e PAGE 6 Hypocrisie, quand tu nous tiens! L’?ANSE-AU-SABLE Robert Momer La mémoire est une faculté qui oublie, dit le proverbe. Rien de plus vrai pour ceux qui, pour un motif inavouable, préférent ou- blier! Par contre les infortunés, victimes de la barbarie nazie, n’oublieront jamais l’enfer des camps de la mort, tant qu’il leur restera un souffle de vie. Ayant vécu la période troublée de |’ére hitlérienne, je ressens le besoin d’apporter mon témoignage afin d’accorder a la vérité la place qui lui revient. Une cérémonie commémorant la libération du camp d’Aus- chwitz eut lieu, récemment. De nombreux dignitaires, venus des quatre coins du monde, y assisté- rent. « Une telle tragédie ne doit plus jamais se reproduire, décla- rerent-ils. La haine doit étre, a tout jamais, éradiquée de nos ceurs. » Voeu pieu? Qu’en est-il vraiment? L’Europe, ainsi que bien des pays du monde de ma jeunesse étaient profondément antisémites. Je soupgonne que c’est toujours le cas, si on en juge par les décla- rations virulentes d’ultras, envers les Juifs. Qui n’a entendu parler de |’af- faire Dreyfus qui divisa les Fran- cais de 1894 4 1906? Faussement accusé d’espionnage au profit de P Allemagne, I’infortuné officier fut trouvé coupable et condamné au pénitencier. L’enquéte avait été confiée au commandant du Paty de Clam. Pour briser sa ré- sistance, ce militaire sadique sou- mit Alfred Dreyfus a d’intermi- nables interrogatoires. Un homme d’un courage excep- tionnel, compte tenu du contexte d’alors, osa défier |’ Armée. Dans son livre J’accuse, Emile Zola mit au jour l’odieux complot et en dénonga les auteurs. Voici un extrait de la lettre que |’écrivain adressa au président Félix Faure : « On ne croira jamais les expé- riences auxquelles il (du Paty de Clam) a soumis le malheureux Dreyfus, les piéges dans lesquels il a voulu le faire tomber, les en- quétes folles, les imaginations monstrueuses, toute une démence torturante... » Une trentaine d’années plus tard, les premiers camps de concentration faisaient leur apparition en Allemagne... comme par hasard! Quand j’entends des gens de ma génération dire, qu’a cette épo- que, on ne savait pas ce qui se passait outre-Rhin, cela me ré- volte. Dans son livre Mein Kampf largement diffusé a tra- vers le monde, peu de temps apres sa parution en 1925, Hitler ne peut étre plus clair quant a ses intentions. Il s’étend largement sur deux points qui lui tiennent a coeur : la question juive et sa po- litique d’expansion Leben- sraum (espace vital) qui n’en- thousiasme guére les Francais, car ils viennent juste de récupérer 1’ Alsace-Lorraine. Par contre, se débarrasser des youpins (péjoratif pour juif) en réjouit plus d’un. Les journaux de droite (le Jour, l Action frangaise, |’Illustration, etc.), ne tarissent pas d’éloges a Yendroit d’Hitler. « Un homme exceptionnel, déclare Charles Lindbergh, de passage a Paris. » L’>homme « _ exceptionnel », jouissant de Vappui tacite de nombreux supporters non alle- mands (religieux, ex. téte cou- ronnée, proche de la famille royale britannique, hommes poli- tiques influents, chefs de partis de droite, etc.) s’empressera de mettre a exécution ses projets diaboliques. La persécution des Juifs débuta des l’accession au pouvoir des nazis, en 1933. On commenga par interdire, a ces derniers, de vendre ou d’acheter des produits kasher, suivirent les contraintes de plus en plus draconiennes: port obligatoire de |’ étoile de Da- vid, suppression de la citoyenneté allemande, interdiction de parti- ciper a la vie publique et de prati- quer leur religion, etc. . Cette derniére interdiction mena a la tristement célébre Kristallnacht, nuit pendant laquelle la populace allemande, exacerbée par les pro- pos enflammés de Goebbels, mi- nistre de la propagande, brisa les vitrines des commerces juifs et incendia des centaines de syna- gogues. La machine était lancée, elle ne s’arrétera qu’en 1945. En 1946, eut lieu le Procés de Nuremberg. Les coupables du gé- nocide furent jugés et condam- nés, enfin... pas tous, car beau- coup passérent a travers les mail- les du filet. On retrouva en Espa- gne, en Argentine, au Brésil et ailleurs, des années aprés le pro- cés, des exilés qui avaient colla- boré avec les nazis. II y avait, A suivre en page 7 a ad