VOYAGES Le Soleil de Colombie, vendredi 23 septembre 1988 - 11 Par Jean-Claude Boyer Séoul, capitale de la Corée du Sud, 17 juillet 1985, féte de la Constitution. Aprés le petit déjeuner, en compagnie de deux jeunes’ routards de Toronto et du Colorado (trois «Oo» et trois «o» font «ciseaux»), je me rends au_ terminus Kangnam, sans mon sac a dos, prendre un express pour Kyongju, 2400 km au sud-est de Séoul (8$ US). On m’a prévenu de faire attention aux deux autres noms _ semblables: Kongju et Kwangju. Mon bus part du troisieéme étage; c'est bien la premiére fois que je monte en ascenseur pour aller prendre un bus. Départ a 11h00 précises. Je suis le seul passager non- Coréen et le seul moustachu. Siéges en velours bourgogne munis de ceintures de sécurité, téléviseur, eau potable, air climatisé réglable individuelle- ment, musique douce... Tout est impeccable, mais il n’y apas de toilettes. Les gens sont bien mis, calmes, réservés. Chauf- feur et hétesse en gants blancs, s'il vous plait. Quelques mots du chauffeur déclenchent des applaudissements polis. C’est maintenant au tour de la jolie hdétesse... Je me sens loin du Canada. Les paysages deéfilent, ver- doyants, harmonieux. OU que l'on soit, en Corée, il y a toujours, parait-il, des monta- - gnes aux quatre coins de I’horizon, sauf au bord de la mer. Et partout, des champs de riz. L’hétesse vient m/’annoncer, souriante: «Stop in ten minu- tes». Je la remercie fiérement: «Kamsa hamnida!» J’ai \’im- pression que tout le bus sourit. Nous nous arrétons devant un restaurant moderne. Propreté exemplaire, service rapide, prix abordables. J’observe une Coré- enne en train d’estampiller des boites de conserve a une vitesse folle. On m’observe |’observer. Elle m’apergoit: éclat de rire général. Nous reprenons bien- tdét la route. Cent teintes de vert me rappellent l’Irlande. L’hétesse allume le téléviseur. Film de kung fu: ¢a «cogne» en effet - comme des fous! Arrivée a Kyongju a 15h15. Mentionnons ici quelques faits historiques sur la vallée de Kyongju, devenue la principale attraction touristique du pays, apres Séoul, bien entendu. En 1979, lors du congrés de I'Unesco tenu en Thailande, Kyongju fut rangée parmi les dix plus anciennes cités du monde. Les richesses archéologiques enfouies dans ses vallées sont inestimables. Siége de la brillante dynastie Silla, de 57 av. J.-C. (au temps ot Jules César posait les fondations de l’Empire romain) jusqu’en 936, Kyongju est le seul endroit, en Corée, ol se trouve une telle concentration de trésors artisti- ques, culturels et religieux. Au Ville siécle, la capitale Silla comptait plus d’un_ million d’habitants. Elle gouvernait alors le pays tout entier. On Récit d’un tour du monde La vallée de Kyongju parledecette ép0que comme de |’ge d’or de la Corée, alors que l'Europe était encore, en ce temps-la, a l’age des ténébres. Isolement géographique, mena- ce diinvasion de la Chine, bouddhisme, confucianisme, ferveur religieuse, tout a contribué a l’épanouissement du génie créateur des artisans de ce royaume. C’est par milliers que l’on trouve pagodes .@n pierres enlacées, tombeaux de rois, bas-reliefs bouddhi- ques, sculptures, statues, forteresses et palais en ruines, inscriptions, pavillons, tem- ples, sanctuaires, jardins, cha- teaux..., letout dispersé dans la campagne, dans les montagnes boisées qui entourent |’ancien- Le temple Bulg ne cité. Des centaines de sentiers longent des ruisseaux sinueux. On dit qu’il faudrait au moins deux mois a un étudiant sérieux pour visiter les princi- paux sites de la_ région, miraculeusement épargnés par la guerre moderne. Me voila donc dans un immense musée sans mur, au coeur méme de la civilisation coréenne. Le kiosque d'information touristique et |’auberge Han Jin, celle que tous les guides recommandent, sont a proximi- té. J'ai t6t fait de constater que la réputation de cette auberge n’est pas surfaite: accueil aimable, chambres impecca- bles a prix modiques. Ce Kwon Young Young (quel nom!), le patron, déborde d’enthousias- me et d’énergie. «C'est jour de marché», me dit-il. «// ne faut pas manquer ¢a.» Je m’y rends. Quelle foire! Grand spectacle populaire gratuit fort animé. Des odeurs d’épices se succé- dent, se confondent. Une grosse vendeuse me sourit a travers des tresses de gousses d’ail pendantes; un bambin accroché a ses jupes me dévisage. J’aimerais avoir des yeux tout autour de la téte. Je m’assieds sur un long banc -de bois pour dévorer un repas épicé (60 cents) en compagnie d’un concessionnaire de voitu- res, Choi Jai Sik. En apprenant 8 («bien dit!»). que je suis célibataire a 41 ans, celui-ci en conclut que je dois certainement souffrir d’un grave probléme. Il m’invite a souper chez lui. J’accepte. Il viendrame chercher vers 20h00.:De retour a l’'auberge, trois jeunes Coréens insistent pour que je regarde avec eux, dans leur chambre, un match de boxe, mais ce «sport» m’horripile. J’engage plutét une conversation avec un couple d’'lsraél qui me _ parait fort cultivé. Mon nouvel ami, le conces- sionnaire, vient mechercher. En arrivant chez lui, il me présente son épouse, belle et charman- te; malheureusement, elle ne parle pas un mot di’anglais. Intérieur bourgeois. Le repas est prét. Nous nous asseyons par terre, comme le veut la coutume. (Mieux vaut ne pas: avoir d’embonpoint dans ces pays.) Petits plats exotiques. Salade de chou arrosée de ketchup! Café glacé. Nous feuilletons ensuite des albums de mariage et de famille. Mon héte a passé trois ans en Iraq avant de se marier. Superbe collection de timbres iragiens et coréens. ll me montre avec fierté deux roches spéciales rapportées d'lraq: elles sont décorées de minuscules des- sins naturels, et chacune d’elles contient une petite roche a l'intérieur, que l'on peut entendre sonner. Ces roches ont été elles-mémes obtenues en en brisant deux autres. Le couple me donne une photo d’eux-mémes prise lors de leur voyage de noces, avec nom et adresse a l’endos. En arriére plan, une soixantaine de mats, arborant des drapeaux d’autant de pays, se détachent d’un horizon vallonné. Je promets de leur envoyer des_ timbres canadiens pour les remercier. Sik propose maintenant un tour deville. En quittant son épouse, je fais remarquer qu’au Québec on embrasse sur les deux joues. Eclat de rire. «Dont do that here!» («Faut pas faire ga ici!»), recommande Sik, amusé. Nous roulons ensuite dans les rues déja presque endormies. De retour al’auberge, je fais la connaissance de Pierre-Marie, un Frangais volubile dont l'anglais me parait excellent. II se dit professeur d’espagnol dans un lycée, détient une maitrise en néerlandais, parle- rait couramment le danois et le norvégien, et aurait passé une année a étudier |'arabe et I’hébreux. Je le trouve fort sympathique. Le lendemain, 18 juillet. En quittant |’auberge, je remarque un jeune Australien en train de glisser argent et passeport dans la poche arriére de son blue-jean. Quelle inconscience! il apprendra sa lecon. Longue promenade au hasard. Retour a temple Pulguksa, a une quinzaine de kilométres. Le long de la route, j’apergois des fermiers occupés a étendre du riZ Sur des portions d’asphalte pour le faire sécher. Premiére impression de ce temple: absolument magnifi- que. Reconstruit il y a quelques années selon les plans origi- naux, le temple Pulguksa comprend six trésors natio- naux. Il s’étend sur une plate-forme de pierres appareil- lées sans ciment. Tous les édifices sont peints de couleurs éclatantes. Les avant-toits en bois, peints avec un talent inoui, sont, a eux seuls, dignes des sept merveilles du monde. L’équilibre et la symétrie de sa « C’est par milliers que I’on trouve pagodes en pierres enlacées, tombeaux de rois, bas - reliefs, sculptures, statues, forteresses, palais en ruines, temples, sanctuaires... l'auberge ou je propose a Pierre-Marie, a |’Australien et a deux Américains d’aller manger au grand marché. Nous nous y rendons. Il n’en codte que 400 wons (50 cents) pour un bol de nouilles, trois petits plats et deux patisseries. Nous prenons ensuite un bus pour le célébre » gloire ancienne (toits de tuiles en vagues, murs, ponts, piliers, pagodes et lanternes de pierre, bouddhas de bronze...) font de ce temple une réalisation tout a fait exceptionnelle. Le plus visité du pays, il symbolise l'apogée de la dynastie Silla. Suite la semaine prochaine Robina ory @ Meubles antiques @ Oriental, Ivory 2412 Main St. - Vancouver, B.C. Tel: 877-1500 _@ Royal Doulton e@ De collection Master Card Visa La, Fondation André Piolat’ ¢ Encourage |’étude de la langue francaise par l'octroi de bourses annuelles aux étudiants de Colombie-Britannique. e Joue un réle dynamique dans le développement des arts et des lettres d'expression francaise dans la province. Faites parvenir vos dons, déductibles d'impét, 4 l'adresse suivante 104-853, rue Richards, Vancouver, C.B. V6B 3B4 Tél: (604) 669-2235 ee