Le Moustique L’homme qui flottait. Je suis un gar¢on assez rationnel. J'ai suivi suffisamment de cours et méme fait quelques études techniques, ce qui me permet d’avoir une approche assez matérielle des choses. Je passe pour étre raisonnable et plutét bien équilibré. Rien de bien exceptionnel bien sir mais, disons, cette bonne moyenne qui devrait permettre une intégration relativement facile dans ce monde un peu compliqué. En somme, un quidam sans histoire et sans probléme. Un personnage ordinaire dont la vie s’écoule tranquillement, sans faire de vagues, comme une barque légére, aux premiéres lueurs du jour, dérivant lentement sous la poussée d’une brise discrete. Mes aventures les plus folles, je les vis en réve. Et encore, il s’agit toujours d’événements assez ordinaires. J’ai a? révé que je faisais fortune et que j’avais bien du mal a dépenser mon argent. Une autre fois, il y avait eu cette fille, belle comme l’amour, dont j’avais apprécié l’exquise conversation et qui, me laissant tout enivré de son charme, s’en était allé rejoindre son époux. J’ai révé de voyages en des lieux magnifiques ou je retrouvais des voisins. J'ai été pris dans le tumulte de troubles politiques ot tout s’est finalement arrangé sans Volume 3 - 9° édition Septembre 2000 que j’aie eu a intervenir. Méme mes ré€ves sont ceux d’une personne raisonnable. Je fais aussi des réves a la fois étranges et particuliére- ment plaisants. Je pense qu’ils ne me viennent qu’en des périodes ou je me sens extrémement bien, mentalement et physiquement. Je me vois alors en compagnie agréable et je réalise des prouesses qui me sont normalement impossibles. Par exemple, dans la rue, pour impressionner la jeune femme qui m’accompagne, je m/’approche d’un réverbére que je saisis d’une main, a hauteur de poitrine, et de l’autre, a hauteur du visage. L’une en pronation et autre en supination, je parviens ainsi a porter mon corps a l’horizontale, comme un drapeau a son mat. A ressentir admiration dans ce regard de femme, je me sens comblé au point de garder de la nuit un souvenir merveilleux. Plus souvent, je réve que je vole. Je suis alors l’homme le plus heureux de la terre. En fait, ce que je fais n’est pas réellement voler, mais bien plutdt flotter. A chaque fois, les mémes circonstances se répétent, toujours identiques et toujours en présence de quelques personnes amies. Au début du réve, je ressens soudain le besoin de m/’élever dans les airs. Alors, je penche doucement le buste en avant; je place les bras en croix. Au moment d’atteindre la limite de l’équilibre, le doute me prend. Vais-je y parvenir ? Cependant je bascule, mes pieds quittent le sol. Je flotte !