Le Moustique___Volume.2_- _6""" édition__Juin 1999 __Page |]7___ Petite Gazette du Monde Le conquérant de I'Everest est de retour Aprés avoir conquis I'Everest, le 5 mai, le Québécois Bernard Voyer revient dans son Québec natal. II était accompagné de son sherpa, qui a réalisé quatre ascensions de I'Everest. Il vient passer deux mois au Québec. Aprés le Péle-Nord, le Pdle-Sud et le Toit du monde, Bernard Voyer pourrait difficilement aller plus loin. Il est le deuxigéme Québécois, apres Yves Laforét, a se rendre sur \'Everest et le deuxigme homme a étre allé aux trois pdles, aprés un Norvégien. Pour plus de renseignements : Bernard Voyer Site officiel de I'explorateur québécois : http://www.bernard-voyer.com/ L'Everest. Un album de photographies présenté par le «Everest Live Executive Committee» http://www.m.chiba-u.ac.jp/class/respir/eve_e.htm On n'‘apprivoise jamais la montagne. La haute montagne est fascinante. Exigeante aussi. Elle ne pardonne pas le moindre écart. L'alpiniste belge Pascal Debrouwer I'a payé de sa vie. Qu'est-ce qui pousse tant d'alpinistes dans les griffes de I'Everest ? Le risque mortel est quasiment présent sur toutes les pentes et la difficulté est extréme, sur le toit du monde. Mercredi, le Belge Pascal Debrouwer est mort (aprés une chute de mille métres), lors de sa descente du sommet. Tout comme le Polonais Tadeusz Kudelski, la veille. Pourtant, toujours plus de grimpeurs, et méme de simples touristes fortunés, semblent vouloir s'attaquer aux 8.848 m du pic himalayen. Pascal Debrouwer était un alpiniste expérimenteé. Il en était 4 sa troisieme tentative de conquéte de Everest. Et il avait réussi d'autres «8.000». Mais avant de partir, pour cette expédition-ci, il avait reconnu qu'on n'apprivoise jamais la montagne. Une lucidité qui ne lui a pas permis, malgré tout, de déjouer les piéges de ce sport de l'extréme. Car c'est bien de cela qu'il s'agit. Vaincre un sommet de plus de 8.000 métres reléve de l'exploit sportif. D'autant plus quand on tente de le faire, comme Debrouwer, sans apport d'oxygéne en bonbonne. I! faut fournir un effort intense et de tres longue durée, dans un univers trés pauvre en oxygéne, malgré un froid implacable et dans un inconfort complet. Certes, il y a la motivation de l'exploit, humain et sportif. Il y a aussi, chez ces alpinistes, un mental d'acier qui les pousse a vouloir sans cesse se surpasser et repousser leurs limites. Pascal Debrouwer s'était lancé a I'assaut du «troisiéme pdle» pour assouvir une passion, réaliser un réve. Tout comme Alain Hubert, qui faisait partie de la méme expédition, mais qui, se sentant malade, a rebroussé chemin. D'autres, par contre, commencent 4a utiliser la montagne de maniére moins désintéressée. Les histoires choquantes se multiplient sur les faces du géant. On se souviendra de cette cordée avide de succés, qui se préparait depuis des années, et qui, le jour de la consécration, n'est pas venue en aide a une autre cordée en difficulté. Plus recemment, Alain Hubert €voquait des tiraillements, sur les flancs de I'Everest, entre cordées commerciales (qui emménent des clients le plus haut possible) et expéditions d'alpinistes. L'entraide a tendance a se monnayer en dollars. Les tentes dialtitude, ot est provisoirement entreposé le matériel, doivent étre fermées a clé. Des «sentinelles» surveillent des passages équipés sur certaines voies et exigent des dollars pour ouvrir les autres... La haute montagne, aujourd'hui, c'est parfois cela aussi. Mais un sommet comme |'Everest est et reste quelque chose de magique, de grandiose, de fascinant. Prés de 165 personnes y ont déja perdu la vie. Et moins de 850 alpinistes ont atteint le sommet. Pascal Debrouwer avait encore dit, avant son départ: Rentrer chez soi sans avoir connu de probléme, c'est une premiere victoire. Si on peut y ajouter le sommet... Le sommet, il l'a eu. Mais I'Everest a emporté sa vie. Jean-Pierre Borloo. LE SOIR de Belgique. 23mai99.