* Des Albigeois aux Algonquins par Roger Dufrane Vers la fin du mois der- nier, je m’étais rendu, un mercredi soir, au local de l’Alliance frang aise, rue Cambie. Au programme : une conférence sur la Croi- sade des Albigeois. Le so- leil couleur d’orange incli- nait ses rayons sur les pe- louses. Un vent frisquet re- broussait les corolles des fleurs. Arrivé au but, j’ai trouvé porte close. La con- férence était annulée. Ce contretemps me déro- bait mon plaisir. Désoeuvré, je descendis en ville. Par les rues presque désertes, je me prenais 4 songer. Le conférencier, Monsieur Claude Bouygues, profes- seur a4 l'Université de ‘la Colombie-Britannique, est | | souveraine, des louanges A une nouvelle plus haute et immatérielle, celle du ciel. La poésie provengale devint chaste. Les troubadours pla- cérent leur dame dans les | nuages et la chantérent doré- navant dans un style mysti- que. Mes réflexions m’ont con- duit devant 1’Hdtel Vancou- ver. Pourquoi ne pas y en- trer’ J’aime y observer le va-et-vient. Je l’imagi- ne une sorte de forét de marbre illuminée de lus- ~tres électriques en guise originaire de Gaillac, dans le | Tarn. Son interprétation de la Croisade contre les Albi- geois doit différer de la conception officielle et cen- d’étoiles. Entre les colon- nes circulent quelques tou- ristes. Des Japonais 4 mal- lette jaune se font des cour- bettes sur les tapis. Sou- dain défile une musique. En livrées rouges et sombre- ros, les musiciens passent et disparaissent aux sons ' @€t aux lueurs des cuivres. tralisatrice des historiens | de Paris. Mais je ne la con- | naitrai pas ; et me voila réduit A remuer des songes sur mes anciennes lectures. Le Midi de la France s’est ouvert de bonne heure 4 la civilisation. Emaux, soies et ivoires de l’Orient, musi- que arabe, poésie catalane, philosophie paienne, tout cela sentait 4 plein nezl’hé- | résie. D’ailleurs le Midi respirait une joie de vivre que jalousaient les hommes du Nord. On décida une croi- sade. Des soudards, bardés de fer, se répandirent, com- me du plomb fondu, vers le Sud. Des villes flambérent. Albi souffrit l’exil et Mar- mande le massacre. On bail- les empécher de chanter. Puis la rigueur se relacha. Les beaux diseurs voilé- rent leurs sentiments sous Assis 4 cdté de moi, un monsieur et une dame d’une soixantaine d’années applau- dissent, et tout souriants se tournent vers moi et enga- gent la conversation. Ils viennent des Etats-Unis, ont séjourné A Portland chez leur fils, ont visité la val- lée de 1’Okanagan, et s’en- volent demain matin vers l’Est. -Je me nomme Jean Laflé- che et suis né A Saint-Jean- Port-Joli, me dit l*homme. J’ai vécu quarante ans aux Etats et je retourne au pays de ma jeunesse. Grand et maigre, cheveux gris et voix profonde, mon interlocuteur se montre si content de son voyage que tous les lacs de 1’Orégon et de la Colombie, trempés d’aube, semblent se reflé- ter dans ses yeux. Quant 4 sa compagne, assez forte et pourtant vive, rose sous des cheveux frisottés, elle s’exprime en clignant des paupiéres et secouant d’une main experte et pote- lée la cendre de ses ciga- rettes. - Mon nom est d’origine indienne, me _ confie Mon- - N’écoutez pas mon ma- ri, interrompt sa femme. Moi, lorsque mes ancé- tres Normands ont débar- qué au Québec, les Indiens se faisaient rares. Les noms de Lafleur, Lapalme, Lavio- lette et autres, sont d’hon- nétes surnoms de soldats frangais, qui portaient la fleur au fusil. et le coeur sur la main. Comment vous appelez-vous, Monsieur ? Je déclinai mon nom. La dame pencha la téteenécra- sant sa cigarette au cen- drier. Puis, me regardant en-dessous et souriante c’est un nom picard, affir- ma-t-elle. A une époque oi tant de]. bohémes ne savent plus d’ ot ils viennent, si tant est qu’ils l’aient jamais su, ce- la réconforte de rencontrer des gens soucieux de ligna- ges et de patronymes. N’ est-ce pas une fagon de pro- longer dans le passé notre vie que de nous intéresser 4 notre ascendance ? -Mes interlocuteurs avaient péré- griné sur trois continents. Nous avons parlé de l’Eu-|— rope, de l’Australie et de l’Amérique. Puis j’ai pris congé. La ville dormait. Les édi- fices, si pesants le jour, paraissaient suspendus par| — leurs lumiéres. Et dans cet- te cité des confins de 1’Amé- rique, dans ce bout dumonde qu’on appelle Vancouver, je songeais 4 la dame loin- taine qu’on peut évoquer par- tout 4 la ronde, ne fft-ce qu’en révant: croisades et anciens noms gaulois, A la souveraine qui parfois fut] — | cruelle et souvent généreu- se, 4 la France ! Isabelle Résolue A oublier l’hiver, ISABELLE, hier, est des- cendue en ville. Elle a couru de boutiques €n magasins afin de choisir avec soin un joli petit bi- kini qui fera mourir d’envie pas mal de ses amies. Derriére la cloture du jar- din, une iris se hisse sur le bout de sa tige pour mieux la regarder dans sa tenue d’été, laissant voir au so- leil enchanté, la peau rose a@ISABELLE que, tout con- tent, il va brunir de ses rayons ardents. : Coquette, elle sourit 4 plei- nes dents, une marguerite dans les cheveux faisant semblant de ne pas voir qu’il la dévore du regard. ISABELLE peut étre enten- due A 1l’@mission ‘‘Du vent dans les voiles’’ présentée par Serge Arsenault du lundi au vendredi 4 7 h, sur les ondes de CBUF-FM, 97.7]. Vancouver et le dimanche 4 8 h 33 au réseau national. Les gagnantes du concours NDLR - Chaque année la Caisse Populaire Saint Sacrement organise un concours de composition - | banque de la rue Broadway. Cette semaine nous publi- | ons celles qui ont meérité ' Comment aimes-tu notre de- Hi 3 le premier prix. ou viens-tu? Tu es pas mal frippé ; _- En effet, je viens d’une Histoire d’un billet de $ 1.00. Cette scéne se passe dans e-me.-Aci< la vote de la Caisse Popu- | laire St Sacrement. cing heures. Le gérant: et sa secrétaire viennent de fermer les portes de |? '| Ils mettent | énorme vofte. tout sous clefs et quittent V’édifice. Les habitants de la vofte sont seuls et cau- sent un brin. Ecoutons ce que deux billets de un dol- lar se disent : - Bonjour, le nouveau, d’ Il est} - C’est-ce que je pensais. meure. - C’est trés bien. Trés cal- Je me sens plus important. et egcs - Que veux-tu dire” - Tu sais, j’ai vu une af- fiche aujourd’hui quand le gérant a entrebaillé les por- tes de la vodte : Nous don- nons maintenant 6 % d’inté- rét sur l’argent déposé au compte d’épargne. La od j? étais, on ne donnait que 4%! - Bien sQr ! De plus, quand un sociétaire nous emprunte , €n cas de besoin, il ne paie q -avantage ? qu’a ta banque, il devrait payer au moins 14 ou 15 &%. - Les canadiens-fran¢ ais sont vraiment chanceux de profiter d’un tel privilége. J’espére qu’ils en prennent - Malheureusement non. C’ est pourquoi les directeurs de la Caisse Populaire font de la propagande afin d’at- tirer le plus grand nombre de canadiens-frangais A fai- re partie de leur caisse d’économie. : _- J’aime bien demeurer ici, mais ¢a me ferait quand mé- me plaisir de rendre service 4 un bon membre qui veut s’acheter une maison et n’a pas assez d’argent. - C’est bien possible, car j’ai entendu le président dire au gérant que plusieurs de- mandes d’emprunt ont été faites derniérement. - Bonsoir, reposons-nous. Peut-étre qu’on aura besoin de nous demain. - D’accord, bonsoir. Catherine Paris, Ecole St Sacrement, lére de la 7éme année. (Suite page 9) VIII, LE SOLEIL,:25 JUIN 1971 que 10 &% d’intérét, alors