LES VOYAGEURS Le Canadien francais est voyageur dans ‘ame. Pendant le régime francais i] ouvrit presque tout ce vaste continent. Aprés la conquéte, méme cantonné dens un territoire limité, 1] essaima partout, et c'est gréce & lui que les explorateurs piirent atteindre I’ouest du Canada. On voulait le faire cultivateur mais i) révait de visiter et dominer le «pays den haut». (1) Un nouveau continent cent fois plus vaste que le territoire de sa mére patrie était son domaine. Le nouveau continent dominait les Européens dés leur arrivée. Tous les éléments de la civilisation développée au cours des siécles y étaient absents. Les premiers explorateurs trouvérent le continent peuplé d’abor igénes, dens un état primitif, inconnu en Europe depuis plus d'un millier d'années. En Amérique les moyens de transport et les distances isolaient I'homme blanc de sa mére patrie. Les Européens apportérent I'héritage dune civilisation plus avancée au point de vue technique. Cependant, une certaine régression était inévitable. Le nouveau milieu forma I‘homme blanc 4 son image. L'espace si vaste du nouveau continent attirait de plus en plus les nouveaux venus vers l'Ouest. A la fin du 17e siécle, envi on 1,500 Francais, coureurs de bois et marchands voyagaient dans les pays d'en haut. Et pendent les derniéres années du régime francais, on comptait plus de 4,000 hommes dans les postes d’en haut. Ceci représente entre sept et dix pour cent de la population totale de la Nouvelle France. (2) Ainsi, il s'est créé un type canadien nettement carectérisé. Cette sélection n'est pas limitée 4 des critéres de moralité; elle s'est aussi étendue aux qualités physiques. Le climat s'est chargé de faire une seconde sélection. Le résultat est que les Canadiens sont bien faits, robustes, grands, forts, vigoureux, entreprenants, braves et infatigables. La nature du pays et l'isolement forcérent les Canadiens & ne compter que sur eux- mémes. Ils devinrent ainsi débrouillards et acquirent de l’ingéniosité sous toutes ses formes. Dés les premiéres années de la colonisation apparut le coureur de bois comme type social. (3) Bien entendu les nécessités de la vie économique - la traite des fourrures - expliquent en partie cet engouement pour 1a vie dans les pays d'en haut. Mais aussi la géographie méme de la colonie frangaise, ouverte vers l'intérieur d'un continent sans limites apparentes, attirait les jeunes vers I’Quest. Pendant que les colonisateurs anglais développaient les régions de la riviére Hudson et de la Pennsylvanie, les pionniers de la Nouvelle- France progressaient vers l'Ouest & un rythme étonnant. Cette conquéte spectaculaire a duré un siécle et demi; jusqu’a ce que tout l’intérieur du continent, des grands lacs au golfe du Mexique, appartienne 4 la France. Cependant ce n'est pas & la suite d'un libre choix que la Nouvelle-France se met & la t&te de ce mouvement d'expansion. Deux facteurs I'y poussaient. Le premier était d'ordre économique puisque sa prospérité reposait sur l'exploitation des fourrures, le second était social puisque la classe dirigeante ne pouvait pas subsister du produit des seigneuries. Le réseau des postes, & la fois comptoirs de traites et forts militaires, procurait le revenu additionnel nécessaire 8 leur subsistence. Dans les relations avec l'Europe, la situation géographique de la vallée du St-Laurent était tras défavorable par rapport aux colonies anglaises sises sur le littoral de |'Atlantique. Celles-ci pouvaient maintenir des rapports ininterrompus avec l’Angleterre. La Nouvelle- France au contraire, se développait l'intérieur du continent, et son seul port de mer, Québec, était fermé durant la moitié de l'année. La population limitée et le peu d' immigration, au maximum 10,000 émes pendant tout le régime. francais, ne permettaient pas lexploftation des régions découvertes par les explorateurs et les coureurs de bois. Cette impossibilités de la France de coloniser ces territoires & J'intérieur de la barriére appalachienne en signifiait la perte & plus ou moins bréve échéance, en face de la poussée des colonies anglaises, dix fois plus populeuses. Le type voyageur au Canada-francais est effectivement né du milieu géographique du nouveau continent et de son trait dominant, l'espace; i] est aussi né de l’or ientation économique de la Nouvelle-France, la traite des fourrures , ( a suivre) (1) Ce qui est maintenant la région des Laurentides, province de Québec) (2) W.B. Munro. The Coureurs de bots, dans Proocesding of the Massachussetts His. Soc. 47 (1923-4) 192-205 (3) Ce sujet sers tratté dans Ia prochaine éditfon du Phare Bibliographie: Cahiers dhistoire No 16 . Les Canadiens Francais aux quatre coins du monde, par John Hare. Laurette Agnew L‘Association Historique Francophone de Victoria