Réalisme frangais - Chefs d’ceuvre du XIXe siécle. Depuis quelques jours, il se tient a Victoria une exposition sur les maitres francais du XIX° siécle. On y expose quelques chefs-d’ceuvre de peinture réaliste. Le réalisme en peinture. Tiens ! Y aurait-il, comme en littérature, une période dans la peinture qui s’appa- renterait 4a ce méme esprit qu’ont montré nos Stendhal, Balzac, Flaubert et, pour le naturalisme, Zola ? Bien sir, cela ne fait aucun doute. L’art, de quelque maniére qu'il s’ex- prime, est la resonance d’une sensibilité générale ; resonance qui peut par- fois étre entendue par la politique. Comme cette derniére peut quelquefois se l’'approprier. Cependant, les spécialistes nous ont tellement serinés que le néo- Classicisme et l'académisme manquaient d’ouverture, que le romantisme faisait preuve de violence passionnée et théatrale, qu’au contraire l’impres- sionnisme et l’expressionnisme présentaient une plus grande sensibilité et une meilleure traduction d’une vérité intrinséque et ce, au point d’en arriver a croire a l’existence d’un vide entre Géréme, Ingres ou Delacroix et Renoir ou Modigliani. Ces toiles qui nous viennent du Musée des Beaux Arts du Canada m’ont rappelé soudain l’existence d’un Corot aux paysages d’une grande lumino- sité, d'un Rousseau avec déja tout l’impressionnisme au bout du pinceau et d’un Courbet qui, dans ses paysages, préfigure si bien Monet. Courbet, c’est aussi un maitre du naturalisme, mais on ne le trouvera pas dans cette exposition sous l’aspect du naturalisme social d’un Zola. Pour cela, on découvrira plutét un Daumier (le célébre Wagon de troisiéme classe) ou un Millet (Les tueurs de cochon sans la grace des Glaneuses ou de I’Angelus). On remarque surtout Degas, que tout le monde veut impressionniste par sa recherche de la lumiére, ses cadrages Surprenants, alors qu’il est avant tout réaliste. Un réaliste qui va chercher ses sources chez Ingres, pour les for- mes, ou Delacroix, pour les couleurs, et cependant, prépare subtilement le chemin vers le fauvisme. Un vrai peintre charniére qui souléve un passé lourd d’expérience et le projette dans un futur plein de découvertes. Une exposition a ne pas manquer, car bien faite. Avec peu d’exemples, elle parvient 4 montrer qu’il n'y a pas a vrai dire de révolution. Elle prouve que esprit humain n’est qu’une lente progression, une évolution naturellement continue et merveilleusement créatrice. Jean-Jacques Lefebvre 22