Le Moustique Volume4 - 102 édition ISSN 1496-8304 Octobre 2001 Waga Haha No Ki, traduit du japonais sous le Critique littéraire de Paul Genuist titre Histoire de ma mére, est le récit des derniéres années de la mére de l'auteur Yasushi Inoué. Le pére, ancien médecin militaire, prend sa retraite a l'a€ge de quarante-huit ans (ce qui montre que l'acharnement au travail n'est peut 6tre pas aussi répandu qu'on le prétend au pays du Soleil levant). Avec une modeste pension il revient dans la région dont est native sa famille. Pendant trente ans lui et sa femme vont mener |a une existence retirée, cultivant leur petit jardin potager. A la mort du pére, sa femme ne veut pas quitter I'endroit ou ils ont vécu de si longues années. Elle jouit d'ailleurs d'une trés bonne santé a part: quelques trous de mémoires, mais personne ne remarque de déficience mentale. Puis les enfants finissent par constater qu'elle répéte souvent les mémes phrases,"comme si lés paroles qu'elle pronongait lui sortaient de I'esprit aussi bien que les réponses de ses interlocuteurs" (p.16). Ce symptéme de répétition et d'oubli est méme si flagrant que son petit-fils ainé pense que sa grand-mere a fini "par se détraquer'(p.17). | Cette femme autrefois sociable et joyeuse va devenir de plus en plus repliée sur elle-méme. Les enfants se relaient alors pour s'ioccuper de leur mére, chez elle d'abord, puis tantét chez l'un, tantot chez -|'autre. Son esprit est occupé de souvenirs de son adolescence, et il semble que ce soient surtout les événements malheureux qui lui traversent l'esprit, les instants heureux étant complétement effacés. Ses déficiences ne se révélent pas encore a ceux qui lui rendent de bréves visites, car elle réussit 4 garder les rites de la politesse. Mais quelques minutes aprés le départ des hates, elle rabache a nouveau toujours les mémes phrases. Comme elle aime répondre au téléphone, elle se précipite dés qu'il sonne et parle d'une voix aimable, mais dés qu'elle a raccroché elle oublie le message. Il lui arrive d'avoir tour a tour l'esprit clair et détraqué. Les années passent, éprouvantes pour tous. A observer, son fils Yasushi conclut que sa vie est faite "d'idées et de sensations que personne ne peut soupconner"(p.118). Affaiblie, elle ne parle plus guére, sauf sous forme de murmure. Assise, elle ne bouge plus. Elle redevient enfant, prend sa fille pour sa mére, puis ne reconnait plus personne. Des premiers symptémes de cette démence sénile jusqu'a son décés a |'age de quatre-vingt-dix ans, une dizaine d'années se seront écoulées. Paul Genuist Yasushi Inoué, « Histoire d'une mére », Stock, Paris, 1991, 142 pages. 3 —