-André Boulle, «premier ébéniste» du roi sous Louis XIV. A la fois artiste et technicien, il est le modéle auquel doivent se référer éléves et enseignants de l’Ecole. Celle-ci se veut conservatoire du patrimoine frangais et laboratoi- re ouvert aux techniques et au design du futur. Pour tous les éléves de l’Ecole, le passé c’est la base. Et de tous temps, ]’école Boulle, riche de sa mémoire, a été grande ouverte sur l'industrie et lunivers industriel. Déja en 1925, les éléves réalisent le pavillon de Paris a l’exposition des Arts Décoratifs. En 1935, ils créent le mobilier du paquebot «Normandie», en 1952, celui du «France». La _ possibilité de travailler «en vraie grandeur est une des données principales de l’enseignement de 1’école Boulle. En 1983, une _ expérience originale mit en relation directe lEcole, une région et un partenaire commercial : 15 000 artisans ébénistes de Franche- Comté a la _ recherche de nouveaux débouchés _ s’adres- sérent a leur Chambre de commerce, laquelle proposa une collaboration avec Habitat, entreprise spécialisée dans l’amé- nagement intérieur. L’ingénieur responsable du projet, ancien éléve de boulle, se retourna vers son école. o jo} : A PSD. o NE LA PARTICIPAC TION, CA PERFECTIONNE Mis a l’épreuve, les étudiants dessinérent quinze modéles. Les prototypes furent réalisés par les artisans et les trois projets les plus intéressants mis au catalogue d’Habitat. En 1984, un quatrié- me modéle recut le premier prix _du design industriel mondial. Sortant de l’Ecole, les diplomés de Boulle ont le sentiment d’appartenir a une confrérie, car les anciens sont partout : dans les entreprises du mobilier, dans les bureaux d’études, l’architecture intérieure et la __ joaillerie. Organisés au sein de l’ Association des anciens éléves de Boulle, ils s'entraident. __ La derniére contribution des anciens éléves au prestige de I'Ecole, et ce, 4 l'occasion de son centenaire, est la conception et l'aménagement intérieur de l’Alliance francaise de Chicago. Bonne bouffe Bonne forme ° fe) ° Oey © 2 R4 a) | Le Christ du Jugement dernier - ensuite a la gare. Adieux chaleureux, comme il se doit dans un pays latin, et invitation réitérée. «N’oublie pas de saluer nos amis de Vancouver», ajoute-t-elle. Je remonte dans le train pour me rendre, cette fois, a San Gimignano puis a Sienne y découvrir d'autres merveilles de par Francois Lagarde PARTICIPaction chapelle Sixtine. la Renaissance italienne. Ce deuxiéme séjour 4 Rome, si bref fut-il, enrichit ce nouveau tour d'Europe de _ 1!’Ouest d'images et d’impressions qui resteront sans doute dans ma mémoire, 4 l’instar de la ville elle-méme, éternelles. \) Eloge de la raquette S ortez vos raquettes. Ou, si vous n’en avez pas, allez vite en acheter une paire. PARTICIPaction a parlé récem- ment a Luc Larose, de Sentiers Québec (qui s'appelle, au long, « Fédération québécoise de raquette et de ran- donnée pédestre » ). Et il nous a fait partager en quelques minutes son en- thousiasme pour cette activité physi- que inventée par les premiers habitants de notre pays, et reprise par les coureurs de bois et les trappeurs. Ce qui distingue surtout la raquette de son proche parent, le ski de ran- donnée ? C’est que la raquette se prati- que hors piste, en forét, hors des sen- tiers battus. Que vous soyez seul ou en groupe, vous allez oW votre fantaisie vous porte. Et vous n’avez pas a vous in- quiéter des tempétes de neige ou des vagues de froid:si. vous étes bien habillé et bien équipé, vos raquettes passeront partout. Contrairement a ce qu'on raconte trop souvent, il est trés facile de faire -de la raquette : ce n'est, en tout cas, pas plus difficile que de marcher. Et si vous avez du mal a garder votre équilibre, vous pouvez utiliser des batons de ski. Quant a la raquette, vous n’avez que lembarras du choix. La raquette traditionnelle en bois et en babiche demeure la plus populaire (d’autant plus qu'elle peut orner les murs du chalet ou du sous-sol le.reste de l'année). Et vous avez un choix de modéles selon la nature du terrain. La raquette algonquine classique est la plus utilisée. La patte d’ours, ovale, pres- que ronde, d’invention huronne, est particuliérement pratique sur les par- cours sinueux. La raquette crie, moins connue, a l’avant pointu et recourbé, est parfaite sur une surface crotitée. Il existe aussi des raquettes de mon- tagne, a cadre en aluminium, ultra- légéres et ultra-chéres. Et des raquet- tes de plastique, moins coiiteuses, par- ticuliérement résistantes dans la neige mouillée. Ajoutez a cela des mocassins de peau ou une paire de bottes sans talon, et il ne vous faudra plus que des har- nais, que vous pourrez acheter ou fabri- quer vous-méme (4 partir d'une méche de lampe. a pétrole ou d'un bout de chambre 4 air). Vous voila prét a vous lancer dans les foréts. A condition de vous habiller chaudement et d’emporter un sac 4 dos contenant une boussole, une carte de la région et de quoi boire. Vous pouvez méme, si vgus étes aventureux, partir en expédition, vous creuser un abri dans la neige, et respirer un air de totale liberté comme les autochtones et les premiers ex- plorateurs de notre pays. —-s